- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Quel dommage pour la votation électronique

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Les dernières semaines ont été fertiles en nouvelles reliées au vote électronique. Malheureusement, ces nouvelles ne sont pas reluisantes pour ces systèmes de votations qui, à mon humble avis, permettent pourtant plusieurs bénéfices tangibles pour nos démocraties.

Tout d’abord, il y a eu le dépôt du Rapport d’évaluation des nouveaux mécanismes de votation du Directeur Général des élections du Québec. Il conclut :

« Dix ans d’utilisation du vote électronique sans problème majeur, dix ans de satisfaction croissante de municipalités qui en redemandaient, avaient donné une certaine crédibilité à cette nouvelle façon de tenir des élections », a estimé Me Blanchet. « Ce que nous avons vécu le 6 novembre 2005 et ce que notre examen de la situation nous révèle, devrait nous convaincre que cette voie était beaucoup plus hasardeuse que l’on pouvait le croire »

Puis il y a eu cette nouvelle à l’effet que Diebold, l’un des fournisseurs d’urnes électroniques utilisées au Québec, s’était fait voler son code source [2] , puis cette autre nouvelle de Tristan Péloquin, de La Presse, qui explique comment des chercheurs de l’Université du Connectucut ont réussi à pirater les modèles Diebold Accuvote OptiScan [3]. Disons que ça ne regarde pas très bien!

Une catastrophe appréhendée

En avril 2005, dans le texte La votation électronique, approches et risques, je mettais en garde le Directeur Général des élections du Québec sur les risques possibles de l’utilisation de telles technologies.

Ce qui est malheureux avec l’adoption par l’agglomération de Montréal de ce type de votation électronique (les machines à voter), c’est que nos élus municipaux optent pour l’une des technologies de votation électronique qui inquiète le plus les experts de la planète(1-) , qu’ils le font dans une optique de canal unique en retirant unilatéralement la possibilité de continuer de voter sur papier et de choisir cette forme de vote électronique si cela nous convient et qu’ils risquent d’aliéner la population à toute autres initiatives de votation électronique pour leur juridiction mais aussi pour les autres paliers gouvernementaux.

Pourtant, de nombreux pays tels que le Danemark, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou la Suisse ont expérimenté avec succès le vote électronique. Qu’avaient-ils de particulier pour réussir ? Ils ont fait des expérimentations progressives et multicanaux, permettant aux électeurs de se familiariser avec diverses technologies de votation tout en conservant la possibilité de voter de manière traditionnelle (avec un papier et un crayon).

Je trouve donc un peu farfelu de lire sur le site du Directeur Général des Élections

« Non seulement des systèmes ont fait défaut, mais les correctifs proposés étaient insuffisants, mal adaptés et souvent tardifs. Le premier objectif de notre évaluation n’a pas été d’identifier un responsable plutôt qu’un autre de ces difficultés, puisque tous les acteurs des scrutins municipaux de 2005 doivent partager une certaine responsabilité »

.

Disons que pour l’une des deux entités (avec la ministre des Affaires municipales et des Régions) dont le mandat est de déterminer un protocole d’entente avec les municipalités, visant à baliser l’utilisation de nouveaux mécanismes de votes, ça tombe à point!

La votation électronique qu’est-ce que c’est?

C’est bien plus que des urnes électroniques. En fait, le terme générique de votation électronique, est une collection possible de technologies facilitant le processus de la votation et impliquant diverses possibilités d’endroits où voter, de méthodes d’authentifications, d’interfaces usagers, de réseaux ou de processus de collecte et de traitement. En fait, Lawrence Pratchett de l’Université de Montfort (UK)(2-), a dénombré 136 combinaisons possibles de tous ces éléments. Disons qu’au Québec, nous avons expérimenté la pointe de la pointe de l’iceberg, et nous avons choisi celle qui fond le plus vite au soleil!

Taxonomie des options de votations électroniques

Taxonomie des options de votations électroniques
Source Lawrence Pratchett(2-)

Les conditions de succès!

Dans un autre article, World governmental electronic voting experiments benchmark [4] (rédigé en octobre 2004), je notais deux ingrédients récurrents aux expériences de votations électroniques positives et négatives, de par le monde. Ces ingrédients ont trait à la disponibilité ou non du code source, et à l’aspect multicanal ou non, de l’exercice de votation électronique. Comme c’est étrange de constater qu’ici aussi ces deux éléments se retrouvent!

Quelques possibles-bénéfices de systèmes de votations bien développés

Tout d’abord, nous avons au Québec et au Canada, des centres de recherche informatiques de pointe, une communauté technologique vibrante et un système démocratique envié de par le monde. Pourquoi ne pas former un consortium dont le but serait de développer une technologie de votation électronique à code source ouvert et multicanal qui nous permettrait de bénéficier des avantages de ces technologies pour la démocratie et d’exporter nos connaissances par la suite? Nous n’aurions pas à réinventer la roue puisque, plusieurs logiciels open-source de votation électronique existent déjà(3-) . Nous n’aurions en fait qu’à développer plus avant et à raffiner pour nos propres besoins ces excellents logiciels.

Bénéfices possibles de la votation électronique bien gérée et implantée

Songez aux malades alités dans les hôpitaux, aux prisonniers que nous devons faire voter et aux diverses communautés éparpillées dans le Grand Nord. Les coûts associés à l’exercice de leur droit de vote pourraient certainement être abaissés ! Songez aussi aux jeunes qui se désavouent de leur devoir de citoyen, les nouvelles technologies ont peut-être le pouvoir de les impliquer de nouveau? Songez aussi aux analphabètes! Au Brésil et en Inde, les mécanismes de votation électronique leur ont permis de voter pour la première fois. Ils peuvent en effet reconnaître un visage ou le logo d’un parti sans pouvoir pour autant lire le bulletin de vote! Pour les handicapés auditifs ou visuels, les solutions électroniques pourraient aussi leur venir en aide. Vous me direz que je suis un rêveur, mais les rêves partagés se concrétisent parfois.

1-Vous pouvez consulter à ce propos Riley, Thomas V., Report on e-democracy seminar, eGovernment Unit, Information Society Directorate General, European Commission, April 2004 p.8. « The seminar raised many concerns about the reliability of voting machines, the technical problems that skew the results, the difficulties of authentication of the voters and often the lack of verifiable paper trails. »

2-Pratchett, Lawrence, et.al, The implementation of electronic voting in the UK, (Complete), De Montfort University, University of Essex, BMRB International, publ. Local Government Association (UK), May 2002,

3-À cet effet, je vous réfère à :
>Sensus http://lorrie.cranor.org/voting/sensus/ [5]

>Cryptography and Information Security research group of MIT’s Laboratory for Computer Science http://theory.lcs.mit.edu/~cis/voting/voting.html [6]

>Open vote foundation http://open-vote.org/ [7]

>Cybervote http://www.eucybervote.org/main.html [8], démo http://www.eucybervote.org/demo.html [9], prototype http://www.eucybervote.org/reports.html [10]

>The Open Voting Consortium http://www.openvotingconsortium.org/ [11]

>Gnu-Free http://free.planetmirror.com/ [12]