- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

L’internet en région ou comment handicaper l’essor économique

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En théorie, la beauté d’être un travailleur d’internet, de l’économie du savoir, d’être programmeur, développeur ou entrepreneur techno est qu’on peut travailler de n’importe où sur la planète. En réalité il faut plutôt travailler à des endroits qui offrent les infrastructures permettant à cette économie de se développer. Ces infrastructures incluent au moins deux éléments primordiaux. Un approvisionnement en électricité et un en bande passante. L’électricité est abondante et à un prix raisonnable au Québec. Par contre, la bande passante, c’est une autre histoire. Même dans les grands centres que sont Montréal ou Québec, notre bande passante ne correspond même pas à ce que fournis déjà les autres villes canadiennes qui font partie de iCanada [2], c’est à dire une vitesse de 100 MBPS. Ici à Montréal, lorsque nous avons un gros 4.5MBPS on considère déjà être chanceux. Et que dire du Vermont qui se targue de fournir maintenant 1000 MBPS à la moitié du prix [3] du fameux Google Fiber [4] du Kansas soit 35 $ par mois? Aurait-on des croûtes à manger?

Et en région, c’est la dèche encore plus extrême.

Dans mon cas particulier, je devrais faire abattre des pins centenaires si je veux avoir l’internet par satellite de Xplornet à un prix compétitif, pour une bande passante médiocre. Sinon, la solution modem cellulaire de Bell coûte 105 $ par mois pour un gros 15 Go de téléchargement. Et je ne vous parle même pas de la bande passante qui est ri-di-cu-le. Il faut donc obligatoirement oublier AppleTV, Netflix et autres services requérant un tant soit peu de téléchargement.

Vous me direz, mais tu n’as qu’à resté dans un grand centre! Je répondrai, vous avez raison, j’aurai vraiment dû m’installer dans un champ « nowhere » au milieu du Vermont…

Quelques autres chiffres:

Dans LeDevoir [5]

Un doute? C’est l’OCDE qui le dit. En 2007, l’Organisation de coopération et de développement économique a mesuré en effet le prix pour accéder et utiliser à la bande passante dans une trentaine de pays, dont le Canada. Résultat: alors qu’un Megabit/seconde de bande passante, soit l’unité de base de mesure de la capacité de transfert d’un réseau, coûte 0,13 $ en moyenne à un Japonais, il faut près de 4 $ à un Canadien pour obtenir la même chose.

À titre comparatif, les Français (0,33 $), les Suédois (0,35$) ou les Américains (2,83 $) doivent débourser beaucoup moins pour avoir la chance d’échanger courriels, photos ou vidéos par Internet. Un clivage palpable cette semaine d’ailleurs alors que la compagnie Numéricâble en France proposait à ses clients une connexion par fibre optique contre 34 $ par mois. Au même moment, à Montréal, Vidéotron exposait sur son site une offre de branchement deux fois moins rapide pour les téléchargements et 100 fois moins rapide pour le téléversement en échange d’une facture de… 90 $, soit trois fois plus cher.

Sur Triplex Radio-Canada [6]

Par exemple, le plus gros forfait de Vidéotron offre 170 Go en aval (vitesse de 120 Mbit/s) et 30 Go en amont (vitesse jusqu’à 20 Mbit/s) pour 149,95 $ mensuellement. « L’utilisation de la bande passante au-delà des limites définies pour cet accès sera facturée à 1,50 $ par gigaoctet supplémentaire, et ce, sans limite mensuelle de facturation », peut-on lire sur le site. De côté de Bell, le plus gros forfait offre 100 Go de bande passante pour 54,95 $, vitesse de téléchargement jusqu’à 25 Mbit/s et vitesse de partage de contenu de 7 Mbit/s. « Pour seulement 5 $/mois, le forfait Utilisation assurée vous offre une utilisation Internet additionnelle de 40 Go. »
(…)
Un film haute définition de 1 h 30 utilise environ 3 Go de bande passante, en définition standard, c’est environ 1 Go l’heure, et il faut compter une moyenne de 5-6 Go pour le téléchargement d’un jeu sur Steam. Selon l’étude de Credit Suisse sur la situation canadienne, utiliser un service comme Netflix pour écouter 30 minutes de télévision par jour équivaut à environ 32 Go d’utilisation Internet mensuellement (pour ce seul service). Bref, si on se tourne vers des services en lecture continue, on peut se retrouver avec une facture salée.
« Les opérateurs font énormément d’argent sur le dépassement de la bande passante, explique Laurent Maisonnave, président du conseil d’administration du service Île sans fil. Ça leur coûte 0,01 $ le Go, alors imaginez les profits lorsqu’ils font payer des surplus de 1 $ à 5 $ le Go supplémentaire. Mais ce n’est pas la seule raison, continue-t-il. Les fournisseurs Internet sont devenus des fournisseurs de contenu. Ils ont maintenant leur propre service de vidéo sur demande et ne veulent pas de concurrence. »

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