Les femmes sont des putes et moi je suis le diable

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Lorsque j’étais enfant, j‘étais servant de messe. J’ai fait partie des « jeunesses du monde », mouvement chrétien valorisant le missionnariat. Puis, j’ai fait le Collège Militiare Royal de St-Jean. Dans nos cours de géopolitique, j’y eu un cours sur la décolonisation. J’y appris la grande différence entre le colonialisme britannique et celui français. Le colonialisme français était d’abord religieux tandis que le Britannique militaire. Si un colonisé acceptait Dieu, il devenait citoyen avec tous les privilèges tandis que pour les Britaniques, les officiers avaient des primes pour apprendre la langue des colonisés afin de faciliter les échanges commerciaux et ceux-ci ne pourraient JAMAIS devenir citoyens. C’est l’une des raisons qui explique pourquoi après la décolonisation africaine, les pays colonisés par la France parlent encore français tandis que ceux de l’Angleterre sont rapidement revenus à leurs coutumes et dialectes ancestraux.

Je viens d’un monde d’homme et d’une culture religieuse et machiste. J’étais au CMR avant que les femmes n’y soient acceptées et à l’époque, elles avaient le privilège d’y mettre les pieds à titre « d’escorte » lors des nombreux bals. On avait même la tradition « dog of the night » pour laquelle chaque élève officier qui avait une « blind date » mettait un 5 dollars dans un chapeau et les « séniors » qui avaient déjà une copine, faisait le tour de la salle pour identifier la plus moche d’entre toutes. L’élève officier qui était avec elle, s’il avait été un gentleman avec elle toute la soirée, remportait la cagnotte. Ce stratagème avait pour but d’inciter les élèves officiers à respecter les femmes et à s’occuper d’elles, même si elles n’étaient pas avantagées par la nature (sic).

Ma mère, à grand renfort de « pardon » à cause de la religion, hésita longtemps avant de divorcer de mon père qui avait des aventures avec de jeunes hommes. Puis un jour, elle en eut assez. Nous n’irions plus à l’église…

J’ai passé ma vie dans un monde d’homme. J’ai vu la chance extraordinaire que j’avais de faire partie du « sexe fort ». J’ai entendu et fait de nombreuses blagues sexistes tout au long de ma vie. Il m’arrive même d’en faire encore. On n’efface pas 45 ans de conditionnement avec un coup de baguette.

Sauf qu’aujourd’hui je suis une femme. Je suis même une sous-femme. Je suis cette nouvelle femme qui n’est pas comprise de la société et sur laquelle la très grande majorité des religions ont une vision extrêmement négative. J’apprends à vivre avec ça (merci à mes différents psy). N’empêche que chaque jour que dieu (choisissez ici le dieu que vous voulez) me donne, je suis victime de sexisme, de rejet ou pire encore, de mépris. Pratiquement toutes les couches de la société ont encore des préjugés envers les transsexuelles. Même ma propre famille m’exclut. Mais ces préjugés sont souvent insidieux, larvés et à peine perceptible. Par contre, lorsqu’il est question d’intégrisme religieux, de quelque religion que ce soit, ce mépris n’est plus caché. Il devient « ostentatoirement » ouvert. Il me saute dans la face. Je peux bien me faire des tours de passe-passe dans ma tête pour me dire que ce n’est pas ça, mais lorsque je passe à côté de certaines minorités et qu’ils crachent à terre à mon passage, qu’ils se font le signe de croix, qu’ils me pointent du doigt, qu’ils me dévisagent avec une ardeur peu commune ou qu’ils m’invectivent, le message est clair.

Lorsqu’on enseigne que la femme doit être soumise à l’homme, lorsque dans une culture la vie d’une femme vaut la moitié de celle d’un homme, ma vie à moi ne vaut plus rien. S’il est culturel que la femme marche derrière l’homme ou pire, qu’il faille la cacher, imaginez la distance réelle et imaginaire que je devrais observer pour pouvoir exister?

Le combat des femmes contre l’intégrisme, quel qu’il soit est mon combat. La place qu’aura la femme dans la société québécoise et dans les microsociétés qui la compose sera toujours plus prépondérante que la mienne. C’est donc pour moi une question de survie que de me battre contre le rejet systémique ou culturel de la femme…

Je suis donc féministe et prolaïcité par conviction profonde puisque le contraire ferait de moi le diable. Ce que je suis déjà aux yeux de trop de mes voisins…

Cet article est repris intégralement dans le HuffingtonPost Québec

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Commentaires

  1. Alexa Conradi

    Bonjour,

    Après lecture de votre blogue, voici quelques documents/sites qui pourraient vous intéresser.
    Alexa Conradi
    Présidente
    Fédération des femmes du Québec
    http://www.ffq.qc.ca/wp-content/uploads/2013/08/rapport_laicite_web.pdf

  2. Isabelle Limoges

    Un texte magistral. Éclairant. Digne. Essentiel. Merci.

  3. Thomas Bastien

    Courage Michelle. Beaucoup de chemin encore à parcourir. Mais grâce à toi, la différence se fera sentir sous peu. C’est grâce à des personnes comme toi que le monde évolue. Merci

  4. Hyraelle

    Apres avoir lu ca, j’ai juste envie de dire a ceux qui croient que les sexe sont égaux ; BOOM, dans les dents bande de taouins, voila la preuve que la femme doit encore se battre pour avoir sa place.

    Je vais partager ca michelle =)

  5. Valérie Vennes

    Quel beau texte.Touchant et criant de vérité. Bravo Michelle

  6. Martyne

    Il y a quelques années, j’avais envoyé une carte postale remplie de fleurs à une belle grande femme qui s’en allait en chirurgie… Sachant qu’elle serait magnifique et plus féminine que bien d’autres amies. Aujourd’hui, je la lis et j’en suis plus que fière.

  7. Christine

    Ma mère m’a enseignée que Dieu était miséricorde, donc pardonne largement. Vous, vous n’avez pas à vous faire pardonner.

    Elle disait aussi, Dieu est conscient et n’est pas responsable des erreurs de la nature et saura pardonné, même si il n y a rien à vous pardonner selon moi. On discutait dans les années 80 là!

    Elle disait aussi qu’il y avait une place dans le ciel pour les gaies, la même place que pour les hétéros. Elle était très ouverte d’esprit, elle plaignait beaucoup les gaies rejetés par leurs famille.

    Elle disait même, j’aurai été la parfaite mère pour un gai, je l’aurais aimé et accepté tel quel. Tout comme Dieu ferais, selon maman….

  8. Ginette Lacelle

    Bonjour Michelle,

    Un texte intelligent, prenant et brillant.

    Merci.

  9. Diane Rioux

    Bravo Michèle. Sincèrement, je suis abasourdie par autant d’authenticité et de conviction. Je t’admire beaucoup pour ton courage et les batailles que tu mènes non tant par choix que par la volonté d’être femme, d’être un humain parmi les autres. Une guerrière douce et intelligente. Chapeau grande dame!
    Diane Rioux

  10. Les femmes sont des putes et moi je suis le diable | Bienvenue! | %blog_URL%

    […] Les femmes sont des putes et moi je suis le diable […]

  11. Martine Oger

    J’ ai beaucoup de difficultés à croire qu ‘au Québec, aujourd’hui encore, il soit si difficile de se faire accepter tout naturellement et simplement en tant que fille et femme si on a choisit de changer de sexe. Au contraire décider de devenir une femme ne fait pas de vous une sous femme mais plutôt une sur-femme. Car vous l’avez choisit avec vos trippes au plus profond de votre être. Et ça voyez vous ca fait toute la diffèrence entre vous et moi. Vous êtes une femme a part entière et peut être plus que moi qui suis née ainsi.
    Martine

    Et de grâce laissez la médiocrité aux médiocres.

  12. Louise Desjardins

    On l’oublie souvent, mais le féminisme est d’abord une question de survie, une survie psychologique et une survie sociale qui deviennent une survie tout court quand la non-reconnaissance et le mépris étouffent toute vitalité. Le féminisme puise dans les forces des femmes pour avoir le droit de prendre leur place dans le respect de leur identité en tant que personne de sexe féminin. Quand le sens de cette survie, de cette absolue nécessité disparaît, le féminisme devient plus une idéologie qu’un combat pour la survie. On peut en débattre et puis retourner chez soi. D’ailleurs celles qui ne se sont jamais senties en survie se demandent à quoi le féminisme peut bien servir. Pour elles, c’est d’une autre époque ou d’un autre lieu. Mais comme tu le dis, les préjugés sont tenaces. C’est pourquoi, il faut être prudente avant de baisser la garde et reconnaître l’ennemi, surtout quand il n’avance pas à visage découvert et qu’on le nourrit de nos propres préjugés.
    Voilà la réflexion que m’inspire ton très beau texte. Tu as naturellement un point de vue particulier sur la situation des femmes. Je n’ai pas eu comme toi l’occasion de faire partie du “sexe fort”, mais tu me permettras de considérer que le sexe qui porte la vie à bout de bras, la sienne, celle de ses enfants et souvent celle de son homme, constitue une formidable force de la nature dont l’humanité est bien bête de se passer en voulant l’écraser.

  13. Vallier Lapierre

    Salut Michelle. Très heureux de partager entièrement ton point de vue là-dessus. Au nom de la tolérance, on n’a plus de droit de dire que les religions font autant de mal, sinon plus, que de bien. Et l’on peut penser ainsi tout en admettant qu’il se peut qu’il y ait une entité qui nous dépasse, du moins une en devenir. J’ai toujours cru que la création pouvait être un aboutissement au lieu d’une donnée immuable en partant. Bravo ! Je trouve que tu écris de mieux en mieux. C’est encore plus le cas quand tu abordes des sujets qui te touchent de près.

  14. Mike B.Dupuis

    Si vous ne le lisez pas déjà, je vous incite fortement à lire Poste de Veille.ca sur le net ou facebook. Nous sommes assiégés par les mêmes tactiques employées en Europe,et ces généreuses sociétés d’accueil vivent aujourd’hui un calvaire. J’espère seulement que l’on puisse arriver à éveiller suffisamment de gens ici avant qu’ils ne soit trop tard.Je remarque cependant que tous les pays européens ont plus ou moins dis à leur population d’être ouverts, tolérants, blabla pendant que ces intégristes professaient ouvertement le racisme et la haine de l’Occident.
    Ils font se tenir ensemble, hétéro, homo, transex, et autres versions du genre humain contre cette dangereuse menace.

  15. Julien

    Bien que ça nous surprenne, même dans un pays comme l’Iran qu’on considère extrémiste au niveau de la religion selon nos barèmes, les opérations de changement de sexe sont relativement fréquentes. La transexualité dépasse les frontières, c’est le signe visible de ce que les personnes sont intérieurement, et c’est ce qui compte, pouvoir être ce que l’on est dans le respect.

  16. “Les femmes sont des putes et moi je suis...

    […] Lorsqu’on enseigne que la femme doit être soumise à l’homme, lorsque dans une culture la vie d’une femme vaut la moitié de celle d’un homme, ma vie à moi ne vaut plus rien. S’il est culturel que la femme marche derrière l’homme ou pire, qu’il faille la cacher, imaginez la distance réelle et imaginaire que je devrais observer pour pouvoir exister?  […]