- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Expliquez-moi ce rien – réponse à monsieur Foglia

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Ce matin, dans le Journal La Presse, le célèbre chroniqueur Pierre Foglia se pose une question « média social » dans sa chronique Expliquez-moi ce rien [2]. Je crois être bien placée pour illuminer les lanternes de cet excellent chroniqueur que j’aime beaucoup, mais qui n’est malheureusement plus de son temps. Il questionne les médias sociaux, Facebook et Twitter en ces termes :

C’est ici, amis lecteurs, qu’il faut m’expliquer la nature de ce rien qui m’échappe totalement, de ce rien qui est 90% de ce qui s’écrit dans les médias sociaux.
Expliquez-moi pourquoi l’intime le plus plat, en cela qu’il est le moins intime qui soit, est en train de révolutionner les communications en 140 caractères? A-t-on à ce point besoin de ne rien se dire pour se reconnaître et s’apprécier?
(Nota bene: s’il devait s’en trouver un, un seul pour me rappeler que j’aime me proclamer le maître planétaire du rien, je le gifle.)

Comme je ne veux pas être giflée par monsieur Foglia, je ne dirai certainement pas qu’il est sans doute le plus grand blogueur à ne pas avoir de blogue et qu’il est effectivement le maître planétaire du rien … littéraire et passionnant. Je lui dirai plutôt que les médias sociaux sont souvent appelés des « médias conversationnels ». Que la conversation humaine (tel que le défini Wikipedia [3])

(…) est un échange d’informations entre au moins deux individus, portant généralement sur un sujet précis. La conversation est une forme courante de communication qui permet à des personnes de faire connaissance.

Selon le cours autodidactiques de français écrit [4], on dit aussi :

La conversation s’oppose aux autres formes d’interaction (entretien, débat, colloque, pourparlers, conciliabule, etc.) par son caractère familier, improvisé et gratuit: aucune de ses composantes n’est fixée à l’avance — nombre des participants (variable d’une conversation à l’autre et même au cours d’une même conversation, ce nombre devant toutefois rester relativement réduit), thèmes traités (également variables, et prêtant à la digression: une conversation se fait “à bâtons rompus”), durée de l’échange et des différentes répliques, alternance des tours de parole, — et elle n’a pas d’autre finalité que sa propre pratique, elle est coupée de tout but instrumental. Sa principale motivation est le plaisir.

Mais dans « média conversationnel » il y a aussi « média ». Wikipedia décrit le média [5] comme étant :

(…) tout moyen de communication, naturel ou technique, qui permet la transmission d’un message. Couramment, on utilise désormais le terme de média pour décrire les médias de masse (de l’anglais « mass-media ») , soit un moyen de diffusion collectif, permettant de rapidement communiquer à un public vaste et hétérogène. Voici une liste non-exhaustive de média : Le langage, l’écriture, musique, la presse, la radio, la télévision ou encore Internet.

À la lecture de ces définitions et à la relecture du texte de monsieur Foglia, je me demande ce qu’il ne comprend pas? A-t-il de la difficulté avec la nature conversationnelle ou celle médiatique des médias sociaux? Trouve-t-il que la somme des riens (qu’il estime à 90% sans y avoir été lui-même comme il l’affirme) n’est d’aucune utilité et que les médias sociaux se devraient d’être utiles? Bref, son questionnement me semble flou, et plus être un épisode d’exaspération (comme l’on fait avant madame Petrowski [6] avec 4 ans de retard sur Nuovo et Martin [7] qui eux-mêmes étaient 2 ans en retard du reste de la planète [8]) de celui qui tout en disant vouloir comprendre, s’évertue à démontrer l’inutilité de s’intéresser à ce qu’il dit vouloir comprendre.
J’ai maintes fois ici expliqué que les médias sociaux (on en a d’ailleurs tiré un livre Les médias sociaux 101 [9], qui expliquerait certainement plus en profondeur la question à monsieur Foglia) et plus spécifiquement Facebook et Twitter, sont des médias conversationnels qui incluent du très pertinent et du très anodin. Que même dans l’anodin il y a des informations capitales pour qui sait les mettre en contexte et qu’il «n’est certes pas nécessaire d’être sur les médias sociaux [10] ». Il n’est pas non plus nécessaire d’avoir le téléphone, la télé, la radio, le journal ou le livre. Ce sont tous des médias qui ont leurs atouts, mais on a bien vécu des milliers d’années sans le livre. Lorsqu’on critique les médias sociaux comme étant inutiles, c’est comme si on disait que le livre est inutile et qu’on s’efforce de trouver des exemples d’inutilités qui ont déjà été écris dans ceux-ci pour prouver notre point de vue. Ou pourrait aussi isoler « la télé-réalité » qu’on mettrait sur le même pied d’égalité qu’un Charlie Rose, puis se justifier en disant 90% de la télé est de la télé-réalité.
C’est ici, amis lecteurs, qu’il faut m’expliquer la nature de cette télé qui m’échappe totalement, de ce rien qui est 90% de ce qui est diffusé dans les médias électroniques.


J’informe aussi monsieur Foglia que je n’écoute JAMAIS d’émission sportive à la télévision. Je trouve ça personnellement complètement inutile, d’une perte de temps sans nom et je ne comprends pas que des gens soient grassement payés pour aller voir à notre place des événements sportifs et nous les expliquer et les décortiquer jusqu’à la fin des temps. Cependant, jamais, au grand jamais, je ne m’amuserais à croire que les gens que ça intéresse, qui y investissent du temps, qui en discutent, qui lisent sur le sujet et qui écrivent là-dessus nous font perdre collectivement du temps et des ressources et qu’il faut m’expliquer pourquoi ils sont fascinés par ce grand rien?
C’est sans doute une question de génération, de culture ou de peur du changement….

MAJ

Ce matin, dans sa chronique L’exercice physique [11], monsieur Foglia revient sur sa prise de position initiale concernant Twitter :

PAN! SUR LES DOIGTS – Un prof de philo à la retraite, Edgar P., m’a trouvé bien imbécile dans ma dernière chronique sur Twitter et Facebook et il n’a peut-être pas tort.

Citer les entrées de Coeur de pirate sur Twitter pour prouver la futilité de Twitter, me dit-il, est comme citer des extraits de la biographie de Justin Bieber pour ridiculiser la littérature.

Touché.

En fait, cela n’excuse rien, mais explique peut-être un peu ma lapidaire généralisation. Plus que les entrées de Coeur de pirate, j’ai écrit cette chronique sous le choc d’une entrée de Denis Coderre qui, une semaine avant Noël, faisait un appel à tous pour une suggestion de cadeau pour sa fille de 18 ans. Reconnaissez, professeur, que M. Coderre est un personnage type de Twitter, on le représente souvent comme le prototype de l’homme d’action plogué direct sur la modernité par Twitter et… et rien, sauf ceci peut-être: devant cette modernité-là, il ne me déplaît pas d’être un homme des cavernes.

Mais je vous donne raison sur l’essentiel. Cela prend plus qu’une petite chronique à la va-vite pour faire le tour d’un phénomène aussi complexe. Là, vous êtes content?

Alors oui je suis contente et ce matin je vais justement chez mon éditeur et c’est avec grand plaisir que je vais lui demander de vous envoyer une copie de Les médias sociaux 101 [9], qui vous aidera certainement à comprendre ce phénomène, et vous permettre d’être un homme des cavernes, en toute connaissance de cause…