- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Les fumeurs sont maintenant des chiens ou des criminels

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Lorsque les chiens veulent faire leurs besoins, ont les envoies dehors. Ils ne sont pas les bienvenus dans les bars, les restaurants, les endroits publics et certains parcs les interdisent même. C’est maintenant aussi le lot des fumeurs.

N’étant plus très jeune, je me souviens du temps où l’on fumait en avion, dans les hôpitaux, à l’école, dans les centres d’achats et autres endroits publics. J’avais même un prof de sociologie des relations industrielles à l’université Laval (Bernard Solasse pour ne pas le nommer) qui débutait chaque session par cet avertissement:
“ Vous avez le choix de suivre mon cours ou pas. Je vous informe que j’aime le cigare, que je le fume présentement et que je risqué fortement de le fumer tout au long de la session. Si vous n’aimez pas ça, vous avez encore le loisir de changer de cours”.

Je me souviens aussi des entrevues à la télé de feu René Lévesque qui fumait comme une cheminée. Je me souviens des plateaux de télévision qui avaient tous un cendrier. Puis, les fumeurs sont devenus des hors-la-loi, des parias qui empestent le reste de la planète. Avec raison on a commencé à les bannirs de certains endroits. Les cendriers sont disparus. Les affiches d’interdiction de fumer sont apparues. Les taxes sur le tabac montèrent dramatiquement (on a même payé le Stade olympique avec les taxes des fumeurs). Ce qui dans une certaine mesure est très bien. Mais là ça commence à aller un peu trop loin. Le gouvernement obligea les restaurateurs à construire, à grands frais, des zones fumeurs dans leurs établissements. Ce qu’ils firent. Puis à peine avaient-ils eu le temps d’amortir ces investissements qu’ils devaient maintenant interdire complètement l’accès à tous les fumeurs. Les fumeurs étaient maintenant sur le trottoir avec les chiens. Puis des non-fumeurs trouvaient que les entrées d’édifice étaient maintenant trop enfumées. Alors on interdit les fumets à neuf mètres des entrées d’édifices hospitaliers et des écoles. Les écoliers fumeurs fumaient désormais sur les terrains privés des voisins des écoles. Les voisins n’étaient pas contents.

Il y a deux semaines, une soi-disant étude rapportait que la fumée secondaire sur les terrasses était maintenant pire que de vivre dans une ville assaillie par la fumée d’un feu de forêt. Étrangement cette semaine, une commission parlementaire se penche justement sur cette question. (dans LeSoleil [2])

Les groupes anti-tabac veulent de nouvelles armes. Le CQTS et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) souhaitent qu’on ne puisse plus fumer sur les terrasses de bars et de restaurants, ni dans les voitures où se trouvent des enfants de 16 ans et moins. Cette dernière mesure existe déjà dans les autres provinces canadiennes.
La fumée secondaire est nocive, rappelle le CQTS. Il y a trois semaines, le chercheur Paul Kennedy de l’Université Johns Hopkins de Baltimore a mesuré le niveau de particules fines sur des terrasses montréalaises. Le niveau (332 ug/m3) était sept fois supérieur à celui de la «pire journée de smog» à Los Angeles (70 ug/m3).

Confession d’une fumeuse

Oui j’ai été bombardée durant toute mon enfance et mon adolescence de pubs des cigaretiers vantant les mérites de la cigarette (avec l’assentiment du gouvernement et de la société). Oui j’aimerais bien arrêter de fumer. Oui la culpabilité de fumer fait en sorte que les fumeurs n’osent pas se regrouper et faire contrepoids aux puissants lobbys des Ayatollahs anti-tabac. Oui nous sommes maintenant dans une société dans laquelle on tente de régir « la sécurité » à outrance. Les vendeurs de casques de protection font des affaires d’or. Un casque pour le vélo, pour la moto, pour le ski, pour la planche à neige… (chez Sciencepresse [3])

Et ces deux questions sont liées : c’est parce que la recherche scientifique est incapable de prouver que le port du casque sauve plus de vies, qu’on n’a pas d’arguments éthiques solides pour rendre le casque obligatoire. C’est ce qu’écrit dans The Guardian l’expert en éthique médicale Carwyn Hooper :
Je concède que de faire du vélo « sans casque » peut entraîner des coûts sociaux plus élevés, parce qu’un certain nombre de ces cyclistes auront besoin de soins médicaux… Toutefois, les coûts totaux impliqués ici sont minuscules par rapport aux coûts générés par ceux qui fument, qui boivent avec excès, qui mangent mal ou qui ne font pas d’exercice régulièrement.
De fait, il semble étrange de légiférer pour interdire à des gens, engagés dans une saine activité physique, de prendre le risque relativement mineur de créer un coût relativement faible —et ce, tout en autorisant d’autres gens à s’engager dans des activités à très haut risque qui généreront d’énormes coûts sociaux. Le tout ressemble à une discrimination envers une minorité cycliste.

Ainsi, les fumeurs sont pour l’instant les parias qu’il faut contrôler. Les prochains parias seront sans doute les obèses.

Je suis triste de fumer, mais encore plus triste de me faire jeter à la rue et bientôt interdit d’exister. C’est cette même société qui a fait de moi une fumeuse qui maintenant veut faire de moi une criminelle de la cigarette. Trop, c’est comme pas assez…

Fuck les ayatollahs de la cigarette.

P.-S. Ma mère est décédée du cancer du poumon à 63 ans. À 55 ans elle a commencé à fumer. Mais durant 40 ans elle a été professeure et a respiré la poussière de craie des tableaux d’écoles. Était-ce réellement la fumée de cigarette ou la poussière de craie qui l’a tuée? Devrais-je poursuivre le Ministère de l’Éducation parce qu’ils ont tué prématurément ma chère maman? Dieu ait son âme…

MAJ

Suggestion de lecture additionnelle
du Time: SCIENCE Viewpoint: Antismoking Advocates Have Misused Science [4] et Why Outdoor Anti-Smoking Bans Have Some People Fuming [5]

LaPresse: La fumée secondaire : «une peur qui ne repose sur rien» [6]