- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Le Sommet sur l’enseignement supérieur et son absence de vision

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Dans mon billet Les paradoxes néfastes d’une enquête sur la collusion/corruption en TI au Québec [2] j’avais ce paragraphe sans doute prophétique:

Il est dommage, triste et inquiétant qu’on ait maintenant peur de ces technologies qui sont pourtant à la fois notre planche de salut économique et sociétale pour la société du savoir dans laquelle nous évoluons. D’ailleurs, à ce que je sache, les états généraux de l’éducation ne touchent en rien la question du numérique dans les débats qui s’y font. Pourtant, il y a fort à parier que d’ici 10 ans, la désintermédiation des connaissances se fera certainement via le Web (elle se le fait déjà) et il est fort probable que pour faire des études universitaires, il ne soit plus nécessaire de se retrouver physiquement sur un campus. Pourquoi aller à l’Université du Québec à Chicoutimi si je peux graduer de Harvard en restant chez moi? Juste un exemple, parmi tant d’autres, des enjeux auxquels il me semble que collectivement nous devrions réfléchir…

Or hier, dans LaPresse, il y avait cette opinion de Pierre Simard professeur à l’ENAP Enjeux d’un autre temps [3]

Alors que le Québec n’en finit plus de débattre de gratuité, de gel ou d’indexation de ses droits de scolarité, les grandes universités du monde regardent vers l’avenir.

Dans la récente édition du magazine The American Interest, Nathan Harden prédit la fin des universités américaines telles qu’on les a connues [4]: l’éducation supérieure sera dorénavant de plus en plus accessible, de moins en moins coûteuse et plusieurs universités devront se résigner à fermer leurs portes. Il va même jusqu’à prédire que d’ici 10 ans, l’Université Harvard aura 10 millions d’étudiants. De la fiction? Pas du tout!

(…)Mieux encore, pendant que le gouvernement du Québec annonçait des coupes budgétaires et qu’il invitait nos universités à se serrer la ceinture, ces deux universités privées investissaient plus de 60 millions de dollars dans un organisme indépendant chargé d’observer les apprentissages et de raffiner les technologies.

Aujourd’hui, la concurrence est vive entre les grandes universités pour étendre leurs enseignements aux étudiants du monde entier. Le jour n’est pas loin où quiconque avec un peu de volonté et de talent pourra s’inscrire en ligne dans une université prestigieuse pour une fraction du coût en campus.

(…)La bonne nouvelle, c’est que toutes nos hésitations ne devraient pas nuire à l’accessibilité des jeunes Québécois à des formations universitaires de qualité: les grandes universités du monde s’en occupent. Seule la survie de nos universités est en jeu, mais ça, on ne le voit pas. La poutre dans l’oeil!

Et comme j’ai partagé cet article dans mon Facebook, on y a commenté et rapartagé le contenu et sur le mur d’Isabelle Dea, j’ai pu prendre connaisance de ceci:

About « MIT IDEAS GLOBAL CHALLENGE [5]

We’re creating dialogue around innovation and social impact. We want to ignite conversations and discourse around development work, social enterprises, and public service. We desire many voices around innovation, current leaders bringing about a new tide in development work (foreign and local), and what’s happening at MIT.
We believe there is space for more dialogue about social impact – what’s working, what are the hurdles, what are the trends, who are the leaders, where is the support, what resources exist.
With this blog, we hope to start diverse conversation around the challenges that exist, the technologies and systems built to address those challenges, the leading dialogue around areas like Millennium Development Goals and share the trajectory ofIDEAS Global Challenge and the teams that enter.
Read, comment, and share — let’s get these conversations started!

Puis ceci

The MIT Challenge — Learning 4 Years in 12 Months (Without Taking Classes)


et finalement le résultat

The MIT Challenge is Complete

Pendant ce temps, l’ASSE est prête à reprendre du service et à user de ce qu’ils nomment “la diversité des tactiques” [6], les recteurs s’arrachent les cheveux pour boucler un budget déficitaire, le PQ vote contre ses propres positions [7] et ses deux anciens chefs sèment les graines de la discorde [8].

Il ne semble pas qu’on se questionne sur la place de nos universités dans le monde, ou encore mieux, de la place de nos universités dans le monde numérique.

Encore une fois, il me semble que plutôt que de faire un sommet sur l’enseignement supérieur, il serait sans doute plus opportun d’en faire un sur le numérique et son impact majeur sur toutes les composantes de l’économie et de la société. Mais oui, je ne suis qu’une grande rêveuse….

MAJ

Ce qui me rassure à moitié est que la France aussi semble prendre du retard quant à l’importance du numérique pour l’éducation supérieure. Ayant mis des statuts Twitter, Facebook, LinkedIn et Google + pour faire la promo de ce billet, je reçu du pote Français Emmanuel Scotto, le twitt suivant [9]:

@MichelleBlanc pour apporter de l’eau à ton moulin, et voir que le constat est le même ici aussi. Tout frais du jour: http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20130213.OBS8730/enseignement-a-distance-l-incroyable-fiasco-du-cned.html [10]
Enseignement à distance : l’incroyable fiasco du Cned
D’après la Cour des comptes, l’Education nationale a totalement raté la révolution de l’enseignement à distance, qui explose partout dans le monde. Le Centre national d’enseignement à distance a juste oublié de s’adapter à l’internet. Son pronostic vital semble engagé.

On peut y lire [10] :

On croit rêver quand on découvre sous la plume de la Cour des Comptes que le Cned, le Centre national d’enseignement à distance, plus gros opérateur français de télé-enseignement (e-learning en anglais) est “un établissement inadapté à la formation en ligne”. Un euphémisme de technocrate pour dire que le Cned a tout simplement oublié de s’adapter à l’ère internet apparue il y a plus de 15 ans. Ou – pour être plus juste – que le ministère de l’Education nationale a oublié de développer cet outil, qui s’était installé, de façon très symbolique, au sein du parc du Futuroscope à Poitiers, dévolu aux nouvelles technologies high-tech.

Le rapport de la Cour des comptes donne l’impression d’une véritable Bérézina : entre 2000 et 2010, le Cned a vu le nombre de ses inscrits dégringoler de 400.000 à 200.000, alors que, selon le constat du Cned lui-même “le marché de la formation à distance est en croissance générale.” C’est, en fait, un marché en pleine explosion. Aux USA on appelle ça la révolution des Mooc : massive online open courses, l’arrivée massive de cours en ligne, dont certains gratuits. Certains sites comme Coursera sont suivis par 2,5 millions d’internautes. Pendant ce temps la Cour des compte constate que “la question du maintien de l’existence du Cned sous sa forme actuelle est posée”.

Je disais donc être rassurée à moitié. L’autre moitié elle est en tabarnak de s’apercevoir qu’eux (les Français) se rendent au moins compte (politiquement) de leur retard. Ce qui est très, très loin d’être le cas ici…