- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

La FPJQ et les fabricants de fouets, même combat

Pin It [1]

C’est dans un livre sur la nouvelle économie de Nuela Beck [2] que durant les années 90 je pris conscience que notre économie était en mutation et que ce changement affecterait bien des secteurs de l’économie du moment. Dans son livre, madame Beck donnait l’exemple des marchands de fouets du début du siècle. Toute une industrie reposait sur LE moyen de transport du 19e siècle, la carriole. Mais voilà que l’automobile venait d’être inventée et que des bien-pensants (ou plutôt des industriels ou leurs mercenaires idéologiques qui chiaient dans leur culotte), faisaient tout pour discréditer cette invention du diable et sauver les manufacturiers de fouets. C’est tellement romantique de fouetter gentiment son cheval et de rouler à une vitesse décente.
Tout ça pour vous dire que la Fédération professionnelle des Journalistes du Québec (FPJQ) (j’ai comme un gros motton de quelque chose dans la gorge) vient de se doter d’une nouvelle résolution [3](gros roulement de tambour et clairon de trompettes) :

Résolution du conseil d’administration pour l’assemblée générale du 7 décembre 2008

Attendu:
 que les nouveaux moyens de communication comme Internet permettent aux citoyens, entreprises et groupes de pression d’avoir un accès facile à la place publique
 qu’il devient de plus en plus difficile pour le public de distinguer les journalistes professionnels des autres communicateurs
 que le respect des règles de déontologie est la seule chose qui distingue les journalistes professionnels des citoyens et autres communicateurs
que l’information produite dans le respect des règles de déontologie des journalistes a davantage de valeur et de crédibilité
 que la FPJQ a intérêt à s’afficher comme un exemple et un leader des meilleures pratiques professionnelles
 que la FPJQ a intérêt à définir elle-même les balises de la pratique du journalisme professionnel plutôt que d’attendre que les pouvoirs publics ou d’autres instances le fassent à sa place
 que les règlements généraux de la FPJQ reconnaissent que «la fonction de journaliste repose sur la vérification des faits, la rigueur du traitement et le respect de l’éthique et de la déontologie».
Il est proposé d’ajouter aux articles 2.01, 2.02 et 2.04 des Règlements généraux de la FPJQ un nouveau critère d’adhésion pour les membres:
 Pour devenir membre de la FPJQ, un journaliste, ou une entreprise de presse, doit prendre un engagement moral à respecter le Guide de déontologie de la FPJQ. Cet engagement sera requis au moment de l’adhésion et/ou de son renouvellement.

Bon, comme il arrive que je sois trop polémiste lorsque je me prononce sur ces questions [4] je préfère encore laisser discourir d’autres personnes qui sont peut-être plus nuancées que moi. Comme par exemple, le journaliste/blogueur Narvic [5] :

Finissons-en : un blog est un format, pas un contenu ni un métier.
Mais c’est un format interactif, qui permet au lecteur d’interpeller l’auteur. C’est un format libre, grâce au foisonnement des blogs : si on n’aime pas, on ne revient pas, il y a tant d’autres choses intéressantes ailleurs ! Si les lecteurs reviennent, c’est qu’on les a convaincus. Par ce qu’on met en rayon et dont ils sont seuls juges, et c’est un combat de tous les jours, car le lecteur est sans états d’âme avec les états d’âme des blogueurs.
Et c’est une position autrement moins douillette que de se retrancher derrière une marque de médias qui s’impose à grand renfort de publicité, quand on est un journaliste de média bien protégé, qui ne sera jamais considéré comme pleinement responsable de ses écrits, contrairement aux blogueurs, qui sont leurs propres éditeurs, et qui en assument – pénalement – bien plus que les journalistes des médias… Et en plus, nos charmants législateurs veulent encore charger la barque au détriment des blogueurs, en veillant à ne surtout pas alourdir celle des journalistes traditionnels.
Si la garantie déontologique, c’est d’assumer pleinement ce que l’on écrit, jusque devant le tribunal, alors les journalistes des médias pourront bien me dire tout ce qu’ils veulent : ma responsabilité ici, dans ce blog, est bien plus grande, que celle qu’ils ont jamais assumée dans leurs médias. Et en plus, il sont payés pour ça.

Ou le journaliste/blogueur Bruno Boutot [6]

Juste pour préciser le contexte: je suis moi-même journaliste et je pense qu’être journaliste salarié n’est pas un défaut. 🙂 Ce n’est pas un défaut non plus d’être conscient de la tempête du Web qui s’abat sur l’industrie de la presse. Ce n’est pas un défaut d’avoir des craintes sur le futur de la profession: c’est une tempête. Je pense seulement que l’exclusion, ce réflexe de protection des acquis, n’est pas un remède approprié pour sortir de la tempête. Je crois que les regroupements, les interconnections, les intérêts communs sont plus efficaces dans ce cas-ci que l’isolement. 🙂

(…)

Le titre de “journaliste” n’est pas une passe magique qui permet d’avoir accès aux conférences de presse. Dans la plupart des cas, il ne suffit pas d’être journaliste pour entrer: il faut être invité. Les gens qui font des conférences de presse ont un message à transmettre. Ils n’invitent pas des gens qui ont “de l’éthique” mais des gens qui vont “transmettre leur message à leur public”. Les journalistes qui sont invités sont ceux dont le média a la possibilité de transmettre le message au bon public.
(…)
C’est tout. Ça suffit. C’est fini. Vous avez les clefs: un historique, des références, des chiffres et de la politesse. Encore une fois, si vous rejoignez un public que veut rejoindre les organisateurs de conférences de presse (y compris politiques) vous allez être invités partout. Pas de secret, pas de mystère, pas d’organisme qui vous donne une bénédiction magique. C’est simple: c’est de la mécanique de communications.
Je ne pense pas que des gens comme Mario Asselin, Michelle Blanc, Philippe Martin et tant d’autres, même s’ils et elles écrivent dans des blogs, aient la moindre difficulté à se faire inviter à des conférences de presse: ils ont un historique, des références, des chiffres de fréquentation (et de multiplication si on peut montrer qu’on est lu et repris par des sites et des médias).
Tout ça est une tempête dans un verre d’eau.

Marchands de fouets et FPJQ même combat. Reste que des marchands de fouets se sont recyclés dans l’industrie des produits dérivés sado-maso. Ma grande question est de savoir en quoi la FPJQ va-t-elle se recycler ?