- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

À propos de la vélocité des sources non journalistiques

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Lors de mon allocution sur l’avenir des médias de plus de 45 minutes et de la période de questions impromptue d’une demi-heure qui s’en sui [2]vit, j’ai commis une bourde. Un impair. Je me suis mal exprimée et j’ai blessé la fierté toute légitime du journaliste qui est heureux d’avoir fait un scoop. Comme je l’ai dit dans ma conférence, le fait journalistique est devenu une commodité (dans le sens que ça n’a plus de valeur) mais ce sont les analyses, les opinions, le journalisme d’enquête qui en ont. Ainsi, lors d’une question du journaliste Jean-François Coderre du Journal de Montréal (alias rueFrontenac le temps du lock-out) [3] je fis une réponse qui n’eut pas l’heur de satisfaire Tristan Péloquin de Cyberpresse avec qui je dialogue dans mon blogue et sur le sien dans Cyberpresse [4]. Voici le fil de nos échanges chez moi.
Tristan Péloquin

Juste quelques mots sur la discussion au sujet de Dawson. Dans le clip, Michelle, tu dis que, pendant la fusillade de Dawson, “l’information la plus pertinente et la plus à jour (pendant la tuerie) était sur Wikipedia”, alors que “Radio-Canada et Canoe étaient down”.

En tant que journaliste à La Presse qui a couvert l’événement, je crois être bien placé pour dire que tu as tort.

Au lendemain de la fusillade, je publiais dans La Presse cet article intitulé “Dawson: la fusillade en direct sur Wikipedia” (http://tinyurl.com/exqys). J’y parle du fait qu’un étudiant de Concordia qui s’est retrouvé près de l’action a créé une page Wikipédia à peine quelques minutes après le début de l’événement. Je me souviens très bien avoir lu et relu l’article de Wikipedia sur Dawson alors que les événements se déroulaient. On y trouvait de l’information juste et pertinente. Dans l’article, j’ai décrits les faits qu’on y rapportait comme étant “d’une bonne rigueur factuelle”. Je me souviens qu’il y avait des erreurs.

Une chose est cependant certaine, on n’y trouvait AUCUNE INFORMATION INÉDITE que les médias traditionnels n’avaient pas encore rapportée. Wikipédia répétait, avec un certain retard mais avec un regard original de citoyen, ce que nous, des médias traditionnels, découvrions.

Quant aux photos qui avaient été mises en ligne sur Wikipedia, elles ne disaient pas grand-chose, sinon que des jeunes se trouvaient dans la rue face au Collège Dawson.

Autre détail important: c’est bel et bien La Presse et le Journal de Montréal qui ont révélé le nom du tueur. Pas Wikipédia. Dans la salle de rédaction de La Presse, on m’a transmis l’information vers 20 h. J’ai trouvé le blogue de Kimver Gill, avec l’aide de collègues, vers 21h.

Dans Wikipédia, l’entrée sur Kimver Gill date du lendemain, à 10h59. Elle est largement basée sur les six pages de contenu diffusées ce matin là dans La Presse et le JdeM !!!

Je suis le premier à tripper sur Twitter, Wikipedia et Facebook comme outils journalistiques. Mais de là à dire qu’ils sont plus efficaces que les médias traditionnels, il y a un pas que je ne suis pas prêt à faire.

Tristan Péloquin

L’article de La Presse, intitulé Dawson: la fusillade en direct sur Wikipedia, se trouve ici: http://tinyurl.com/detwx2 [5]

Michelle Blanc

Tristan
Dans le cas de l’avion sur la rivière Hudson, il est clair que la vélocité était du bord de Twitter. Dans le cas de Dawson, j’aurais dû spécifier que l’info était indisponible sur les sites des grands médias, mais qu’elle l’était sur Wikipedia, tel qu’en discute Éric Baillargeon ici [6] et ici [7]. Concernant les photos, elles ont été en ligne des 15:00hr le jour du drame, sur Flickr [8]plutôt que Wikipedia et on commence à parler du site Web de l’assassin le lendemain à 07:30hr le matin du 14 sept [9]. L’idée est que le scoop excite le journaliste, quelquefois le blogueur mais rarement le citoyen ordinaire au milieu d’un fait journalistique et que comme tu l’as déjà mentionné, les outils tels que Twitter, Flickr, les blogues, Wikipedia ou autres peuvent grandement aider le journaliste. Il est clair que la police donnera plus d’infos aux journalistes qu’au simple citoyen et c’est bin correct de même. Par contre, il arrive de plus en plus que le citoyen soit au milieu d’une histoire, qu’il la partage, avant même que le journaliste n’ait le temps de s’y rendre. C’était ça mon point dans le fond et cette idée, permet de faciliter le travail des journalistes à mon avis…

Tristan Péloquin

Michelle, désolé, je ne comprends pas, mais absolument pas ce que tu veux dire par: “Dans le cas de l’avion sur la rivière Hudson, il est clair que la vélocité était du bord de Twitter.”

Explique-moi ce concept de ésotérique de “vélocité”, que je ne comprends pas.

24 heures après l’amerrissage de l’avion dans la Hudson, 240 000 personnes avaient vu la photo du gars qui a soi-disant annoncé l’histoire sur Twitter. 240 000 personnes, contre combien de centaines de millions de personnes ont vu les images à la télé et sur les grands sites des médias ou même sur YouTube (grâce aux images provenant de grands médias). Combien de personnes ont appris l’histoire sur Twitter grâce à un lien menant vers le NYTimes ou n’importe quel autre site de journal ???

Twitter pas Twitter, les médias auraient amplement parlé de l’histoire. Si ça se trouve, les médias étaient au courant de l’histoire avant même que l’avion touche l’eau. Le fait qu’un gars ait publié la photo sur Twitter est intéressant, parce que ça permet à n’importe qui de se rapprocher un peu de l’histoire. Mais soyons honnêtes, les gens qui ont appris l’existence de l’incident par le post de Janis Krums sont RARISSIMES.

Vélocité = 0. C’est une histoire cute à raconter dans le journal du lendemain; un point de vu inédit sur l’accident. That’s it, qui, au surplus, concerne la saveur du mois qu’est actuellement Twitter pour les médias.

Tu dis aussi: “Dans le cas de Dawson, j’aurais dû spécifier que l’info était indisponible sur les sites des grands médias, mais qu’elle l’était sur Wikipedia, tel qu’en discute Éric Baillargeon ici et ici”. Sorry, mais c’est du pipeau. Tous les sites – Rad-Can, Canoe, Cyberpresse – avaient l’histoire en ligne, ne serait-ce qu’une dépêche mentionnant qu’un tireur était à Dawson, 10 minutes après qu’elle ait éclatée. J’en sais quelque chose: c’est moi qui updatait l’histoire en direct pour Cyberpresse. Cyberpresse a planté vers 18h seulement !!!! Et que les autres sites aient planté une minute ou deux ne veut pas dire qu’ils étaient hors jeu.

J’ajoute humblement que Dawson s’est produit en 2006. Sur le Web, aussi bien dire que ça fait 100 ans. Les photos des photographes des médias, autrement plus pertinentes que celles affichées sur Flickr (si on compare tout ce qui s’est trouvé sur Wikipedia à ceci (http://tinyurl.com/dx5wkk), par exemple), ont dû se retrouver en ligne une heure après le début de l’événement. Lors du passage de Barack Obama à Ottawa, elles étaient sur Cyberpresse 30 secondes après avoir été prises.

Tu ajoutes: “Il arrive de plus en plus que le citoyen soit au milieu d’une histoire, qu’il la partage, avant même que le journaliste n’ait le temps de s’y rendre.” Ça a toujours existé. Dans notre langage, on appelle ça des sources ou des témoins. Qu’ils mettent l’info en ligne, qu’ils nous refilent une photo, ou qu’ils nous la disent de vive-voix, c’est pour nous la même chose. C’est une source d’information.

Michelle Blanc

Lorsque je parle de vélocité (dans le sens de rapidité) de Twitter (pour la rivière Hudson) je me réfère Techcrunch [10], à News.com.au [11], à editorsweblog.org [12] et Nielson–online.com [13]. Pour la vélocité de Twitter durant d’autres événements il y a aussi MediaWarch de l’AFP [14], Mediashift de PBS [15], Techcrunch [16], à mon propre billet Twitter le nouveau fil de presse? [17]
Bin finalement, on dit la même chose. Le Web devient une source, l’information factuelle n’as plus de valeur et c’est la valeur ajoutée, la réflexion, l’analyse et l’opinion qui en ont. Pis le reste de la conférence (avant la période de questions pour laquelle il est toujours difficile de se préparer) c’est justement de ça que je parlais…