Sur les médias sociaux, le plaisir de la discussion s’effrite

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J’aime discuter, argumenter et m’obstiner. Ce sain plaisir intellectuel est malmené par les temps qui court. J’ai eu de beaux et bons arguments sur mon blogue il y a de ça maintenant bien des années. J’en ai eu de moins joyeux avec des journalistes de la vieille garde qui vomissaient allègrement à propos des blogueurs et des blogues, ces vils amateurs, qui représentaient tous les maux des changements que vivaient et que vivent encore les grands médias. « Les blogueurs ne faisaient que de l’opinion, pire encore, ils écrivaient au JE, indice irréfutable de leur narcissisme ». Pourtant ce sont ces mêmes médias qui regorgent maintenant ad nauseam «d’opinion et justement de blogue». Il semble aussi y avoir plus d’analyse dans les blogues (c’est une impression qui n’au aucune valeur scientifique)???

J’ai eu de belles révélations dans les commentaires de mon blogue. Parfois même, les arguments et opinions de mes lecteurs étaient encore plus pertinents que les miens et dans ces cas, je les publiais intégralement dans un nouveau billet, avec le crédit qui se doit. D’ailleurs, l’une des règles d’or de chaque blogueur qui se respecte (ou qui se respectait, je parle ici de la vieille école du blogue des années 2000) était justement de donner le crédit à qui de droit et de citer correctement ses sources. Tout le contraire de l’école journalistique qui se doit de protéger ses sources, même celles qui ne sont pas des sonneurs d’alarmes et qui sont plutôt des nouvelles ou opinions reprises d’autres grands médias ou encore de blogueurs…

Puis viennent les outils de micropublications (twitter en particulier) qui ne permettent pas vraiment l’échange et la discussion en 140 caractères. Puis cette évolution de MySpace qu’on appelle Facebook. Puis il y a eu la démocratisation de ces médias sociaux, qu’on appelait autrefois les e-communauté et qui étaient réservés à quelques geeks. Maintenant TOUT LE MONDE et sa grand-mère s’expriment. Je trouve ça réellement génial. J’aime même lire ces gens qui ne savent pas écrire. Je suis fière de leur audace à s’exprimer malgré leur handicap qu’ils se savent avoir. À force d’écrire et de lire sur les médias sociaux, ils amélioreront leur niveau de littératie et deviendront de meilleurs scribes.

Par contre, là où le bât blesse, est maintenant ce manque de savoir-vivre, ces foires d’empoigne, ces insultes, ces dénigrements systématiques et ces menaces de mort qui pleuvent pour un oui ou pour un non. Plus rien n’est gris. Tout est blanc ou noir. Tu es à gauche ou à droite. Plus de milieu. Je ne retrouve plus cette bonhommie à s’obstiner. Je vois plutôt ce désir de détruire l’autre, sans égard à ses idées qui ne font maintenant office que de mèche d’allumage.

À force de lire et de commenter, les illettrés amélioreront leur niveau de littératie. Mais je me demande comment arriverons-nous collectivement à réapprendre à nous obstiner civilement? Comment transmettrons-nous à nos enfants les valeurs démocratiques du débat et de l’engagement lorsqu’ils sont témoins à longueur de journée de dérapages sur les médias sociaux, dans les médias traditionnels et maintenant dans les rues avec ces manifestations qui n’en finissent plus de dégénérer?

Je n’ai pas de solution qui me vient au moment d’écrire ces lignes. J’ai par contre une grande inquiétude et une tristesse. En guise d’espoir, je m’efforce de partager le plus souvent possible, des moments de vie positifs qu’il m’arrive d’expérimenter avec mon petit-fils, avec ma chienne, lors d’un lever de soleil ou de la création de l’un de mes soupers du week-end. Je tente, autant que faire se peut, de présenter quelques fleurs dans ce bourbier trop souvent nauséabond…

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Commentaires

  1. Martine Oger

    Tout est vrai dans ce que vous écrivez…..les réseaux sociaux n ont pas le sens de la polémique….mais je crois que c est quelque chose de plus. Les québécois et les canadiens en général n ont pas ce sens du débat que possède les français par exemple……ils se lichent le cul ou se démolissent…..pas de milieu …..
    C est juste un avis…..pas LA vérité ….
    Martinf

  2. Mathieu Roy

    Tu as bien raison. Je suis souvent dans la zone grise par ma façon d’être et de penser. Difficile d’analyser une situation quand tu n’y ait pas. Difficile aussi pour moi de ne pas voir les deux côtés de la médaille. C’est pourquoi je n’ose plus me prononcer sur les réseaux sociaux! Soit qu’on juge mes fautes, soit qu’on me rentre dedans d’un bord ou de l’autre parce que ma position est au milieu… et bien que les gens veulent défendre leurs idées, ils finissent trop souvent par m’attaquer personnellement.

    Il n’y a pas si longtemps, à l’école secondaire, on faisait des débats en classe. Des débats hyper émotif. Des débats qui frappe directement nos valeurs. Nos profs nous enseignait à faire valoir nos idées de façon courtoise mais aussi d’accepter l’opinion des autres. Surtout, ils nous apprenaient à nous serrer la main après le débat et nous apprenaient à l’importance d’être capable de se parler et se respecter même si nos idées divergeaient.

    Malheureusement, il n’y a plus grand profs qui font ce type de discussion, parce qu’ils perdent le contrôle trop rapidement. Triste est de constater que plus ça avance, pire ça devient.

    Mathieu

  3. Bianca

    je comprends l’essence de ce billet qui s’adresse plutôt à Monsieur et Madame tout le monde, dont nous faisons aussi partie et tout ceci est tellement vrai! Mais il y a aussi la catégorie des agences de pub/relations publiques qui bloguent et qui crachent sur les travailleurs autonomes/blogueurs que nous sommes en affirmant “devoir ajuster leur pratique en fonction de nouscR eux ont une entreprise et de gros frais à payer alors que nous….” Je trouve ceci très méchant, et cous connaissez ces gens, car pour réaliser/rechercher/rédiger un blogue pour tel ou tel client, le nombre d’heures “réelles” ne ressemble pas au nombre d’heures facturées et les TPME n’en ont pas les moyens! Alors OUI les travailleurs autonomes/blogueurs sont nécessaires dans l’évolution actuelle de la “présence”web! Alors la cyberintimidation ne provient pas juste de Monsieur et Madame tout-le-monde chère dame. Elle vient de vos pairs aussi! J’ai bien aimé suivre votre formation.

  4. Réjean Lavoie

    “Maintenant TOUT LE MONDE et sa grand-mère s’expriment. Je trouve ça réellement génial. J’aime même lire ces gens qui ne savent pas écrire. Je suis fière de leur audace à s’exprimer malgré leur handicap qu’ils se savent avoir.”

    Personnellement, le manque de respect dans les commentaires me retient souvent de participer à des discussions. Ça ne devrait pas et je ne dois pas être le seul. On devrait pouvoir émettre des opinions sans craindre de se faire ramasser publiquement.

    Je ne pense pas avoir du mal à m’exprimer et pourtant, j’ai des réserves… Mettez-vous à la place de quelqu’un qui commence.

    Il devrait y avoir une plus grande place au civisme et je pense que ça passe par la modération. Je pense que plusieurs sites ne le font tout simplement pas bien. Peut-être pourrais-tu donner une formation sur le sujet? …avec des cas concrets?

  5. Francois

    Je crois que la qualité des échanges varie beaucoup d’un type de plateforme à l’autre. Il y a le premier groupe, composé des grands réseaux sociaux, des sections commentaires et des blogues des grands sites de presse. Pour ceux-là, il est extrêmement difficile de trouver une conversation constructive, suivie et respectueuse. Je trouve toujours étonnant par exemple de voir comment les billets du chroniqueur télé Richard Thérrien tournent quasi inévitablement en un débat gauche-droite où toutes les insultes sont permises.Peut-on reprocher ensuite à ces journalistes de ne pas participer eux-même aux discussions qu’ils ont amorcées?

    Heureusement, il y a les sites et les blogues spécialisés, comme celui-ci, où les commentaires semblent généralement réfléchis, nuancés, respectueux, centrés autour d’un sujet précis. Je crois que ces espaces représentent bien la notion de communauté et que ceux-ci restent le refuge de ceux qui veulent avoir des discussions de qualité.

    Je ne sais toutefois pas si c’est une bonne chose, car cela revient peut-être à avouer que seuls ceux qui partagent des intérêts et des opinions communes peuvent avoir des débats de qualité.

  6. Francois Lavallee

    Bonjour MIchelle
    D’accord et en désaccord avec votre propos.

    D’accord : démocratiser les opinions risquent en effet de causer des débordements. Savoir s’exprimer n’est pas donné à tout monde. Savoir s’exprimer avec justesse et discernement , encore moins. Étant citoyen de L’Assomption, je peux vous garantir que cela est vrai !

    Désaccord : j’ai récemment écrit sur le sujet ( http://aliterconcept.com/en/blogue/the-intelligent-organization-connect-to-survive/) de l’évolution de la conscience dans les organisations. Ce processus progressif est similaire à ce que vous décrivez : d’abord le chaos , suivi lentement, très lentement, par une grande complexité de structure et finalement, la conscience émerge, spontanément. Question de temps et de fréquence d’interactions.

    Ma conclusion : vive les commentaires, vive le chaos…. c’est un signe de notre surplus cognitif comme le disait Clay Shirky. Ce même surplus cognitif qui génère des milliers de vidéos de chats sur youtube et… Wikipédia.

    Y a de l’espoir!!

    Comme un enfant qui apprend à marcher, qui tombe et titube, les internautes apprendront à commenter avec une certaine droiture …éventuellement!

    Vos commentaires éclairés montrent la voie…

    Merci!

  7. Laurent B-Roy

    Merci pour ce billet. Effectivement…

    Je crois que ce manque de civisme peut s’expliquer par plusieurs facteurs. On l’a dit les gens apprivoisent l’outils. Les “codes” de politesse n’ont pas encore été établie, surtout par ceux qui n’ont pas beaucoup d’expérience avec les outils en ligne. On n’est aussi pas très sélectif avec ceux qui sont nos “amis”. Facebook nous encourage à tous les mettre dans un même gros panier, et Twitter, c’est carrément le monde entier qui peut nous voir. Ça a plusieurs conséquence.

    D’abord, les réseaux sociaux nous exposent à tous les type de personnalité. Problème, certaines personne sont juste naturellement désagréable. Il suffit de regarder les gens qui viennent parler aux réceptionnistes dans une salle d’attente. Certains sont très bêtes. Dans la vie de tous les jours, on se contente de focuser sur les intérêt communs et de les ignorer pour le reste. Sur les réseaux sociaux, ces gens sont constamment dans notre bulle.

    Cela crée aussi un “melting pot” parfois dangereux. Mon Facebook, notamment, contient des gens de plusieurs horizon, et leur valeurs sont parfois très loin d’être aligné. Avec un commentaire le moindrement politisé, les auditeurs de CHOI se retrouvent côte à côte avec les lecteur de Bio-Bulle, et la pagaille prend rapidement. Dans la vie de tous les jours, on a souvent différents visages pour différents groupe. On ne discute pas des mêmes choses dans un diner végétarien chez la tante granola qu’au bar avec un vieil ami d’enfance dans l’armée. Sur Twitter / Facebook, tout le monde dans le même panier.

    Les réseaux sociaux exposent aussi le manque d’éducation de notre société. 50% d’analphabétisme, ça parait. On a des contacts qui n’ont parfois pas autant d’outils de débat et de rhétorique, un moindre bagage de connaissances scientifiques, et qui n’ont pas le réflexe d’analyser un problème avant d’émettre une opinion. Cela donne des discussion très émotives, avec des réponses venant du “guts” plutôt que la tête. Puisque que c’est difficile pour certains de trouver un argumentaire pour répondre aux gens plus cartésien, les discussions dégénère rapidement en insulte : c’est le seul outil qu’ont certaines personne pour ne pas perdre la face…

    Je crois que dans l’avenir des média sociaux, il y aura le développement d’outil pour gérer le problème. Peut-être que plus tard, les média sociaux auront un système de réputation, qui faciliteront le filtre des indésirable. Ou bien un système de point: les commentaires instructifs donnent donne des points à leur auteurs, et leurs commentaires sont par la suite systématiquement affiché avant ceux des moins agréables. Les incorrigibles eux sont carrément masqué par défaut. Impossible de prédire de quoi ça aura l’air, mais une chose est sûr : laisser une simple boîte de texte en bas d’un contenu, style YouTube, ça ne fonctionne pas. La solution au manque de civisme sera le défi du reste de la décennie je dirais!

  8. Tentative d’explication de la médiocrité de certains commentaires sur les médias sociaux Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure et membre UDA

    […] Comme je le mentionnais dans mon dernier billet Sur les médias sociaux, le plaisir de la discussion s’effrite: […]