Paul Desmarais : Savoir mêler ses convictions profondes à la vie politique et sociale

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C’est en lisant divers articles sur la mort de Paul Desmarais que ça me frappe. La réalité des expériences personnelles, positive ou négative, formera profondément les choix sociaux, politiques et notre vision de la société. Ainsi, M. Desmarais qui était Franco-Ontarien de naissance et québécois de choix a été forgé à même ses succès et ses revers, comme nous le sommes tous. On lui a reproché d’être fédéraliste et de faire des politiciens ses propres marionnettes à qui il aurait dicté ses volontés. Je suis convaincue que la réalité est tout autre.

Je crois qu’il était un homme de conviction. Je crois qu’il était un gentleman et je suis persuadée que comme chacun de nous le ferait s’il en a la chance, il faisait avancer ses idées auprès des décideurs politiques, dans la mesure de ses convictions profondes. Ainsi, dans LaPresse on peut lire :

En 1980, l’assemblée générale annuelle de Power Corporation a lieu à quelques jours du référendum du 20 mai. Devant un parterre d’hommes d’affaires, Paul Desmarais déclare qu’à la suite de l’élection du Parti québécois en 1976, il a encouragé les chefs d’entreprises de rester à Montréal mais enchaîne en affirmant que cette élection a été suivie d’une période d’instabilité économique imputable à la lenteur du gouvernement à déclencher le référendum.
Il exprime son attachement au Canada en ces termes : «Les quelques trente années que j’ai consacrées au monde des affaires m’ont démontré que les Canadiens-français ont la possibilité de participer pleinement à tous les aspects de la vie canadienne.»
En 1995, alors que les Québécois sont à nouveau appelés à se prononcer sur l’avenir de la province, le dirigeant de PCC prend de nouveau position. Le 3 octobre, il participe au dîner de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain où le président de Bombardier Laurent Beaudoin incite les chefs d’entreprises à voter NON. Appelé à clore la rencontre, M. Desmarais déclare : «Si nous sommes contre le projet séparatiste, nous avons le devoir, nous devons avoir le courage de dire et d’assumer les conséquences de nos prises de position.»

Dans l’Actualité

Extrait du portrait sur Sagard de Michel Vastel (1999):
Mais lorsque je m’étonne que Lucien Bouchard et son épouse aient été vus à deux reprises chez lui l’année dernière, surtout après tout ce que les deux hommes se sont dit pendant la campagne référendaire d’octobre 1995, Paul Desmarais éclate de rire: «Pourquoi vous étonner? Parce qu’il est séparatiste et que je suis fédéraliste? C’est le pays le plus civilisé, ici!»
Sa motivation en affaires n’était pas sans lien avec sa passion politique. Dans une rare entrevue accordée au journaliste Peter Newman dans les années 1970, voici ce que Paul Desmarais disait:
«Je sens, en tant que Québécois impliqué dans l’économie du pays, que j’ai une responsabilité de réussir. La réussite d’un Canadien français détruirait l’argument séparatiste que réussir au sein du Canada est impossible», a-t-il dit.
À sa mort, Brian Mulroney a fait ressortir ce moteur fédéraliste qui animait Desmarais. Voici ce que l’ancien premier ministre a dit au Globe and Mail:
«Il était un modèle pour beaucoup de jeunes Canadiens français parce qu’il a toujours dit « si je peux le faire, vous pouvez le faire, et à l’intérieur d’un Canada uni», a soutenu M. Mulroney.

Voici ce que l’ancien sénateur et ex-greffier du Conseil privé (plus haut fonctionnaire à Ottawa) pendant les années Trudeau, Michael Pittfield, avait à dire sur Paul Desmarais (Pittfield a ensuite été employé chez Power Corporation, en 1984):
«La chose la plus facile à laquelle on pense, c’est qu’il avait les politiciens dans sa petite poche, comme s’il était un « master » qui agitait des marionnettes. Mais ce n’est pas le cas. […] Il est un joueur. Il ne se désengage jamais. Il a amassé une énorme fortune avant l’âge de 35 ans et depuis, il a toujours été actif dans la gouvernance de ce pays. La plupart des gens assument qu’il s’intéresse à la politique pour aider sa fortune personnelle, qu’il tente de contrôler les gens et les événements pour lui-même. Mais en réalité, il est un acteur qui utilise son pouvoir afin d’encourager des politiques qu’il juge désirables sur le fond, pour le bien du pays. La distinction est importante.»

Une confidence

Le 23 décembre de l’an dernier, j’ai reçu chez moi un ministre actuel, avec son attaché politique. Nous avons pris un scotch et fumé quelques cigarettes. Je voulais discuter avec lui de l’importance de développer un plan numérique pour le Québec. Il était enthousiaste et est sorti de chez moi avec la conviction qu’il fallait absolument aller dans la direction que je lui proposais. Quelques semaines plus tard, la baloune était dégonflée. Le projet d’un plan numérique pour le Québec serait remis aux calendes grecques.

Bien avant cette rencontre de décembre dernier, j’avais aussi été invitée par d’autres ministres, d’autres partis, pour discuter de numérique. J’y suis toujours allée avec plaisir et gratuitement. Je suis convaincue que le numérique peut et doit aider à notre prospérité collective.

J’ai déjà écrit dans ce blogue à propos de certains sujets de l’économie numérique. Mes billets ont été retwittés par des chefs de partis et des ministres dans l’heure qui a suivi.

Par ailleurs, j’ai toujours fait très attention de ne pas être identifiée à aucun parti politique. J’ai cependant ouvertement partagé mon aversion pour Stephen Harper et plus récemment j’ai partagé ouvertement sur mes diverses plates-formes, ma position pro-charte des valeurs québécoise.

Lors de la dernière campagne électorale provinciale, je peux aussi m’enorgueillir d’être l’une des rares Québécoises à avoir eu l’opportunité d’interviewer personnellement chacun des chefs de partis et d’avoir passé quelques instants avec eux. D’ailleurs, une portion de chacune de ces entrevues est toujours en ligne sur mon blogue.

La morale de cette histoire est que oui j’ai de l’influence. Oui si j’exprime un point de vue j’ai de l’écoute et de l’impact. Non je ne suis pas riche, loin de là d’ailleurs. Par contre, j’ai développé de bonnes relations avec plusieurs de ces politiciens. Dans un récent documentaire sur Madame la première ministre Marois, on la voit me tendre la main et m’interpeller par mon prénom et la grande majorité de la classe politique, sait très bien qui je suis. Ils auront toujours cependant le loisir d’agir à leur guise et de suivre ou non mes idées, recommandations et conseils.

Je ne veux en aucun cas me comparer à l’exceptionnelle réussite d’affaires ou d’influence qu’a pu avoir Paul Desmarais, mais je suis convaincu qu’il ne s’empêchait pas de dire ce qu’il croyait à chaque politicien qu’il pouvait rencontrer, même ceux qui étaient des nationalistes, mais que ces hommes et ces femmes politiques avaient aussi leurs propres agendas, vision et problèmes à régler ou à faire avancer.

Bien que ma vision diffère grandement de celle de Monsieur Desmarais sur de nombreux points, je le remercie chaudement de m’avoir inspirée et d’avoir inspiré une très grande majorité de gens d’affaires du Québec et d’ailleurs dans le monde. Je le remercie aussi d’avoir eu des convictions profondes et de les avoir partagés avec ceux qui prennent les décisions politiques et sociales, pour l’avancement de ce qu’il croyait intimement être le bien de la société.

Encore trop peu de gens osent réellement « utiliser leur pouvoir afin d’encourager des politiques qu’il juge désirables sur le fond, pour le bien du pays ».

Oui vos convictions pourront vous faire perdre des amis, le respect ou des clients, mais ils pourraient possiblement aussi vous en faire gagner. Mais à la fin de votre vie, lorsque vous partirez, ce sera la tête haute avec le sentiment d’être vrai et d’avoir tenté d’améliorer le sort de vos compatriotes.

Chapeau monsieur Desmarais…

Mes condoléances à sa famille.

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Commentaires

  1. Pierre Longpre

    Chapeau Michelle

    Et pour le plan numérique, tu n’as pas besoin du gouvernement !

    À l’image de Paul Desmarais, rassemble tes amis et collabos, ces experts qui t’appuient, et fais-le. Toi et tes experts pouvez réaliser l’impossible perçu par le Gouvernement du Québec: un plan numérique.

    Il sera toujours temps de le revendre, un jour ou l’autre, aux québécois représentés par l’Assemblée Nationale de Députés, dirigée par l’un ou l’autre des partis qui sera au “pouvoir” à moment-là.

    Et si je peux contribuer avec mon expertise, juste à me faire signe.

  2. Jean-François Gauthier

    Salut Michèle,

    Très bon texte encore une fois qui parle vrai comme tu sais si bien le faire. J’endosse parfaitement ton point de vue sur l’importance d’être en confiance avec ses propres convictions envers et souvent contre tous.

    Je suis comme toi plus déterminé que jamais à l’égard du potentiel que représente une éventuelle stratégie numérique québécoise. A force de répéter les mêmes messages ils finiront bien par être compris. L’avenir de notre économie dépend de sa mise en réseau, et seul le numérique peut l’assurer.

    Nous avons besoin d’un plan pour plein de bonnes raisons…

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