Les magasins de vente au détail vivent ce qu’ont vécue les agences de voyages il y a dix ans

Depuis de nombreux mois, les fermetures de chaînes de magasins de vente au détail se succèdent. Plusieurs petits magasins ferment aussi. On croirait à une épidémie. En fait, le commerce de détail est en transformation majeure sous la pression de nombreux facteurs. Il y a certainement les transformations induites par les Power Center, la dévitalisation des centres-ville, le coût des stationnements en ville versus la gratuité des centres d’achat et des 10X30 de ce monde. Mais il y a aussi et surtout, l’arrivée des commerces en ligne. Comme je ne suis plus jeune, j’y étais lors de la transformation majeure de l’industrie du voyage. D’ailleurs, il y a plus de 10 ans, (alors que j’étais associée fondatrice d’Adviso Conseil et que je me nommais Michel Leblanc) nous avions publié plusieurs études avec la Chaire de commerce électronique RBC Groupe financier portant justement sur le commerce de détail en ligne et le tourisme en ligne.

Les agences de voyages qui vendaient des aller-retour Montréal-Toronto sont toutes fermées aujourd’hui. Pourtant, plusieurs autres existent toujours. Elles ont ceci de particulier que pour la plupart d’elles, elles sont en ligne, ont des niches particulières (voyages de groupe, pas cher, découverte des vins, tournée des châteaux, etc.) ou se spécialisent en voyages complexes dont les infos ne sont pas disponibles en lignes (comme faire un safari en jeep au pied de l’Himalaya).

Pour les commerces de détail, certains auront l’avantage de jouir encore un certain temps d’un besoin de proximité, d’urgence, d’accessibilité ou d’expérience. D’acheter sa pinte de lait en ligne n’est pas encore dans nos habitudes, même s’il est possible que ça puisse changer. Aussi, lors d’un bris de plomberie, on ne commandera pas la pièce de remplacement en ligne, mais pour refaire sa salle de bain et remplacer sa baignoire, on a de fortes chances de le faire. Ainsi, en fonction de la nature même du produit de consommation, de sa valeur et de différents autres critères, l’achat en ligne se fera beaucoup plus rapidement qu’on peut le croire. Il suffit de songer qu’après les livres, l’électronique, les produits de jardinages et outils, Amazon veut désormais se positionner dans la mode et l’épicerie en ligne.

Plusieurs détaillants souffrent de toute évidence d’aveuglement volontaire. Les agents de voyages aussi riaient du Web. Certains autres ont tenté des expériences malheureuses en ligne. D’autres, croient aux belles promesses de la facilité du genre « créer votre boutique en ligne en moins d’une heure » tel qu’il était présenté lors d’un récent reportage « spécial commerce en ligne de RDI économie » ou comme on l’a fait valoir à la grandeur du Québec avec l’initiative Branchons Les PME de François Charrron et de son bouton à quatre trous Votresite.ca. Bien certainement ces diverses solutions vous permettront d’être facilement en ligne. Mais de là à ce qu’elles vous fassent vendre, il y a un méchant pas que vous ne risquez pas de franchir avec ça. Le gros avantage de ces solutions est d’avoir réveillé bien des entrepreneurs. Mais pour réellement avoir une présence signifiante et pouvoir vendre en ligne, ça prend pas mal plus qu’une session intensive de Monsieur Charron qui vante les mérites de sa plate-forme. Ça ne prend pas non plus des centaines de milliers de dollars (quoi que tout étant relatif et pour certaines chaînes de détails ça pourrait même être plusieurs millions de dollars) mais disons qu’il faut avoir un milieu. Pour faire une image, vous pouvez prendre la boîte de carton d’un réfrigérateur, la mettre sur le bord de la rue et écrire dessus « magasin maintenant ouvert », à part vendre de la limonade à vos voisins immédiats à 50 sous le verre, vous ne ferez pas un gros tabac…

Dans un prochain billet, je vous expliquerai pourquoi Wix, Goddady, web.com, Votresite.ca et autres boutons à quatre trous, c’est comme faire de la publicité dans un feuillet paroissial en ayant l’impression d’être vu par le monde entier …

MAJ
La suite de ce billet est: Les problèmes avec Wix, Web.com, Votresite.ca Liki.com et autres faites-le vous-même

Implications de l’affaire Lassonde dans les milieux d’affaires et juridiques

(dévoillement Lassonde est mon client)

Hier matin je pris connaissance d’un billet du blogue Droit-inc Oasis ou la Justice à l’ère de Facebook. Dans ce billet, c’est Me Sylvain Deslauriers de Deslauriers & Cie qui y donne son point de vue et le billet souligne que :

Doit-on reculer à faire valoir ses droits, valables et légitimes, face à la pression d’une vague de protestations virtuelles et d’un phénomène de masse ?

Les médias sociaux vont-ils pouvoir organiser des boycotts généralisés contre certaines entreprises ?

“Ces choses-là existent déjà aux États-Unis, mais l’affaire Lassonde est une première au Québec. Cela amène de nombreuses interrogations, notamment sur des questions d’ajustement. Comment faire face à une éventuelle levée de bouclier par les réseaux sociaux, par exemple ? Est-ce ou non un feu de brousse ?”, demande l’avocat.

“C’est facile de critiquer les avocats de Lassonde aujourd’hui, mais est-ce qu’ils pouvaient prévoir cela ? Je serais curieux de savoir combien d’avocats à Montréal auraient pu prévoir cette vague internet là.”

Et vous qu’en pensez-vous ? Les médias sociaux vont-ils rendre la justice de demain ? Danger ? Contre-pouvoir naissant ?

Dans un autre blogue juridique, celui de Edilex, dans le billet L’affaire Oasis: l’évolution de la pratique du droit, on peut aussi lire:

Donc, une équipe de juristes obtient raison en appel, mais le coup encaissé par l’image de la marque du client est bien plus important en bout de ligne que l’issue du litige. En fait, l’aspect juridique prend carrément le bord dans l’évaluation du gagnant dans cette histoire.
Cette affaire soulève plusieurs questions, notamment: l’évolution d’une situation dans les médias sociaux doit-elle être suivie par les juristes (ou un membre de leurs équipes) afin de mieux conseiller leurs clients? Dans ce cas-ci, ça n’aurait peut-être rien donné.

Aurait-il été utile de consulter des données sur le type de dossier qui peut entraîner ce type de mécontentement en ligne? Ça aurait pu aider, mais les médias sociaux étant un phénomène relativement nouveau, il est encore difficile de prévoir quelles répercussions peuvent avoir ces causes problématiques. Une chose est certaine: les cabinets canadiens ne sont pas présentement équipés pour garder une oreille au sol (en ligne) afin de savoir tout ce qui se dit sur chacun de leurs dossiers…

À mon avis, voilà une raison de plus qui milite pour une augmentation du nombre de gestionnaires dans les groupes de pratique.

Dans un tout autre ordre d’idées, l’économiste Ianik Marcil était l’invité de Gérald Fillion de RDI économie mercredi. Peut avant son apparition télé, monsieur Marcil a colligé sa pensé dans le billet L’affaire Oasis/Lassonde et l’accélération des choses. Il y mentionne que:

Si elles accélèrent le cours des choses, c’est parce que les technologies augmentent notre productivité et/ou diminuent le coût de nos actions. Ainsi, il en a coûté très peu en temps et en énergie aux consommateurs de s’indigner sur les médias sociaux samedi dernier. Mais l’inverse est aussi vrai: il a été peu coûteux, en apparence, pour Lassonde de réagir: la publication d’un mot du président sur la page Facebook à peine quelques heures plus tard aura donné la chance à l’entreprise de réagir à la situation.
Mais cette apparente facilité a aussi des revers auxquels doivent réfléchir les entreprises… et les consommateurs:
• Les entreprises se doivent de réagir plus rapidement que par le passé. Pour ce faire – c’est l’évidence! – elle doivent être à l’écoute de ce qui se passe sur les médias sociaux.
• Parallèlement, elles font face à un risque de sur-réaction: comme le temps compte plus que jamais, l’acuité de leur jugement est d’autant plus importante. La décision de réagir ou non à une histoire qui circule sur les médias sociaux doit être évaluée d’heure en heure. Réagir trop rapidement peut être aussi risqué que de trop attendre.
• Cet exigence de rapidité et de jugement aiguisé implique que l’ensemble des membres de l’organisation doivent être impliqués dans cette dynamique de gestion de crise (j’en parlais, ici même).
• En revanche, puisque le cours des choses s’accélère, l’impact durable peut être, lui, limité – puisque cette accélération fera en sorte que l’attention du public-consommateur sera happée par la prochaine histoire.
• Finalement, cela implique que le consommateur – et le citoyen – a une responsabilité accrue dans sa participation sur cette place publique. Puisqu’il est peu coûteux de réagir, nous nous devons, également, d’être vigilants et de comprendre l’impact énorme que peut avoir nos tweets et commentaires Facebook – l’histoire des jus Oasis de la fin de semaine dernière le démontre très bien.
Une époque où les changements s’accélèrent implique une modification de nos comportements. Non pas sur le fond, non pas dans leur structure, mais dans la manière de les aborder. Le temps n’a plus la même valeur qu’il ne l’avait. Pour le meilleur et pour le pire.

On peut certainement ajouter aux enjeux et risques juridiques et d’affaires qu’entrainent l’affaire Lassonde de ce week-end, les enjeux touchant les relations publiques et les stratégies web qui seront désormais aussi d’importance capitale lors de la prise de décision d’affaires. Ces enjeux sont largement déjà documentés sur le web par une foule de “gérants d’estrade” mais pour y voir plus clair et comprendre réellement la mécanique de ce qui s’est passé, j’ose avancer qu’encore quelques semaines seront nécessaires (ne serait que pour prendre une distance du sujet). Par ailleurs, les acteurs qui sont directement impliqués dans ce cas risquent certainement aussi de ne plus vouloir entendre parler de cette affaire ou de s’exprimer sur le sujet (ce qui serait tout à fait compréhensible). Mais il nous restera tout de même les actions visibles de l’externe et comme le mentionnaient messieurs Marcil et Fillion, ce cas risque de faire école…