Le web profond, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle

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(Des fois, il est mieux de laisser vieillir un billet sur son disque dur avant de le publier. Ce billet a été écrit il y a plusieurs mois. Il ne vise personne en particulier…)

Certains chroniqueurs font l’éloge ou le procès de l’humour noir, trash ces temps-ci. J’entends beaucoup parler de feu Georges Carlin. Ce grand humoriste de l’humour noir qui repoussait les limites. Il parlait et blaguait sur tout. Même sur le viol. Dans sa célèbre vidéo à propos du viol justement il disait « On peut rire d’absolument tout. Mais pour ce faire il faut jouer avec la mécanique du gag et pousser l’un de ces éléments à l’extrême ». Puis il le démontra avec un génie, avec une acuité de l’un des grands maitres de cet art difficile.

Tous n’ont pas ce talent et au Québec, depuis l’avènement de la manufacture à humoriste qu’est Juste pour rire, des artistes et des pseudoartistes du rire il en pleut. L’humour fait vendre et c’est très payant. Les humoristes sont partout. Ils sortent de l’humour pour devenir animateurs, chroniqueurs, maitres de cérémonie, acteurs et j’en passe. Bientôt ils seront sans doute aussi politiciens.

Je suis moi-même une pseudohumoriste. De surcroit, j’aime l’humour trash. Je la pratique aussi. Je sais ce qu’est « créer un malaise ». Je l’ai expérimenté plusieurs fois dont sur les planches du théâtre Latulipe, lors du Combat contre la langue de bois du Festival Voix d’Amérique en y faisant la lecture de ce que je considère mon chef d’œuvre, un éloge du caca avec mon poème Pour toi Serge c’est avec fieté que je te chie un poème.

Vous remarquerez cependant qui ni Carlin, ni moi ne nommions précisément d’individus ou de groupes dans nos textes. C’est là justement la problématique de l’humour soi-disant trash au Québec. Depuis l’infâme émission de télévision Piment Fort, par manque de créativité sans doute, il faut nommer quelqu’un dans son texte pour que ce soit drôle. Il faut détruire une personnalité. Il faut diffamer. Non, de faire de l’humour intelligent à la limite du scabreux sans avoir besoin de traîner quelqu’un de ciblé dans la boue, ce doit être trop difficile à faire. Il faut cibler une personnalité pour que le gag passe.

On me dira, mais que fais-tu des caricaturistes? He bien justement, les caricaturistes ciblent une personnalité en poussant à l’extrême l’une de leurs caractéristiques. Mais eux aussi ont des limites. Comme le mentionne l’article L’éthique de la caricature du Conseil de presse

« Le caricaturiste doit s’acquitter de sa tâche avec la même conscience, le même souci de qualité et de respect des personnes, des groupes et du public. Lorsque la caricature est porteuse d’une connotation haineuse, le seuil de tolérance de la société est déjà franchi. »

(…)
Même si la caricature vise à provoquer, à faire réagir ou à choquer, certaines limites s’imposent d’elles-mêmes aux caricaturistes. L’autocensure fait même partie de leur réalité et en démocratie, celle-ci ne pose pas problème, souligne Mira Falardeau, spécialiste de la caricature et auteure du livre L’histoire de la caricature au Québec. C’est que l’autocensure du caricaturiste s’apparente davantage à une forme retenue, qui lui permet de trouver le ton juste et de s’aventurer sur l’étroite bande délimitée d’un côté par la subversion et de l’autre, par la vulgarité. « L’autocensure, c’est ce qui distingue un bon caricaturiste d’un mauvais; celui qui est incapable d’autocensure ne trouvera tout simplement pas de contrats parce qu’il ne pourra pas se retenir et ira trop loin », remarque-t-elle.

Mais le gros problème de cetains humoristes au Québec, qui ne font pas de la caricature est justement ça. Ils vont trop loin, n’ont pas de censure et ont l’outrecuidance de personnaliser leur gag. Soit qu’ils manquent d’imagination, qu’ils ne comprennent pas les limites de la diffamation et des contenus haineux ou que tout simplement qu’ils sont cons…

P.-S. On parle aussi souvent du grand Yvon Deschamps comme d’un maitre dans l’art de repousser les limites de l’humour et du jeu avec le second degré. Je me trompe peut-être, mais je ne me souviens vraiment pas qu’il a déjà eu le besoin de personnaliser l’un de ses monologues pour susciter le rire…

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Commentaires

  1. Martine Oger

    A moins que ce ne soit extrement bien écrit, l humour noir me gêne et m embarrasse par compassion pour celui qui est exposé…..

  2. Le web profond, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle | Bienvenue! | %blog_URL%

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