- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Poursuite en harcèlement criminel pour une photo Instagram, je dis BRAVO

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Plusieurs médias font état ce matin de l’arrestation d’une jeune Montréalaise qui a diffusé la photo d ’un graffiti dépeignant le commandant Ian Lafrenière responsable des communications du Service de police de Montréal ( SPVM), avec une balle dans la tête. [2]

Dévoilement, j’ai moi-même été victime de menaces de mort [3] et de harcèlement criminel sur les médias sociaux [4] (les suspects ont plaidé coupables et ont eu leurs sentences) et j’ai été conférencière médias sociaux et force de l’ordre, pour une organisation policière qui préfère rester discrète [5]. Mon opinion sur le sujet est forcément biaisée par ces expériences.

Contrairement à une certaine plèbe qui se scandalise de cette arrestation et qui y voit un exemple de plus d’excès de la police, je trouve qu’au contraire, cette arrestation semble tout à fait justifiée. Si on remonte le fil des événements jusqu’à la première mise en ligne de la suspecte, Jennifer Pawluck (alias Anarcomie) sur Statigr.am [6], on remarque qu’elle avait affublé la photo de plusieurs mots-clics. Ces mots-clics visaient à attirer le plus d’attention possible sur la photo et ils contenaient aussi le fameux ACAB (All Cops Are Bastards). Ces autres photos sur son profil contiennent des photos de balles de révolver, de « A mort les flics », « une balle un flic » et tutti quanti. Disons que lorsqu’on regarde un peu plus profondément, il y a plusieurs éléments troublants. Mais l’élément le plus troublant, qui est celui qui a fait réagir la police, est l’image de leur chef communication avec une balle dans la tête. Disons que l’iconographie est passablement forte pour faire craindre monsieur Lafrenière. Ayant moi-même été victime de ce genre de trucs sur le web, je me souviens encore des nombreux mois d’angoisse que j’ai vécu et qu’à chaque fois que je voyais un néonazi, je me demandais s’il était l’un des 350 admirateurs de la page qui demandait ma mort. Ce qui est réellement inquiétant dans ce genre de chose est que l’on se demande toujours qui est le fêlé qui pourrait passer outre le soi-disant « graffiti » pour passer à l’acte.

De mettre en ligne, un contenu est un privilège. Mais chacun des contenus qu’on met en ligne, est toujours attaché à un ordinateur, un disque dur et un réseau et ultimement, à un usager. L’usager qui a des privilèges a aussi des responsabilités et ces responsabilités peuvent toujours être de nature civile ou criminelle. Ceux qui s’amusent à déblatérer présentement sur ce cas dans Facebook, Twitter ou ailleurs, en fonction de ce qu’ils disent, pourront un jour être tenus responsables de leur propos. Lorsque vous menacez quelqu’un sur la rue, il a le fardeau d’en faire la preuve. Si vous le faites sur le web, c’est vous même qui faites la preuve et qui vous incriminez…

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Conférencière médias sociaux et forces de l’ordre [5]

MAJ

Ce matin dans LaPresse, un article d’Yves Boisvert qui va dans le même sens que mon billet [9], mais avec d’autres arguments drôlement pertinents:

Ce qui m’intéresse ici n’est pas son manque de jugement, mais celui de ce qu’on appelle complaisamment la «communauté web».

Avant de tourner en ridicule cette arrestation, est-il venu à l’idée de Gabriel Nadeau-Dubois, par exemple, que d’avoir son portrait avec une balle dans le front n’est pas nécessairement une expérience sympathique? Qu’il n’y a pas vraiment matière à rigoler? Qu’on est bien au-delà de la critique légitime, voire féroce, des forces policières?

Ce portrait, criant de vérité, ne représente pas «un policier». Il représente très précisément M. Lafrenière. Il a eu l’immense tort, apparemment, d’être le porte-parole hypermédiatisé de la police de Montréal.

(…)

Au printemps dernier, des comiques distribuaient des tracts le représentant avec une tête de porc… et avec son adresse personnelle.

Sa famille a dû être protégée.

Drôle, non?

Dans le débat public comme sur les réseaux sociaux, il y a une ligne assez facilement identifiable à ne pas franchir: tout ce qui ressemble à une incitation à la violence.