Une leçon de vie, à l’article de la mort

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Comme ça arrive, j’ai connu quelqu’un qui a d’abord été un client et qui au fil des rencontres, est devenu un ami. Nous ne nous sommes pas rencontrés très souvent, une dizaine de fois peut-être, mais à chacune de nos réunions, l’étincelle de l’amitié grandissait. Nous partagions une passion commune, celle de la communication. Nous sommes devenus copains et apprécions mutuellement nous taquiner et découvrir l’autre qui était différent. À chaque fois j’anticipais le plaisir de rencontrer ce client et son associé et déconner savamment et discourir sur chacun des sujets que nos inspirations amenaient sur la table. C’est avec grande tristesse que j’ai appris la mort de ce coloré personnage samedi. Toutefois, il m’avait prévenue de son arrivée prochaine dans une suite de courriels Facebook que je vous partage aujourd’hui. Selon ses volontés, son nom et les éléments permettant de le reconnaître formellement ont été enlevés. Je vous partage cette suite d’échanges parce qu’ils m’ont profondément troublée et qu’ils sont une grande leçon de vie, face à la mort. Je vous souhaite tous (et je me souhaite vivement) d’avoir sa sérénité lors du moment venu. J’offre aussi à sa famille, à son associé et à ses employés qui liront certainement ce billet, mes sincères condoléances. Savoir être est aussi savoir partir. Adieu mon ami et merci d’avoir traversé mon chemin…

Mon client :

Bonjour Michelle.
Il y a trop longtemps que nous n’avons pas été en contact et J’avoue ne pas avoir eu le temps de suivre tes pérégrinations ou tes réflexions et voici pourquoi.
Au cours des derniers mois, ma santé s’est très gravement détériorée me forçant à ralentir mes activités graduellement et maintenant, j’ai complètement cessé.
Après des semaines d’investigations médicales, le verdict est tombé, cancer généralisé avec une perspective de quelques mois. Sois rassurée, je suis serein face à cette réalité, car J’ai déjà vu la mort de près et le décès de ma fille aînée de leucémie et de plusieurs amis intimes au fil des ans m’ont déjà fourni matière à réflexion sur notre sort à tous.
L’équipe médicale me fournit la meilleure dope possible et la douleur est contenue derrière un gros barrage, la plupart du temps, et c’est très bien, sans pour autant me rendre plus niaiseux que je ne suis normalement, ni m’endormir abusivement.
Cette période en est également une de grâce, car mon fils et moi vivons des moments privilégiés et la famille et les amis sont tout simplement extraordinaires en me comblant de leur présence affectueuse et soutenue. Que demander de plus!
Tu te doutes que (caviardé) et mes collègues l’ont pris très dur, mais le temps fait son oeuvre et ils surmontent leur peine en relevant le dernier mandat que je leur ai confié…assurer la pérennité et le développement de (caviardé). Mon ami (caviardé) relève le défi avec toute la fougue que tu lui connais et est parvenu à contenir sa peine et ses émotions, ce qui me rend extrêmement fier de lui.

Je termine en te remerciant pour la grande gentillesse personnelle, le professionnalisme dont tu as fait preuve avec notre équipe. Je garde des souvenirs mémorables de nos diners ou nos échanges ont été empreints d’humour, de respect et d’affection.
Je t’embrasse et te souhaite de continuer à jouir de la vie à chaque minute en étant bien dans ta peau.
Amicalement.
(caviardé)

Moi :

J’ai les larmes qui m’envahissent. Je suis sans mots. Vivement un autre diner que je te vois une dernière fois la face et que je t’écoeure un peu. Ta sérénité me rassure et me fait espérer l’atteindre moi aussi le moment venu. J’ai hâte de te revoir. Je dois céduler quelque chose chose avec (caviardé) et j’aimerais bien qu’on ait un autre de ces fabuleuses rencontres. À bientôt

Mon client :

Bonjour Michelle.
Sachant qu’en bonne femme d’affaires, tu aimes rentabiliser tes déplacements (les voyages et les belles voitures coutent cher!) je comprends que tu veuilles te booker avec (caviardé) (lol). Quant à moi, je préfèrerais que tu profites d’une ballade (caviardé) avec ta blonde dans ton beau nouveau carrosse doré pour venir prendre quelques scotchs ou du bon jus de raisin a la maison. Mon état étant maintenant un peu trop connu dans le petit village de (caviardé), je n’ai aucun goût de me sentir comme un animal de cirque que les curieux regardent dépérir. Cependant, mon état ne te fera pas peur, car le mal est strictement à l’interne et les gens ne cessent de me répéter que je n’ai pas l’air malade, ce qui n’est pas sans les troubler, mais a un effet rassurant pour eux.

Alors, l’invitation ouverte est maintenant lancée et si tu l’acceptes plus tôt que tard, je devrais être dans une forme nous permettant de respecter notre tradition de rigolage et de réflexions inspirées enrobées de nos goûts communs pour les bonnes choses de la vie.
Toujours appeler ou E-Mail avant ( pas de Tweet tu ne m’as jamais donné ma formation) cependant, car je dois me garder des périodes de repos. Voici mes coordonnées
(caviardé)
Au plaisir, amicalement.

Moi :

je ferai donc l’impossible pour faire ça dans les prochaines semaines. Aussi, avec ta permission, j’aimerais reprendre ton courriel pour le publier sur mon blogue, en enlevant toute référence à ton nom, celui de (caviardé) ou votre firme. Je trouve ton message vraiment touchant et empreint d’une sérénité peu commune. Il est aussi très éloquent d’une réalité que nous vivrons tous, celle de notre propre mort.
À très bientôt (caviardé)

Mon client :

Chère Michelle.
Ta demande ne me surprend qu’à moitié. Je te dirais une chose à la fois, comme j’espère que mon état de santé actuel se maintiendra la plus longtemps possible (quelques mois) et que ton blogue est très suivi et que, malgré tout, je ne suis pas un parfait inconnu dans les milieux (caviardé) entres-autres, je te demanderais d’attendre après mon départ pour donner suite à ton idée de publication avec les réserves précisées.
D’ici là, j’ai hâte de te revoir.
Bonne journée
(caviardé)

Moi :

Merci de cette ouverture et de ta compréhension

Je n’ai malheureusement pas eu le temps de revoir une dernière fois mon ami. J’en suis profondément triste et désolée.

MAJ

En commentaire de ce billet on me demande :

(…)j’ai du mal à comprendre la démarche de la publication de ce billet. Cette relation est quelque chose de personnel. c’est une belle leçon de vie certes mais je ne comprend pas pourquoi tu l’as publié. C’est un message rempli d’émotions adressé à ta personne, un lien entre ton ami et toi même. J’ai du mal à concevoir que tu arrives à mettre en ligne des sentiments aussi profonds et touchants. Penses-tu que son but était de t’écrire un texte qui soit lu par l’ensemble de tes lecteurs?(…)

Ce à quoi je réponds :

J’ai déjà parlé dans mon billet De l’utilité du blogue comme outil de catharsis où j’y exprimais que

(…) Les gens peuvent s’identifier aux émotions qui sont transmises par les révélations d’épreuves de vie

(…) Les gens peuvent être et sont touchés émotionnellement par la lecture des blogues. Même s’ils ont une fonction éducative, d’affaires, politiques, personnelles ou autre, les blogues sont écrits par des humains qui vivent des situations dramatiques qu’ils se doivent quelquefois de partager.

(…) il m’apparaît clair que le partage, via les blogues, des événements dramatiques et réels que vit le blogueur, procure un effet de catharsis aux lecteurs, tout en le réconfortant grandement à son tour. Le blogue d’affaires est donc plus que strictement un outil commercial, il sert aussi à humaniser le blogueur et (peut-être même dans une certaine mesure à guérir, d’où la catharsis) la sphère de ses propres lecteurs…

Je noterai aussi que c’est un hommage à mon ami, à sa grandeur d’âme, à sa résilience et à sa sérénité que je souhaite vivement atteindre avant mon trépas. Que de son vivant il a consenti à ce que ce soit en ligne. Que j’en ai discuté hier de vive voix avec son associé en lui mentionnant que ça me faisait chier qu’il n’eut pas accepté que je le nomme dans ce lumineux témoignage ce à quoi il me répondit : « voyons Michelle, ce ne sera pas la première fois que vous ne serez pas d’accords, mais certainement la dernière. Il doit d’ailleurs rigoler là-haut de voir tout ça ». Finalement, j’ai souvent dans ce blogue (et avec ce client), parlé de l’importance de « l’authenticité » et de « l’universel » dans les contenus de blogue et cet extrait en est un témoignage plus que lumineux, s’il en est un.

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Commentaires

  1. Lyse

    Il faut profiter de tous ces moments que la vie mets à notre disposition, car on ne sait jamais quand elle viendra nous priver de ces bons amis qu’elle a mis sur notre chemin.

    Merci de partager.

  2. France

    Mes sympathies Michelle! Quelle sérénité, je suis sans mots et toute émue sans le connaître. Merci pour ce partage!

  3. Robert bergeron

    Bonjour Michelle,
    Dans ces courriels que vous publiez après le décès de votre amis j’y vois toute la sagesse, la générosité, l’humour et la sensibilité qui vous caractérise. Pas étonnant que vous partagiez cette belle amitié avec un être aussi exceptionnel.

  4. chila emmanuel

    Je trouve ça vraiment beau michelle, mais j’ai du mal à comprendre la démarche de la publication de ce billet. Cette relation est quelque chose de personnel. c’est une belle leçon de vie certes mais je ne comprend pas pourquoi tu l’as publié. C’est un message rempli d’émotions adressé à ta personne, un lien entre ton ami et toi même. J’ai du mal à concevoir que tu arrives à mettre en ligne des sentiments aussi profonds et touchants. Penses-tu que son but était de t’écrire un texte qui soit lu par l’ensemble de tes lecteurs?
    Ce n’est pas un reproche, juste une remarque.
    Si je perds quelqu’un qui m’est proche ou du moins pour qui j’ai énormément d’affection, je ne pense pas pouvoir réussir à mettre nos derniers échanges en ligne de part la peine, le souvenir, et l’affection que je lui portais.

  5. Louise Maton

    Je reste sans voix ! Le message est serein et plein d’humanité… Le temps passe vite et nous ne profitons sans doute pas assez des instants qui nous sont donnés… “Belle” leçon de morale…

  6. Michelle Blanc

    @Emmanuel votre réponse est maintenant dans le corps du billet

  7. Damdam

    J’au rai bien aimé boire un verre avec ton ami. Ca se fait rare des gens ayant une sensibilité, de l’intelligence, avec juste ce qu’il faut de retenue. Peut-être est-ce une façon de faire ses adieux proprement. Partir serein. Avec un peu de soi dans le coeur de ceux qu’on aime.

    Merci à vous deux pour ce partage.

  8. chila emmanuel

    merci michelle,

    Je comprend mieux ton raisonnement… je n’avais malheureusement pas lu ce billet sur le blogue comme outil de carthasis et je n’avais pas saisi toute la démarche émotionnelle d’un tel acte . Toutes mes condoléances pour ton ami…

  9. Valérie

    Très touchant, merci de l’avoir partagé. Mes condoléances pour ton ami.

  10. Patrice Leroux

    Michelle,

    C’est, entre autres, à cause de billets comme celui-ci que tu es appréciée, respectée et aimée.

    Merci
    🙂

    PL

  11. Marie

    Bonjour Michelle,
    toutes mes sympathies les plus profondes et sincères vont vers vous. Merci pour ce partage chaleureux et respectueux. En ce moment je vis une période personnelle trouble où la mort me tourne autour. Ce billet m’a émue et aidée à mieux vivre ma peine comme si il y avait un partage universel entre vous, votre ami et moi. Catharsis, oui bien entendu, tout comme l’acte d’écriture peut s’avérer thérapeutique par le biais du journal intime, c’est ni plus ni moins que ça, comme si vous l’aviez publié ici. Et je n’y vois rien d’odieux ni maladroit. Et puis, la vie nous apprend que lorsque l’on a de la peine si on ne tend pas de main et si on n’en parle pas, on ne pourra pas non plus recevoir d’aide ni de compassion. Merci d’être là et restez telle que vous êtes, Marie

  12. Michelle Blanc: Une leçon de vie à l’article de la mort

    […] commentaire de ce billet on me demande […]

  13. CM

    Bonjour Michelle,
    J’ai eu l’immense privilège de faire partie des proches de notre ami commun jusqu’à la toute fin. Les commentaires que suscite cet échange que vous avez publié me font sourire car le talent, que dis-je, le don exceptionnel qu’il avait de tisser des liens avec et entre les gens ressort une fois de plus – des gens qui ne le connaîtront jamais qu’à travers cet échange et qui auraient voulu le rencontrer! C’est là un magnifique héritage, que nous nous devons de cultiver! Je vous remercie de contribuer à perpétuer sa mémoire et de lui rendre cet hommage.

  14. sandrine

    Quelle belle histoire… merci d’avoir partagé ces moments de Vie, c’est tellement important de parler de la mort… je suis très émue, c’est un très bel hommage que vous avez fait à votre ami.

  15. modotcom

    plein d’humanité. je parle de vous et votre ami. je parle du partage et de la paix. ce à quoi tout ceci devrait nous mener, au-delà de la futilité. temps d’arrêt et recueillement, hommage lumineux, mémoire radieuse. merci Michelle.

  16. Michèle Morgan

    Michelle, cet article me touche profondément. Je crois à la survie de l’âme et d’où il est maintenant je suis persuadée que ton client ami réalise à quel point votre échange nous permet une réflexion profonde sur la vie et sur la mort. Je vous remercie tous les deux pour ce beau cadeau qui, encore une fois Michelle, me fait apprécier ta qualité d’être. Parler de la mort est une chose que nous occidentaux devont apprivoiser. Ce billet est un bel exemple à suivre.

  17. Danièle

    Bonjour Michelle,

    Ce récit m’a troublée et m’a réconfortée à la fois. Je suis moi-même en deuil de ma conjointe (25 ans de vie commune) décédée le 23 janvier 2011.
    Durant les 2 mois et demi de son hospitalisation, j’ai communiqué quotidiennement par courriel, avec sa famille et la familia (plusieurs amies proches)pour les informer de ses états physique et moral.
    Durant ces 2 mois et demi, et encore maintenant, je ne cesse de recevoir, des personnes qui ont fait parti de ces échanges, des remerciements remplis d’amour et de compassion. Ces communications par courriel leur ont permis d’apprivoiser la mort de notre amie/soeur et par le fait même, leur propre mort. METTRE UN PEU D’HUMAIN DANS CE MYSTÈRE!
    De mon côté, tous les courriels que je recevais étaient empreints de tellement d’amour, de solidarité et de lumière que je pouvais dire, sans me tromper, que ce “POWER OF LOVE” m’a donné l’énergie et l’amour pour continuer à espérer et à aimer la vie. LE TEMPS FAIT SON OEUVRE!
    Conséquemment, je vois dans le partage (at large) un geste d’amour; c’est une ouverture du coeur quelque soit le contenu du partage. C’est une main tendue… pour donner ou recevoir.
    Alors MERCI À TOI de nous avoir partager ces évènements douleureux mais combien remplis d’amitié, de respect et d’humanisme. Et HOMMAGE à TON AMI, cet être serein rempli de l’énergie la plus puissante: l’AMOUR!

  18. Avis à mes détracteurs, La conversation, c’est de jaser… • Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière et auteure

    […] médias sociaux, de l’importance de garder sa saveur linguistique régionale, d’aborder des sujets aussi sérieux que celui de la mort, De la transparence, de la mise en scène et de la perte de contrôle, et du narcissisme et de ma […]