Les médias sociaux ne sont pas pour toutes les entreprises

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J’ai une nouvelle cliente qui m’a été référée par un client actuel de longue date. Elle est la propriétaire d’un commerce de détail du secteur mode, dans la ville principale d’une « région éloignée ». Son site web actuel est une page qui redirige vers les sites des grandes marques qu’elle vend en magasin. Sur sa page Facebook, ses 6 derniers statuts sont pour dire qu’elle est en vente. Les seuls qui réagissent à ses statuts sont ses employés ou ses voisins. Elle a fait de la publicité dans sa localité, sans apparent grand succès. Elle est inquiète des changements majeurs que vivent présentement les détaillants du secteur mode au Québec et ailleurs dans le monde. Elle me demande de l’aider à être efficace sur les médias sociaux.

J’écoute sa problématique et je lui enseigne le B.a.-ba d’une saine présence Web. En discutant avec elle, j’apprends qu’elle est passionnée de course et qu’elle s’entraine une heure par jour. J’apprends aussi que dans son coin, on lui dit à la blague qu’elle est la Véronique Cloutier de l’endroit parce qu’elle connait tout le monde, qu’elle peut facilement identifier les bons restos et les activités trépidantes de la région, bref qu’elle est LA personne qui sait ce qui est « hot » dans sa ville. Je lui propose donc de faire du marketing de contenu, de discuter des tendances mode, de parler de sa vie d’entrepreneure en région, de faire parler ses employés, de partager ses passions (c’est là que j’apprends qu’elle s’entraine) et de faire sa Véronique Cloutier locale.

C’est là que notre entretien se corse. Combien de contenus devrais-je faire, combien de temps cela me prendra-t-il, comment vais-je trouver le temps de faire ça?

Je lui demande à quelle vitesse veut-elle avoir des retombées? Plus elle travaillera, plus les retombées seront rapides. Mais elle me dit être terrorisée par l’idée d’écrire. Je lui fais remarquer qu’elle s’exprime très bien alors je lui propose de plutôt dire ce qu’elle a à dire, de se filmer et de demander à une secrétaire de transcrire son vidéo. Mais elle a peur de ne pas savoir quoi dire. Je lui souligne qu’elle n’a pas à avoir « la science infuse », que je suis là pour l’aider et qui si elle se fait un mécanisme de veille, elle pourra partager les contenus qu’elle trouve intéressant ailleurs. D’ailleurs, elle a un droit de citation. Ce droit de citation est le droit de copier un extrait, d’en attribuer la paternité à son auteur et de le mettre en contexte. Mais l’extrait doit justement être mis en contexte et cette mise en contexte est la valeur ajoutée qu’elle contribuera et qui lui permettra d’humaniser sa marque auprès de la clientèle. Mais elle n’en démord pas. Ça va réellement prendre trop de temps. Mais je comprends plutôt que la réelle inquiétude est celle d’écrire et de partager.

Je lui fait observer qu’avant de courir son premier marathon, avant de s’entrainer la première fois, il y a eu un premier pas, un premier « commitment ». Elle me répond que c’est bien différent parce que c’est pour SA santé. Je lui fais valoir que c’est exactement la même chose pour LA santé financière et la pérennité de son entreprise. Je lui mentionne aussi qu’elle me dit être LA Véronique Cloutier de son patelin alors elle n’a qu’à mettre en ligne ce qu’elle dit à ses amies. Mais rien n’y fait. Ce n’est pas pareil.

Je lui dis que malheureusement, il n’y a pas de magie. Ou bien elle sort du gros cash et fait de la pub (ce cash représente des heures de travail et la pub n’a pratiquement plus d’effet), ou bien elle se retrousse les manches et fait du marketing de contenu et idéalement elle fait les deux, mais en s’assurant de mesurer les retombées de ses efforts marketing. Mais elle choke, la montagne est trop grosse. Elle me parle d’un éléphant qui se dresse devant elle, qu’elle ne pourra jamais manger.

Morale de l’histoire

Le marketing de contenu et le marketing médias sociaux ce n’est pas facile. Il n’y a pas de magie. Il y a beaucoup de travail et de dédicacions. Mais ce n’est pas le seul marketing possible. Ce n’est pas LA recette miracle. Le cout d’être efficace en ligne n’est pas celui de monter ses présences web, mais plutôt celui de les faire vivre et de les garnir de contenus « pertinents ». Ce n’est clairement pas pour tous et plusieurs préfèreront la tranquillité d’esprit de payer à fort prix des créatifs et du placement publicitaire pour se donner la certitude « qu’on fait quelque chose ». Mais d’être sur les médias sociaux et de réussir sans effort c’est un mythe, une chimère que même moi qui suis une experte de ces médiums, ne pourrai réaliser pour vous. Je ne le peux même pas pour moi-même.

En épilogue, voici deux extraits de l’article ‘You Need Editors, Not Brand Managers’: Marketing Legend Seth Godin on the Future of Branded Content de http://contently.com.

If you were trying to build a brand media property—if you were Gillette—how would you build it? Would you just give some really smart people the resources and creative freedom to go out and make great content?

I think the most important thing is to have an office that’s not in your building. I think what kills brands who try to be interesting is to have meetings where they’re not saying to senior management, “How can we be more interesting?” Instead, they’re saying, “How can we play this more safely?” That’s not what happens when you want to make a hit TV show or a website that people care about. You need editors, not brand managers, who will push the envelope to make the thing go forward.

So one easy way to do that is to set people up in an office down the street, only visit them once a month, and give them really significant metrics—not about pageviews, but about mattering. And give them the resources—not too much, just enough—to go do work that matters.

(…)
Let’s go back a little bit to the ideal brand newsroom—or whatever you want to call it—where you set up people up in an office and give them creative freedom. That kind of feels impossible at a lot of brands right now, simply because there isn’t that attitude towards content within the organization. How can marketers who agree with your vision convince people to make that kind of commitment?

I think that if you want to keep whining about the decline of advertising and the stress that retailers are being exposed to, by all means, feel free. If you want to find a way out of where you are stuck, you may have to do something that’s uncomfortable, that’s organizationally difficult, and worst of all, that is frightening. And I don’t know how to tell you how to do it, other than to point out that it might be frightening.

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Commentaires

  1. Linda Labrosse

    Ce que j’aime de votre billet, c’est le réalisme appliqué à une situation concrète. Je peux m’identifier à cette entrepreneure à certains égards. J’essaie de mettre en application ces précieux conseils concernant le marketing de contenu et je le confirme, ça prend du temps et de l’effort. Je prend une bouchée à la fois et je sais qu’un jour, j’en serai récompensée. Il s’agit de ne pas être pressée face aux résultats.
    Je souhaite de l’audace à cette entrepreneure.
    Merci Michelle! Je partage.

  2. Genevieve Pineau

    Très bon billet. Personnellement, je débute dans l’utilisation des médias sociaux pour ma compagnie. Je crois qu’il faut juste se lancer, affronter et accepter de faire des erreurs. Et effectivement, ça prend du travail, du travail et du travail.
    Merci Michelle pour la quantité phénoménal d’informations que vous partagez.

  3. Chloé Paiement

    Actuellement, je fais un stage en communication et une des mes tâches est de m’occuper de 3 pages Facebook et de 3 fils Twitter. Lorsque je mentionne cela, plusieurs personnes pensent que c’est facile.

    Toutefois, trouver des articles pertinents pour faire des messages intéressants qui ne sont pas seulement des contenus qui présentent l’organisation est vraiment un travail ardu. Avoir un équilibre entre des contenus de l’organisation, des contenus sur les thématiques communes avec la mission et repropulser des contenus d’autres organismes pertinents demande une recherche approfondie. En plus de devoir de suivre une ligne éditoriale qui n’est pas clairement écrite.

    Merci pour votre texte

  4. Colette Cloutier

    Enrichissant, très actuel et démystifié. Bravo et merci.

  5. Nicolas

    Article très intéressant. Ça me fait penser à un petit fabricant de vélo qui est dans ma ville. Il ne dépense à peu près rien en publicité, mais depuis 2009, chaque semaine, il publie un article sur son blogue. Il parle de sa vie de fabricant de vélos à petite échelle, du marché, d’équipement, de technique, de ses clients, de ses randonnées… et un peu de musique. Et toujours quelques photos de ses récents modèles qui sortent de son atelier. En tant que cycliste, je lis ses articles religieusement parce que je sais que je vais toujours y apprendre quelque chose d’intéressant. À un moment donné je lui ai commandé un vélo. En étant un lecteur de son blogue je savais que sa façon de faire correspondait à mes valeurs. D’ailleurs en personne, il est EXACTEMENT comme la personne qui écrit les articles. Cet achat a eu une grosse valeur psychologique ajoutée pour moi, parce que je n’avais pas l’impression d’être juste un acheteur, j’avais plutôt l’impression de faire un choix très pertinent vis-à-vis mes besoins.
    Je pense comme vous Michelle que ce genre de marketing de contenu est à la portée de bien des petits commerçants. Les gros peuvent en tirer profit aussi évidemment, pourvu que le contenu vienne d’une personne réelle et non d’une voix “corpo”.

  6. Jean-Pierre Le Grand

    Je suis convaincu que votre histoire met le doigt sur un des défis majeurs de la promotion via les médias sociaux.

    Quand vous êtes venus à Sherbrooke, vous nous avez lancé un « Ch…ez-en, du contenu ! » bien senti.

    Entièrement d’accord !

    Mais voilà : pour y arriver, il faut surmonter plusieurs obstacles, dont le degré de difficulté varie selon notre personnalité.

    Premier obstacle. En tant que rédacteur Web, je sais à quel point les gens trouvent cela ardu, de créer du contenu. Je suis régulièrement confronté aux difficultés qu’ils vivent quand il s’agit de jongler avec les mots.

    Second obstacle. Je suis certain que la femme d’affaires dans votre exemple est courageuse et que le travail ne lui fait pas peur, d’ailleurs elle a bien dû aligner de nombreuses heures pour créer son commerce.

    Seulement voilà : avec les médias sociaux, on lui demande de se confronter à une toute autre sorte d’animal, un animal qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’apprivoiser. Et voilà qu’elle apprend que cet « éléphant » devrait devenir son compagnon de tous les jours !

    Normal qu’elle recule.

    Je la comprends très bien. Pourtant, je suis moi-même « producteur de contenu » ! Ça devrait m’avantager, non ? Ben non : ça fait des années que je me dis, en tombant sur un thème qui me paraît intéressant, que je devrais avoir mon propre blogue, que j’ai des idées, que ce serait le fun, etc.

    Le problème, c’est que deux ou trois jours plus tard, je finis toujours par faire une crise d’insécurité.

    Car quand on y pense bien, cela prend beaucoup de confiance pour affronter le merveilleux monde des médias sociaux : confiance que mes idées valent la peine d’être exprimées, confiance qu’elles sont « pertinentes » comme vous dites si bien ; confiance que je vais continuer d’en avoir, des idées, pendant au moins six mois ; confiance que je serai capable de les formuler correctement (à peu près mon seul avantage) ; confiance que je ne dirai pas trop de bêtises ; confiance que je serai capable de tenir le rythme, tout en répondant aux demandes de mes clients ; et enfin, confiance que j’arriverai à accepter les commentaires et surtout les critiques − vous êtes bien placée pour savoir qu’il faut avoir la couenne épaisse, par bouts !

    Troisième obstacle. Mon petit doigt me dit que ce qui intimide peut-être le plus cette femme, au fond, c’est l’idée d’avoir une vie publique !

    C’est vrai, elle est déjà bien connue dans son milieu et je suis sûr qu’elle est à l’aise avec ça. Cependant, monter sur une tribune numérique et mettre sa vie en scène, c’est une autre paire de manches.

    Pourquoi ? Parce qu’elle sait très bien que ce que vous lui proposez suppose un pacte, et qu’en échange de la notoriété recherchée une partie de sa vie va tomber dans le domaine public, où n’importe qui pourra en prendre un morceau et en faire ce qu’il veut.

    Bref, peut-être qu’elle pas envie d’avoir un éléphant dans son magasin de porcelaine !

    Si votre cliente tient à aller de l’avant, je ne vois que deux solutions : faire plutôt dans la ferronnerie ou trouver un bon dresseur d’éléphants.

    Excusez-la.

  7. Réjean Lavoie

    J’aime beaucoup ce billet. Bien des gens se bloquent fasse a l’utilisation des médias sociaux. Je pense que c’est la peur de l’inconnu. Cela dit, bloguer demande du nerf, une certaine confiance en soi que beaucoup de gens on peur d’être perçu comme de l’égocentrisme. Les Québécois ont donc du mal avec ça!

    Par ailleurs, je pense que ce n’est pas aidant d’avoir des objectifs de vente en tête lorsqu’on écrit quelque chose de senti. Je pense qu’il faut “sortir de soi “, tout simplement. Ta madame devrait prendre ça avec un grin de sel. On peut prendre plaisir à courir sans faire de marathon.

  8. Le ROI du marketing de contenu Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure et membre UDA

    […] ROI du marketing de contenu Dans mon récent billet Les médias sociaux ne sont pas pour toutes les entreprises je disais : Le marketing de contenu et le marketing médias sociaux ce n’est pas facile. Il n’y […]

  9. Aude Mathey

    Très bon post. Et au final, votre cliente a-t-elle compris qu’on ne pouvait pas être plus présent sur les médias sociaux si “[sa] réelle inquiétude est celle d’écrire et de partager” et qu’elle n’est pas prête à la surmonter ?

  10. Michelle Blanc

    oui elle a compris et fera sans doute autre chose