- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Je n’irai pas par quatre chemins.

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Depuis ma naissance, je vis avec une bombe à retardement dans la tête. Elle a explosé un samedi matin du mois d’août 2007. À partir de ce moment précis, je ne dormais que 3 ou 4 heures par nuit, j’avais perdu 15 kilos et ma vie a été chamboulée à un point qui était encore inimaginable pour moi, ma conjointe, mes proches et mon entourage.

En gros, depuis que je suis enfant, mon cerveau m’indique que je suis une femme. Pour gérer cette situation, j’ai développé de très forts mécanismes de négation. Je suis devenu un modèle de « mâlitude ». J’ai fréquenté le Collège Militaire Royal de St-Jean [2](et suivi la formation d’officier d’infanterie), j’ai joué au football américain et j’ai été bouncer (videur). Mais voilà, une fois mes mécanismes de négations tombées d’un coup, j’ai vécu une sorte de dépression qui m’a amené à consulter l’un des spécialistes de ces questions au Québec.

Je souffre de Dysphorie [3] d’identité de genre [4]. Lorsqu’une personne se sent mal à l’aise de façon persistante avec les rôles ou identité de son genre, les médecins disent qu’elle souffre de cette maladie : c’est un terme psychiatrique décrivant une perturbation de l’humeur très grave qui implique tristesse, anxiété, tension, irritabilité et qui affecte une personne sur 30 000, selon les statistiques médicales [5]. Dans mon cas, c’est l’état psychologique d’une personne qui est insatisfaite du sexe dans lequel elle est née et on m’a diagnostiqué  transsexuel de type II [6]. La bombe

Dans ma situation, la seule avenue thérapeutique est la thérapie transitoire qui fera de moi une femme [7]. La seule autre alternative est de ne rien faire et la conséquence de ce choix est la dépression profonde qui peut mener au suicide.

J’ai demandé à mon Docteur s’il ne pouvait pas plutôt m’injecter des hormones mâles, m’offrir des thérapies d’aversion, etc. Il me répondit que depuis 50 ans toutes ces alternatives ont été explorées (y compris les électrochocs) et que la seule thérapie qui donne des résultats positifs est la transition. On ne peut pas changer le cerveau pour qu’il corresponde au corps, mais on peut changer le corps pour qu’il corresponde au cerveau.

Par ailleurs, un débat scientifique fait rage sur la question à savoir si le GID (Gender Identity Disorder) est une maladie ou une condition. Le GID est dans la bible des psychiatres (qu’on appelle le DSM-IV [8] (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)). Mais cette réalité pourrait bien changer puisque la science présente l’hypothèse que c’est plutôt une condition présente à la naissance. Il semble qu’à la 7e semaine de grossesse, un influx hormonal déficient au fœtus, fait en sorte que lors de la différenciation sexuelle, la morphologie devient mâle, mais le cerveau reste femelle (ici [9], ici [10], ici [11], ici [12], ici [13] et ici [14]). Donc à la naissance, en fonction des pressions sociales et des aléas de la vie, l’enfant se forgera des mécanismes de négations qui tomberont tôt ou tard. Puis, lorsqu’ils seront tombés, l’inéluctable deviendra alors une réalité présente à tous les instants.

Le diagnostic est formel, j’ai donc commencé la thérapie hormonale [15] il y a déjà deux mois et j’ai recommencé à dormir. C’est un autre signe coroborant le diagnostic qui est aussi confirmé par plusieurs autres professionnels de la santé et par la connaissance que j’ai de moi-même (je me travestis de manière non-fétichiste, en privé, depuis l’âge de 10 ans).

Je prends cette nouvelle avec beaucoup de joies et d’angoisses à la fois.

Finalement, je serai la femme que mon cerveau a toujours été et j’en suis très heureuse, mais l’angoisse de la perception des autres, la crainte d’être un freak, la peur de perdre mes contrats de conférencier et la culpabilité de savoir la douleur que cette nouvelle crée chez certains de mes très proches, m’accaparent énormément.

L’aspect le plus cruel de ma situation est de devoir quitter ma douce chérie que j’aime profondément et avec qui je suis en couple depuis treize ans. Elle m’a supporté, écouté, aimé et aidé de façon admirable, mais aujourd’hui je suis à un stade qui la fait énormément souffrir. Afin de la ménager, je me dois de lui permettre de faire le deuil de l’homme qu’elle aime toujours. C’est réellement la portion la plus déchirante de ma situation. Dans les prochains mois, je demeure (au niveau social, légal, d’affaires et autres) un homme. Mais à partir d’un moment que je déterminerai et après avoir subi une chirurgie de féminisation faciale [16] et m’être remis de cette opération, je changerais mon statut pour celui de Michelle Blanc.

Je suis rassuré quant à ma survie puisque mes clients actuels et amis connaissent ma situation et m’offrent leur soutien. Je leur en sais gré car de savoir que l’amitié et le professionnalisme peuvent transcender les tabous identitaires de notre société, me sécurise énormément. Je sais déjà que je serai une femme pas si moche que ça. Je ne veux vraiment pas être un homme en robe, or déjà, mes copains me disent que je suis une plus belle femme que je ne suis un bel homme (en toute subjectivité). Je sais aussi que je survivrai moralement à tout ça, parce que cela m’a déjà énormément fait grandir et que la vie me réserve encore de nombreuses surprises positives, dont celle d’être maintenant plus émotive et de pouvoir vivre mes émotions. Comme me le disait le copain Martin Lessard [17] qui m’a rencontrée en femme, il semble que j’en deviens plus calme et plus « civilisée ». La copine Muriel [18] quant à elle, me dit que le choc ce n’est pas tant de me voir en femme que de me revoir en homme par la suite. Elle me dit que je semble si heureuse, calme et bien dans ma peau que par la suite, lorsqu’elle me voit en homme, ça lui saute dans la face à quel point j’ai joué un personnage toute ma vie… Disons que ça m’encourage.

Par contre, les défauts et qualités auxquels vous songez quand vous pensez à moi ne changeront pas. Je risque fort de toujours avoir une grande gueule par exemple, même si, comme on vient de le voir, elle sera sans doute mieux « embouchée ». En mode femme, allez savoir pourquoi, je ne sacre plus et je suis un peu plus réservée. Je deviens aussi plus émotive. En somme, outre mon apparence extérieure, mon maniérisme et certains traits de caractère mineurs, je serai toujours la même personne qui se passionne pour les gens, le boulot, la nature et les choses simples de la vie.

Maintenant que la bombe à retardement  a éclaté, sachez que je n’ai pas l’intention de m’étendre sur ce sujet ici. Je créerai, à un moment donné, un autre blogue pour fournir de l’info sur le phénomène aux autres personnes qui vivent le même problème et pour ceux qui ont un intérêt pour le sujet ou qui tout simplement veulent comprendre et ne pas être esclaves de leurs préjugés.

Voilà…

MAJ

Le journaliste Patrick Lagacé fait un topo sur cette histoire dans l’article Changer de garde-robe  [19]du journal LaPresse et en parle ici [20]dans son blogue. J’ai officiellement perdu le contrôle de mes communications sur ce sujet…

MAJ2

Ce billet est traduit en englais dans mon blogue web marketing frog. I won’t beat around the bush [21].

MAJ3

J’ai maintenant un nouveau blogue qui parle de ma transition. Il s’agit de Femme 2.0 [22]… Venez m’y dire bonjour!