- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Gourou, vaginite et sphère publique/privée

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Dans mon dernier billet Gourou, papesse ou reine des médias sociaux, inaccessibilité et narcissisme [2], je croyais naïvement avoir cloué au pilori la vision que mon blogue et Les médias sociaux 101 [3], soient vus comme une expression narcissique. C’était sans compter sur le « fair-play » de certains journalistes, qui ont du plaisir à alimenter la guéguerre journaliste/blogueurs –twittereurs dont je suis sans doute la Jeanne d’Arc. Toujours est-il que Stéphane Baillargeon dans l’article Médias – Twitter ou ne pas twitter? [4] de le Devoir, en rajoute une couche ce matin.

Ce qui ne règle pas le problème des comptes personnels, enfin de ceux liés à des journalistes et des patrons de presse. Devraient-ils pouvoir gazouiller sur leur média, voire comme bon leur semble et sur tous les sujets? En fait, à l’oeil, la plupart se soumettent à des règles informelles en ne publiant pas n’importe quoi. On croise bien de petites dérives ou des insignifiances ici et là, mais, franchement, il s’en trouve beaucoup moins que sur certains sites des pros des nouveaux médias.

Celui de Michelle Blanc (qui vient de publier le guide Médias sociaux 101 sur du bon vieux papier) concentre l’autopromotion et le nombrilisme au pur jus. La semaine dernière, entre quelques liens de pro, madame causait vaginite. Du très profond ego inc.

«Plutôt que d’inventer des cas d’espèce fictifs comme certains autres auteurs qui ont écrit sur le sujet l’ont fait, j’utilise un cas qui est notoirement publicisé, pour faire diverses démonstrations de l’utilité des médias sociaux et il s’avère que ce cas est moi-même», a candidement expliqué Mme Blanc sur son blogue.

Fixer une limite plus claire

Franchement, qui se plaindrait si les journalistes fixaient une limite plus claire entre le privé et le public? Quoique, justement, le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé a twitté cette semaine qu’il n’avait pas et n’avait jamais eu de vaginite…

Faut-il donc distinguer les gazouillis des préposés à l’opinion et ceux des préposés aux faits? Ou bien l’un devient l’autre, et tout se mélange en 140 caractères, de tous les côtés, y compris le public et les marketologues?

Stéphane Baillargeon, Stéphane Baillargeon, Stéphane Baillargeon!


Comme je suis une marketologue, parlons donc des journaleux. Vous savez ceux qui s’amusent à faire une démonstration en utilisant des exemples capilotractés (tiré par les cheveux) en faisant l’apologie du pour versus du contre. C’est bien la dialectique d’opposition et de démonisation. Ça a l’avantage de ne pas réellement pousser la réflexion (ho est-ce une autre manipulation egotistique que de mettre le mot réflexion ici?) et de chier un texte subito presto pour respecter l’heure de tomber. Donc la substance de l’article (si substance il y a) est de se demander si les twitts présence Facebook et autres médias sociaux des journalistes, doit se faire sur le plan strictement professionnel ou doit-elle aussi inclure des éléments personnels? C’est une très bonne question pour laquelle habituellement on me mandate. Ma réponse est toute simple et elle a été largement documenté ici, dont par vous-même dans votre ancien article ego inc. [5], qui a eu l’avantage de m’envoyer nombre de journalistes comme clients (je vous en remercie). Je dirais qu’idéalement, vous faites un savant mélange des deux. Le journaliste est avant tout un salarié dont le contrat n’est peut-être pas éternel avec son média et s’il perdait son emploi, son brand serait sans doute le meilleur véhicule pour en trouver un autre. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé par exemple à monsieur Franco Nuovo qui malgré le lock-out du Journal de Montréal, anime maintenant une émission à Radio-Canada, sans doute à cause de la force de son brand. Par contre, du côté de l’employeur, il semble évident que le média a avantage à restreindre le côté « personnel » de l’employé journaliste afin que celui-ci se concentre sur « la commercialisation » du média de l’employeur. Cependant, à long terme, ce genre de stratégie a le désavantage de faire perdre l’individualité (que nous pourrions aussi appeler narcissisme) du journaliste, ce qui le rend très souvent plus sympathique et humain pour les lecteurs. Dans la dialectique médias sociaux, la frontière privée/publique change grandement. Les vieux (et les patrons et élites qui sont généralement vieux) ont de la difficulté avec ça. Dans les médias sociaux on se dévoile plus. On ne dit pas tout, mais on se dévoile plus quand même. Qu’un million de personnes sachent que j’ai eu une vaginite, je crois que c’est un « statement politique » et une œuvre de vulgarisation populaire (oui une nouvelle femme a un vagin, il est fonctionnel et peut même avoir une vaginite ). Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à lire mon billet du blogue Femme 2.0, Vaginite 2.0 [6] (classé l’un des 11 meilleurs blogue de langue française par la radio-télévision Allemande [7] (re-plogue narcissique qui prouve que souvent faut être reconnue à l’extérieur du Québec avant que nos élites locales reconnaissent qu’on a peut-être déjà fait quelque chose)). Je vous signale en terminant que vous n’avez pas encore vu de photos de mon vagin ou de cette infection vaginale. Je me garde une petite gêne tout de même et cette frontière gênante est sans contredit très différente dans ma conception, que dans la vôtre. En conclusion, je vais vous citer de l’article Éloge de l’engagement [8], mais contrairement à vous, je vous ferai la délicatesse d’un contexte et d’hyperliens. Vous écriviez cet article en guise d’analyse d’un débat entre Joseph Facal et Jean-François Lisée par tribunes interposées et visant à déterminer la suite de l’évolution et des stratégies indépendantistes au Québec. Vous disiez :

(…) Savant, militant et bête à média, c’est donc possible ? Max Weber pensait pouvoir trancher au rasoir entre la description objective de la réalité sociale et les jugements de valeur liés à l’intervention sociopolitique. D’autres, comme Pierre Bourdieu ou Guy Rocher, ne veulent pas séparer la compétence académique et l’engagement. Pour eux, la connaissance critique peut guider l’action. Mieux, la résistance analytique doit s’affirmer contre les vulgarités béotiennes souvent charriées par les médias.
Au fond, c’est l’idée que le savant ou l’artiste ou l’écrivain demeurent des citoyens et qu’à ce noble titre partagé, ils ont parfaitement le droit et peut-être le devoir strict de participer au débat public.
(…)Ces engagements politico-médiatiques ont aussi le mérite de rappeler le retrait de l’espace public des autres intellos. Leur désaffiliation du social va souvent de pair avec l’hyperspécialisation stérile des sciences sociales. Les « fonctionnaires de l’humanité » (Bourdieu, encore), pour ne pas dire les corporatistes du particulier, s’esquivent et retraitent confortablement.
Les pros du commentaire viennent combler ce vide. Ce qui pousse à se demander quelle est la différence entre le savant-militant-commentateur (minoritaire) et le chroniqueur-journaliste (en surnombre) ?
(…)La chicane fait aussi se poser des questions sur le positionnement (ou l’engagement) des médias à l’ère de l’hypermédiatique. Quand tout le monde dit la même chose, ou presque, c’est bien de trouver et de garder sa voix distincte.

MAJ

Tiré du blogue Butterflyhunt, le billet : Oh Déjà Vu: On Social Media and Narcissism [Redux] [9]

Much of what is being said about “social media” was said about blogging before, as it was said of “traditional” literature and art before that. It is ironic that in a culture that embraces, encourages and demands self-sufficiency and autonomy recent representational methods (such as social media) are being accused of propagating “the narcissism epidemic”. (Susan Sontag would have had a lot to say about the pejorative medical metaphor). As Piombino brilliantly explained,

At this moment in time, blogging, as a writing movement, is blessed with an opportunity to evolve a writing tendency that can combine self-sufficiency with empathy in a way that can be advantageous to the individual writer, and at the same time to the writing community, the local community, the nation, and the world. Blogging is quite capable of allowing individual writers quite a lot of space to take a place on the continuum of community involvement and sustain quite a lot of automonomy. This is largely because of the technological advances inherent in html linking, and the fact that, at the moment, it is being made available free of charge.

We can easily substitute “blogging” in Piombino’s writing for “social media” without betraying its message. Blogging and social media are representational methods which allow the design of “profiles” which are an online extension of ourselves. Social media and blogging do not have to be more “narcissistic” than a good resume or CV. The average professional job advert seeks extraordinary qualities that strictly speaking only pathologically narcissistic individuals would truly believe they honestly possess.

et j’ajouterai, du collègue de monsieur Baillargeon, Jean Dion, dans son article La bataille des Plaines annulée pour raisons de sécurité [10], Le Devoir

.

Les médias n’aiment rien de mieux que de faire étalage de la “subversion” pour faire oublier qu’ils la récupèrent.

Ma conclusion :

J’admets volontiers être subversive… 🙂

MAJ2

Je réalise aussi que la condescendance d’une certaine classe journalistique, est sans doute la forme la plus dégueulasse de narcissisme…

MAJ3

Un autre point de vue sur la question, que j’aime beaucoup (oui je suis biaisée) chez Facteur Pub, Les bornés [11] :

(…) On se confine plutôt à des analyses de surface, à des jugements de valeurs, de Nathalie Petrowski à Stéphane Baillargeon hier dans Le Devoir (quelle sale petite attitude), on sent que Twitter agace, irrite.

et comme je suis aussi capable d’autodérision, une caricature amusante de toute l’affaire chez Zema-inc, Pour la vaginite la plus répandue sur les internets [12]

Caricature de Zema-Ink.com [12]

Caricature de Zema-Ink.com