Haiti : Comment Internet est-il encore possible depuis Port-au-Prince

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Voici le courriel que je viens de recevoir du directeur marketing de Multilink :

Multilink est une société à 100% haitienne. Multilink est le fournisseurs #1 de services Internet aux grandes institutions, gouvernement et corporation depuis 10 ans. Seul canadien dans l’entreprise, je dirige les comms et le mkt. Haiti est mon pays d’adoption depuis près de 25 ans.

Les observations de Stéphane sont d’une importance capitale pour comprendre comment le web peut et pourras (dans le futur) venir en aide aux populations aux prises avec une situation catastrophique. L’armée, les ONG et les gouvernements pourraient s’inspirer de cette histoire pour préparer les mesures d’urgences. Multilink transmets via des ondes radio internet.

Michelle,

Tel que discuté, je t’envoie les grandes lignes de l’expérience que je veux partager avec toi. C’est plus un état d’âme envoyé sur le vif.

Mardi, au moment du séisme, je suis en ligne avec mon équipe à PaP. Comme nous le faisons 24/24. Je travaille la plupart du temps en remote. Notre collaboration est continuelle, mais virtuelle. Comme si je suis dans le même bureau. Très vite la confusion s’est installé. Mais nous sommes demeuré connecté via Skype.
Les lignes téléphoniques nationales étaient déjà over saturées. La panique s’installait dans le pays. Plus rien ne passait autre que via les médias Internet.
Mon équipe est demeuré connectée pratiquement tout le temps depuis mardi via Skype essentiellement, chacun là où nous étions.

Twitter, Skype, Facebook allaient ouvrir une page de l’histoire. Les nouveaux médias jouent actuellement un rôle comme jamais dans une catastrophe de l’ampleur du Tsunami en Asie du Sud-Est ou du 911: assurer la mobilisation la plus rapide possible, faire circuler l’information, mais aussi consoler, rassurer les millions d’Haitiens et d’amis d’Haiti désespérés qui recherchent les leurs, optimiser la collaboration. Bref garder le pont ouvert entre Haiti et le reste du monde!

La première réaction est venue des Haitiens qui recherchaient leurs proches. Ils voulaient savoir ce qui se passait, être rassurer, partager leur inquiétude.

La deuxième réaction fut les médias traditionnels, qui voulait des sources d’informations lives devenues non disponibles selon leurs moyens habituels .
Leurs recherchistes ont été lancés à la chasse aux contacts “interviewables” via Internet. Ils ont sollicité tout ce qui bougeait!

Ensuite, un vaste mouvement de collaboration s’est installé, intuitivement, surtout via Facebook, Twitter et Skype, entre Haitiens et amis d’Haiti. Mais, il y avait et il y a toujours tant de confusion, que la priorité était de les réconforter, de les amener à croire aux bonnes nouvelles. À demeurer positifs.

Les haitiens en Haiti Twittent via cell phone (en quelques années, Haiti est passé de zero à 3.2 millions d’usagers cellulaires). Pratiquement tous les Haitiens ont un cell dans les mains. Des amis à moi, inquiets de leurs parents, sans nouvelles, réusissent à rejoindre les bonnes de leurs parents qui ont un cellulaire pour être rassurer sur la santé de leurs parents. La plupart des sources Twitter sur le terrain, comme @CarelPedre, @RamHaiti, @Melindayiti, @FredoDupoux, etc… opèrent grâce à leur cellulaire sur Internet GSM low bandwidth approx 128/256k. Sur le terrain, avec leur téléphone, il ont photographié, filmé la tragédie que vie Haiti pour la transmettre via Twitter, Flickr et YouTube.

Les services Internet de Multilink sont demeurés opérationnel tout le temps, sauf quelques ruptures corrigées avec diligence. Notamment deux fusibles à remplacer. Notre siège social sis à Delmas 18 est un bunker solide comme le rock. C’est l’ancien building de l’ambassade du Canada en Haiti. Il n’a pas bougé. Des tuiles du plafond sont tombées. De la poussière s’est levée. Aussi, comme par hasard, la semaine dernière, avant le tremblement de terre, nous devenions le premier fournisseur de services Internet à disposer d’une deuxième connection internationale, en back-up, pour accroître la sécurité de nos services.

La mission de Multilink dans ce drame que subit Haiti est simple: assurer la viabilité de nos services Internet, utiliser les médias Internet pour rassurer la population et le monde extérieur, informer, consoler, mobiliser, renforcer la collaboration locale et externe sur le déploiement des mesures d’urgence, maintenir le flow des communications.
Nous considérons que l’Internet, comme l’eau et l’électricité est vital. Nous faisons notre modeste part dans ce que nous savons bien faire. Internet.

Comme anecdote à citer: Multilink (à travers @InternetHaiti sur Twitter) a entre autre permis la diffusion des premières images en live video streaming avec mon directeur général, Paolo Chilosi, et Carel Pedre animateur de TV et radio. Cette diffusion c’est faite via Pierre Coté, qui avait une solution disponible immédiatement pour diffuser une émission vidéo collaborative via Skype, Twitter et Ustream. Non, seulement nous diffusions, mais nous établissions aussi une collaboration video et chat entre les différents viewers qui étaient aux 4 coins de la planète (jusqu’à 2000 simultanément en période de pointe) en temps réel entre Haiti et le reste du monde.

Les médias québécois autant que mondiaux, ne savaient que faire avec Skype. (notamment (… et …) qui demandaient des interviews live; ils pataugeaient totalement car Skype n’était ou pas installé chez eux ou ils n’en maitrisaient pas le fonctionnement.). Des compagnie mondiales comme (…) nous contactaient, inquiètes pour des employés/consultants disparus, nous avouaient que leurs politiques interne interdisent l’utilisation de Twitter)

Conclusion:
1) jamais il n’y a eu une telle mobilisation à travers les nouveaux médias pour une catastrophe d’ampleur mondiale;

2) la mobilisation à travers les nouveaux médias fut essentiellement l’oeuvre d’initiatives individuelles, comme au bon vieux temps du CB ou de la radio amateur. Il n’y avait pas de gestion réelle de ces médias par les gouvernements et organisation locales et internationales. On éteignait le feu avec des chaudières d’eau comme on dit, à qui mieux mieux. Ce sont les Haitiens et leurs amis qui se sont mobilisés sur Twitter, Skype et Facebook!

2) le gouvernement Haitien, autant que les organisations internationales n’utilisent pas les nouveaux médias à leur plein potentiel; ils devraient déjà disposer de plateforme collaborative transmedia fonctionnant en temps réel, ultra rapides à déployer/voire instantanées, pour intervenir en temps de crise sur low bandwidth, en situation de rupture critique des communications traditionnelles. Ceci afin de rapidement rétablir/optimiser la collaboration entre les coordonateurs des mesures d’urgence et la population et leurs proches.

Internet aura été le kayak d’Haiti!

On en parle de vive vox quand tu veux. Je n’ai fait qu’essayer de t’écrire comme tu me le demandais, les grandes lignes de l’expérience… en état d’âme.

Je te remercie de ta sensibilité à Haiti en ce moment,

Salutations amicales,

Stéphane

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Commentaires

  1. uberVU - social comments

    Social comments and analytics for this post…

    This post was mentioned on Twitter by MichelleBlanc: Mon billet: Primeur : Haiti : Comment Internet est-il encore possible depuis Port-au-Prince http://bit.ly/7KtMvN

  2. Sophie

    Éloquent!
    Je retiendrai, pour mes prochaines recherches, “low bandwidth” et “plateforme collaborative transmedia”. Je crois que cette expérience peut s’appliquer à un pays autant qu’à un quartier. L’aspect “transmedia” est sans doute le moins connu et celui qui mérite une attention particulière.

  3. Michelle Blanc

    NE PLANIFIEZ PAS DE VOYAGE A HAITI. Laissez médecins, ressources humanitaires et logistiques avoir la chance d’atterir et de changer choses

  4. Internet Sans Frontières » Blog Archive » Haiti : Comment Internet est-il encore possible à Port-aux-Princes ?

    […] https://www.michelleblanc.com/2010/01/16/primeur-haiti-comment-internet-est-il-encore-possible-depuis… […]

  5. Nancy

    @ Laurent Marcoux:

    Est-ce que vous et votre copine êtes médecins, infirmiers, psychologue, etc?
    Faire un reportage photo ne sera pas d’une grande utilité en Haïti en ce moment, ça ne fera que deux bouches de plus à nourrir et hydrater (car oui, l’eau aussi se fait rare). Des photographes il y en a déjà assez sur place.

    Pas besoin d’aller en Haiti pour aider, il est possible de faire du bénévolat à partir du Québec (logistique, ramasser des fonds, centre d’appel…) , renseignez vous auprès de la Croix Rouge !

    Choisissez plutôt de prendre l’argent de vos billets d’avion et de le donner à la Croix Rouge, et laissez vos sièges pour des gens qualifiés en cas de catastrophe, cette aide sera plus utile en ce moment.

    Ceci dit, si vous avez les compétences et l’expérience pour aider en cas de catastrophe, ce message ne vous concerne pas… mais j’imagine que vous sauriez où vous adresser ;o)

  6. Desirade

    Merci Michelle et bravo à Stéphane. (^(o)^)~

  7. sahed nabil

    Bj,j’allais m’exprimer seul sur mon blog ou twitter ,pour dires que comment en 2010 haiti est ete couper du monde alors que en vois l’internet evoluer si rapidement ,j’ai pas trop compris vos termes techniques d’informatique mais bravo,et bon courage,l’essentiel que ces technologies puisse apporter du reconfort aceux qui etais loin de leur familles.

  8. Anésia

    Michelle ,

    Il me semble qu’un jour vous vous demandiez sur ce blog pourquoi des gens peu connaissants en informatique lisaient vos billets ? Personnellement , j’y apprend beaucoup de choses intéressantes sur le web et depuis quelques jours , je m’interrogeais sérieusement sur comment internet était encore possible à Port-au Price ? Ma curiositée m’a mené . Merci par ce billet d’y avoir répondu !

  9. Albi

    Michelle,
    je vous remercie moi aussi.
    Billet très intéressant.
    Amicalement

  10. Frédéric BASCUÑANA

    Si les communication ont été rétablies sous leur forme opérationnelle la plus élémentaire, permettant ainsi de disposer de liaisons pour les cellulaires, c’est me semble-t-il du fait de l’excellente innovation créées par les casques rouges: le module EMERGESAT.

    Je tenais à la souligner car loin des préoccupations mediatiques (montrer l’insoutenable, se déplacer pour faire des photos héroïques mais sans utilité aucune, s’exciter dans tous les sens pour se prouver qu’on est des chics types), le témoignage de Stéphane montre que les NTIC ont beaucoup à apporter dans ce type de situation.

    Nicole Guedj, fondatrice des casques rouges explique sur mon site de quoi il est question. je ne veux pas faire de la pub à deux balles, mais regardez : l’argent du dernier Tsunami n’a pas été entièrement utilisé, et les dons en Haïti posent des problèmes de distribution et l’argent, encore, sera versé en grandes quantités dans un bel élan de solidarité malheureusement mal exploité à l’arrivée.

    Alors oui, Stéphane ouvre une voie, et les Casques rouges sont véritablement l’organisme-clé: car c’est actuellement le seul qui ait commencé à travailler sur la catastrophe avant qu’elle ne se produise. le module EMERGESAT est efficace : il va accélérer la coordination, faciliter les analyses de l’eau potable etc.

    J’entends personnellement Stéphane et le travail des Casques Rouges comme les vraies pistes à poursuivre : les NTIC peuvent jouer un rôle clé pour accélérer le travail des secours.

  11. Cyril

    Magnifique témoignage, que je me suis permis de reproduire en partie ici (“fair use” is ok?): http://www.lepost.fr/article/2010/01/17/1892627_haiti-comment-internet-est-il-encore-possible-depuis-port-au-prince.html

  12. dax

    je sais bien que mon message ne concerne pas vos sujets mais je n’arrive plut à me taire!!!!!!!!
    TREMBLEMENT DE TERRE HAÏTI. je suis révoltée de constater que aucune aide ou presque aucune aide ne soit parvenu sur les lieux de la catastrophe ou des millions de personnes attendent des soins, des secours pour dégager les victimes ensevelis vivantes ou mortes!!!
    Je sais bien que les aides internationales courent des risques pour leurs vies! mais que représente 10, 20 vies par rapport au nombre de vies qui pourraient être sauvées!!!!!
    Je sais bien que c’est un cas de conscience!!! mais face à la réalité ne doit’on pas agir!!
    comment accepter de rester inactif! comme laisser un peuple sans aide pour des histoires qui me semble faible par rapport à des millions de vies qui pourraient être sauvées!!!
    ou est le respect de l’être humain??????

  13. Laurent Marcoux

    En réponse au commentaires précédents, en effet je ne pense pas qu’il serait efficace de faire ce voyage, malgré nos bonnes intentions. Je veux plutôt lancer une campagne de financement. Merci de votre attention.

  14. Ousmane Diarra

    Merci pour ce témoignage. Il est en effet rassurant de voir que l’utilisation spontanée des nouvelles technologies aura contribué à consolider une «conscience citoyenne», plutôt que de raviver les images des «morts kilométriques» (expression qui désigne l’indifférence que l’on ressent, en fonction de la distance du lieu où se passe un événement tragique qui ne «peut nous atteindre», puisque trop loin de nous).
    C’est un véritable miracle que certaines lignes et réseaux aient résisté à ce tremblement de terre inouï.
    J’ose espérer que les forces d’intervention sur place sauront tirer le meilleur parti des moyens qu’ils ont à leur disposition afin de venir en aide à toutes ces victimes.
    Quant à ici, il est également soulageant de voir que l’on n’a pas «encore» cédé à une «exploitation de la misère» et au sensationnalisme d’images qui ne cadreraient en rien avec le drame qui a lieu en Haïti.
    Merci pour la «grande» dignité avec laquelle bon nombre de médias canadiens traitent cette catastrophe, notamment Radio-Canada!

  15. Frédéric BASCUÑANA

    à lire d’urgence :

    “J’en appelle à la création d’une «force internationale humanitaire de réaction rapide» de l’ONU: les @CasquesRouges” http://bit.ly/7MNDrm

  16. Catastrophe en Haiti: cartographie stratégique en temps réel | N'ayez pas peur !!

    […] dans un récent billet sur la situation des communications, ma collègue Michelle Blanc s’est entretenue avec Stéphane de la compagnie Internet Multilink qui indiquait dans son témoignage : « le gouvernement Haitien, autant que les organisations […]

  17. Boreal Water

    Approvisionnements en eau de secours – bouts pour survivre à un désastre sans eau courante – pour plus de visite de l’information : http://borealwater.com/blog/?p=195

    Nos pensées et prières sortent à ceux qui ont été affectées par désastre en le Haïti.

  18. Mathurin

    J’apprécies votre initiative Mme Blanc et je trouves qu’elle permettra à tous ces haitiens perdus sous les decombres de s’ens sortir d

  19. Mathurin

    Merci de votre initiative Mme Blanc.Certain que tous ces haitiens qui ont souffert sous les decombres ont eu à me joindre dans ce sens.Alors bon courage car il y a encore beaucoup d’amour à offrir à ce peuple. Merci.