1.4G$ de dépense temporaire du gouvernement du Québec pour des licences Microsoft

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C’est cette semaine que le gouvernement du Québec avalisera une dépense de 1.4G$ pour le renouvèlement des licences Microsoft des postes de travail des quelques 700 000 fonctionnaires. Pourtant, la ministre Malavoy, alors qu’elle était dans l’opposition, fulminait contre cette dépense « sans appel d’offres », mais est tout d’un coup bien silencieuse. Dans l’article de Valérie Lesage de LesAffaires Microsoft, une solution temporaire à Québec en attendant le logiciel libre ? on apprend que cette mesure est « transitoire »:

Le renouvellement possible des licences de la suite Office de Microsoft sans appel d’offres par le gouvernement Marois apparaît comme une mesure transitoire, le temps que le secteur du logiciel libre prenne des forces au Québec. Le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, annonce d’ailleurs aujourd’hui une série de mesures pour permettre au gouvernement de développer son expertise du logiciel libre et d’en intensifier l’utilisation au sein des organismes publics.

«Si on avait eu une approche sur les logiciels libres il y a deux ou trois ans, on n’en serait pas là, mais je ne veux pas mettre à risque les services à la population. D’autre part, si les coûts d’impacts pour aller vers le libre sont plus élevés que les coûts de renouvellement (des licences), ça ne va pas. Parfois, on est pris avec les choix technologiques d’il y a 5-10 ans», explique M. Bédard en entrevue avec Les affaires.
(…)«Il y a quelques ministères qui ont des activités critiques. Par exemple, il faut que les chèques de la Régie des rentes soient bien émis, sinon ce serait la catastrophe, alors il y a des endroits où il faut y aller avec beaucoup de précautions», juge-t-il.

Mon point de vue

Tout d’abord je suis rassurée que ce ne soit qu’une solution « transitoire ». Avec une dépense estimée de 1.4G$ si le gouvernement s’engageait dans une solution permanente on parlerait de combien de milliards de plus? J’ose à peine l’imaginer.

Par ailleurs, il me semble que si le gouvernement veut réellement une solution transitoire et conserver Microsoft pour ne pas trop perturber les fonctionnaires, la suite Microsoft 360 aurait déjà fait baisser la facture de moitié. Il y a aussi la possibilité d’utiliser les services de chiffrier et de traitement de texte de Google Document, pour un gros GRATIS. Mais de toute évidence, il faudra gérer le changement et faire de la formation, qui est déjà incluse dans l’enveloppe de 1.4G$. D’ailleurs, la vraie question est de savoir quel est la proportion de coûts de licence et de gestion de changement et support qui est dans cette mirobolante enveloppe de 1.4G$, qui elle (la dépense) n’est pas transitoire?

Finalement, lorsqu’on parle de logiciel libre, de licence pour les ordinateurs des fonctionnaires et de processus critiques pour émettre les chèques de la Régie des rentes, il me semble qu’on mêle bien des épouvantails en même temps. Je vous informe en passant qu’une organisation qui a réellement le sens de ce que monsieur le ministre Stéphane Bédard appelle “des activités critiques” est la CIA, qui elle vient de signer un accord pour utiliser les services Web et l’infonuagique de Amazon. Mais bon, ici on prend des décisions sans appel d’offres et on consulte pour ce faire, les mêmes firmes “Microsoft certified” qui empochent par la suite les contrats qu’il faut absolument réaliser. Dire qu’on croyait que c’était dans la construction que les magouilles payaient le plus…

MAJ

J’apprends aussi ce matin que Microsoft est sous investigation par The Justice Department and the Securities and Exchange Commission concernant des allégations de versement de pots-de-vin à des Microsoft Certified Partners et fonctionnaires étrangers. C’est dans BusinessInsider qui cite le Wall Street journal

There are also allegations that Microsoft partners offered money to officials in Europe. Specifically, there are allegations of a reseller bribing Romanian officials. There is also an investigation into allegations Microsoft used consultants in Italy as a way to funnel money to Italian officials to secure software contracts.

MAJ2
Pour votre plus grand étonnement, voici un document de 2007 du Sous-ministériat à l’encadrement des ressources informationnelles Direction de l’architecture :

Les logiciels libres et ouverts et le gouvernement du Québec

Étrangement, il semble que maintenant en 2013, on doit encore faire « des projets pilotes ». Étonnant, vraiment oui, é-ton-nant…

Est-ce que les fonctionnaires efficaces sont tous partis à la retraite, souffrent-ils d’amnésie, les députés savent-ils lire ou est-ce qu’un groupe d’individus a pris le contrôle de l’informatique du gouvernement pour s’emplir les poches indument? D’ailleurs qui est le boss de l’informatique au gouvernement du Québec? Quelle est la valeur exacte des dépenses du gouvernement du Québec en matière d’informatique des ministères et des organismes paragouvernementaux et des secteurs de la santé et de l’éducation? Il semble que ces chiffres soient inconnus. Étrangement, l’un des postes budgétaires les plus importants pour le bon fonctionnement de l’appareil gouvernemental est mal documenté et il semble que personne ne puisse avoir de réponses. Étonnant, vraiment é-ton-nant! Et il se trouve encore des gens pour se demander pourquoi nous devrions avoir un ministère du numérique…

Pour comprendre davantage ou pour suivre le triste historique ce ce feuilleton, mes billets :
Moi, ministre du numérique? Je préfèrerais plutôt une job de rêve

Les paradoxes néfastes d’une enquête sur la collusion/corruption en TI au Québec

Des projets d’intégration au gouvernement du Québec, de CGI et de l’absence d’usage des Web services

Comment se faire fourrer en TI (ou pas) avec l’aval des députés et des hauts fonctionnaires

Les données personnelles des Québécois sont-elles déjà scrutées par les Américains

Le SFPQ en beau fusil contre la collusion en TI, demande formellement une enquête publique

Un plan numérique pour le Québec pour éviter de se faire fourrer par les TELCOs

La gangrène des TI au gouvernement du Québec et son impact sur notre développement économique

Un plan « big data » pour le développement économique du Québec

Un plan numérique pour le Québec, entre autres pour éviter de se faire fourrer collectivement

Les gagnants et les perdants de l’économie numérique

Les étonnés et le rapport d’étonnement

Un plan numérique pour le Québec devrait-il faire une place au logiciel libre ?

Le gouvernement du Québec poursuivi pour avoir ignoré le logiciel libre

Le gouvernement du Québec , une succursale de Microsoft?

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Commentaires

  1. Mario Asselin

    Je t’invite Michelle à visionner la réaction de notre porte-parole dans ce dossier, http://christiandube.ca/la-coalition-avenir-quebec-denonce-un-autre-recul-pequiste-dans-les-logiciels-libres/

    Merci de ta réaction, sur laquelle j’attirerai son attention.

  2. Pierre Longpre

    Franchement Michelle, tu as absolument raison !

    La construction ne semble plus être le secteur où les “croches” empochent le plus !

    Je n’ose même pas imaginer les histoires d’horreur et les cadavres qui vont sortir des placards le jour où on fera enquête sur l’informatique au gouvernement du Québec.

    Au fond, le CEIC est peut être un bon leurre pour nous élogner de la réalité… encore plus grave !

    Qui va suggèrer de faire enquête à Radio-Canada ou au Journal de Montréal sur ce sujet “tabou” pour l’instant ?

  3. Dominique

    En France, la Gendarmerie nationale (l’équivalent de la GRC), donc une autre organisation qui a des activités critiques, est passée aux logiciels libre en 2005. Logiciels de bureautique d’abord, OS maintenant. En septembre 2012, le premier ministre français envoyait une circulaire à tous ses ministres dans laquelle il donne des orientations (des ordres?) pour aller de l’avant avec les logiciels libres dans toute l’administration (lire la circulaire ici : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/09/cir_35837.pdf

    Et ici, pendant ce temps…

  4. consultant

    “une dépense de 1.4G$ pour le renouvèlement des licences Microsoft des postes de travail des quelques 700 000 fonctionnaires”

    SVP vérifiez vos sources. La société Microsoft ne recevra guère plus que 30-40 M$ pour le contrat. Les 1.4 G$ font référence au coût de migration des postes de travail, coûts qui sont largement répartis entre les efforts des ressources internes, les adaptations aux logiciels que les organismes ont laissé vieillir, les efforts des ressources externes etc… De plus ce chiffre de 1.4 G $ fait du sensationnalisme et n’a jamais été prouvé.

  5. 1.4G$ de dépense temporaire du gouvernement du Québec pour des licences Microsoft | Bienvenue! | %blog_URL%

    […] 1.4G$ de dépense temporaire du gouvernement du Québec pour des licences Microsoft […]

  6. P. Asselin

    Meci Michelle,

    J’ai téléchargé la publication du Cirano, je vais lire ça avec intérêt. Il semble en effet, pour le béotien que je suis en programmation…, que les applications web devraient être assez robustes pour des services publics. Quelqu’un d’autre m’avait aussi parlé de la position de Godin là-dessus. Je pense que les firmes de consultants sont en conflit d’intérêts, car les solutions les moins coûteuses pour leur client sont aussi moins payantes pour le consultant. Le problème de fond reste vraiment le manque de compétences à l’État pour arbitrer ces choix.
    Quant à la solution “transitoire” du gouvernement péquiste, ce n’est pas très sérieux. Le jugement de Savoir-Faire Linux aura bientôt trois ans, et ce qu’il dit c’est que les règles normales de concurrence doivent prévaloir, point final. Faut quand même le faire, avoir peur (il n’y a pas d’autre mot) de la concurrence…
    P. Asselin

  7. P. Asselin

    Je réalise que j’ai fait du coq-à-l’âne entre le papier sur les Web services et celui sur le logiciel libre…