- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Ste-Adèle se fait censeur

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Les blogueurs et les internautes en général ont le haut-le-cœur de la manière dont les organisations censurent la liberté d’expression en général et l’expression bloguesque de leurs citoyens en particulier. Nous canadiens, croyons vivre dans un état libre et permettant une certaine liberté d’expression. Cette liberté d’expression est toutefois sujette au libelle diffamatoire et, comme le craignait Patrick Lagacé (chez Dumais)dans son inquiétude à bloguer sous son propre nom, le blogueur moyen, ne dispose pas de l’assurance de son employeur, pour couvrir les frais juridiques associés à des poursuites légitimes, loufoques, préventives ou carrément inappropriées.

Sur mon blogue, j’égratigne parfois des gens, des personnages publics : si je fais ça sur Blogger, je n’ai aucune protection juridique de mon employeur. Si je le fais sur Canoë, ou sur Cyberpresse, je suis protégé en cas de poursuites. Ce n’est pas rien. C’est, en fait énorme, comme différence dans le résultat final. Ça donne un blogue plus mordant, plus candide, moins « sur les breaks ».

Comme je le disais aussi à Lagacé dans les commentaires chez Dumais, le versant opposé à ses mises en demeure ou poursuites contre l’expression peut-être diffamatoire d’un blogue, est le mouvement de support international d’appuis, qui peut s’ensuivre.

(…)Concernant les possibles poursuites en tant que blogueur individuel, les risques sont bien là surtout si on fait dans le blogue d’opinion. Cependant, je crois qu’il y a tout de même la possibilité d’être mordant. De surcroît, en fonction du blogueur, du sujet de la poursuite éventuelle et de la poursuite elle-même, une entreprise ou un individu entreprendrait de poursuivre un blogueur, sans fondements autres que de lui fermer la gueule, risquerait de subir le contrecoup de la blogosphère qui pourrait embarquer pour protéger l’un des leurs. Le contrecoup pourrait de beaucoup dépasser l’ampleur de l’éventuelle poursuite. Les entreprises y songeront donc deux fois avant de s’en prendre à un blogueur. Ce n’est qu’une opinion…

Pourquoi cette longue introduction? Puisque la ville de St-Adèle, son maire M. Jean-Paul Cardinal et leur procureur Albert Prévost de l’étude Prévost Fortin Daoust, ont sorti les gros cannons d’une mise en demeur [2]e assortie de menaces de poursuite en dommage et intérêts [3].

Est-ce que l’affaire ira plus loin ? Fera-t-elle jurisprudence au Canada ? Ternira-t-elle l’image accueillante de la municipalité de Ste-Adèle ? Seul l’avenir nous le dira. Cependant, l’histoire est déjà reprise en France sur le célèbre portail Pointblog [4] et sera multipliée de manière exponentielle cette semaine dans la bloguosphère mondiale francophone et probablement anglophone aussi.

Quelles autres avenues s’offraient à la municipalité ? Tout d’abord, ils auraient pu répondre aux attaques dont ils sont peut-être victimes, sur les billets des blogues concernés. Ils pourraient développer leur propre blogue municipal ou ils pourraient reprendre les critiques dont ils sont victimes et leurs répondre ouvertement et franchement avec des éléments d’informations soutenant leur propos et finalement, utiliser l’outil juridique en dernier ressort. L’impression que cette action juridique (peut-être fondée) laisse au commun des mortels, en est une de fermeture à la critique et à la discussion. Est-ce que Reporters sans frontière va s’en mêler ? Saurons-nous finalement la limite de la liberté d’expression ?

Les blogues concernés sont Carnet de Ste-Adèle [5] et bloguenotes [6]. Ce que ne comprennent probablement pas les avocats de Ste-Adèle est qu’une fois que c’est écrit et homologuer dans Google, même si le blogueur de Carnet de Ste-Adèle fait disparaître ses archives de son blogue (ce qu’il a déjà fait) elles sont presque toute disponible via la cache de Google comme vous pouvez le voir ici [7]. Pour ce qui est du bloguenotes, visionnez aussi les billets « incriminants » qui traitent du maire Cardinal [8].

Via YvesWilliams [9]

Que peuvent faire les blogueurs? Avant d’en discourir plus longuement, je vous invite à relire deux articles prophétiques du Devoir, daté de 2003, sous la plume de Dumais Technologie: À propos du journalisme citoyen [10]et Technologie – Regard sur le journalisme citoyen, deuxième partie [11]. On peut y lire :

«Cependant, un jour, et c’est inévitable, et malgré toutes les balises et les pseudo-codes de déontologie que se donnent ces journalistes citoyens, il y aura une poursuite qui fera l’actualité. Pour Karim Benyekhlef, professeur au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, cela ne fait aucun doute que ce jour est plus proche que l’on ne croit.

Il ne faut pas oublier que le blogueur est aussi un éditeur, et par le fait même, responsable du contenu publié sur son carnet Web. Il est donc inéluctable qu’une première poursuite envers les propos tenus par un blogueur se produise. Et de cette poursuite, résultera ce que nous appelons dans le jargon, le «chilling effect». Un immense frisson parcourra la blogosphère et nombreux seront les carnets, et les journalistes citoyens qui adopteront des mécanismes d’autorégulation. À savoir s’il y a danger pour la liberté d’expression, il faudra voir.»

Donc pour les blogueurs qui veulent se prémunir de ce grand frisson, ils peuvent relire les recommandations de Reporters sans frontières [12], s’informer sur le phénomène grand frisson (Chilling effet [13]), sur les limites des poursuites préventives et militer pour une loi anti-slapp (Strategic Lawsuit against public participation [14]) comme le fais le site québécois Taisez-vous.org [15].

Merci à Michel Dumais [16] pour ses lumières pertinentes…