- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Les femmes sont des putes et moi je suis le diable

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Lorsque j’étais enfant, j‘étais servant de messe. J’ai fait partie des « jeunesses du monde », mouvement chrétien valorisant le missionnariat. Puis, j’ai fait le Collège Militiare Royal de St-Jean. Dans nos cours de géopolitique, j’y eu un cours sur la décolonisation. J’y appris la grande différence entre le colonialisme britannique et celui français. Le colonialisme français était d’abord religieux tandis que le Britannique militaire. Si un colonisé acceptait Dieu, il devenait citoyen avec tous les privilèges tandis que pour les Britaniques, les officiers avaient des primes pour apprendre la langue des colonisés afin de faciliter les échanges commerciaux et ceux-ci ne pourraient JAMAIS devenir citoyens. C’est l’une des raisons qui explique pourquoi après la décolonisation africaine, les pays colonisés par la France parlent encore français tandis que ceux de l’Angleterre sont rapidement revenus à leurs coutumes et dialectes ancestraux.

Je viens d’un monde d’homme et d’une culture religieuse et machiste. J’étais au CMR avant que les femmes n’y soient acceptées et à l’époque, elles avaient le privilège d’y mettre les pieds à titre « d’escorte » lors des nombreux bals. On avait même la tradition « dog of the night » pour laquelle chaque élève officier qui avait une « blind date » mettait un 5 dollars dans un chapeau et les « séniors » qui avaient déjà une copine, faisait le tour de la salle pour identifier la plus moche d’entre toutes. L’élève officier qui était avec elle, s’il avait été un gentleman avec elle toute la soirée, remportait la cagnotte. Ce stratagème avait pour but d’inciter les élèves officiers à respecter les femmes et à s’occuper d’elles, même si elles n’étaient pas avantagées par la nature (sic).

Ma mère, à grand renfort de « pardon » à cause de la religion, hésita longtemps avant de divorcer de mon père qui avait des aventures avec de jeunes hommes. Puis un jour, elle en eut assez. Nous n’irions plus à l’église…

J’ai passé ma vie dans un monde d’homme. J’ai vu la chance extraordinaire que j’avais de faire partie du « sexe fort ». J’ai entendu et fait de nombreuses blagues sexistes tout au long de ma vie. Il m’arrive même d’en faire encore. On n’efface pas 45 ans de conditionnement avec un coup de baguette.

Sauf qu’aujourd’hui je suis une femme. Je suis même une sous-femme. Je suis cette nouvelle femme qui n’est pas comprise de la société et sur laquelle la très grande majorité des religions ont une vision extrêmement négative. J’apprends à vivre avec ça (merci à mes différents psy). N’empêche que chaque jour que dieu (choisissez ici le dieu que vous voulez) me donne, je suis victime de sexisme, de rejet ou pire encore, de mépris. Pratiquement toutes les couches de la société ont encore des préjugés envers les transsexuelles. Même ma propre famille m’exclut. Mais ces préjugés sont souvent insidieux, larvés et à peine perceptible. Par contre, lorsqu’il est question d’intégrisme religieux, de quelque religion que ce soit, ce mépris n’est plus caché. Il devient « ostentatoirement » ouvert. Il me saute dans la face. Je peux bien me faire des tours de passe-passe dans ma tête pour me dire que ce n’est pas ça, mais lorsque je passe à côté de certaines minorités et qu’ils crachent à terre à mon passage, qu’ils se font le signe de croix, qu’ils me pointent du doigt, qu’ils me dévisagent avec une ardeur peu commune ou qu’ils m’invectivent, le message est clair.

Lorsqu’on enseigne que la femme doit être soumise à l’homme, lorsque dans une culture la vie d’une femme vaut la moitié de celle d’un homme, ma vie à moi ne vaut plus rien. S’il est culturel que la femme marche derrière l’homme ou pire, qu’il faille la cacher, imaginez la distance réelle et imaginaire que je devrais observer pour pouvoir exister?

Le combat des femmes contre l’intégrisme, quel qu’il soit est mon combat. La place qu’aura la femme dans la société québécoise et dans les microsociétés qui la compose sera toujours plus prépondérante que la mienne. C’est donc pour moi une question de survie que de me battre contre le rejet systémique ou culturel de la femme…

Je suis donc féministe et prolaïcité par conviction profonde puisque le contraire ferait de moi le diable. Ce que je suis déjà aux yeux de trop de mes voisins…

Cet article est repris intégralement dans le HuffingtonPost Québec [2]