Mon homélie contre l’homophobie

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Voici le texte que je lirai ce dimanche 18 mai 2014, en l’église Saint-Pierre-Apôtre à Montréal
MAJ

À ma grande tristesse et surprise, j”apprends ce matin que mon homélie, jugée trop délicate pour la pastorale de l’église, est retiré du programme de la messe aujourd’hui. = c’est ça qui est ça…

Je suis profondément touchée de venir vous faire une homélie aujourd’hui. On me demande de vous parler d’homophobie. Un sujet triste, lourd, que je vis comme un poids depuis ma transition d’homme à femme.

J’ai été servant de messe et jeunesse du monde, mouvement missionnariat pour les jeunes. Enfant, je voulais devenir prêtre. J’étais très attirée par la soutane disons. J’ai fait mes études avec les pères du St-Sacrement. Puis ma mère divorça de mon père qui était gai. Nous n’étions donc plus les bienvenus à l’église qui m’a vu grandir, où j’ai été servant de messe et où je fis ma première communion. J’adorais sonner les clochettes lors de l’eucharistie. Faut croire que ce réflexe de sonner les clochettes m’est restée 🙂

Je me souviens aussi de mon coach de baseball pee-wee, père de l’un de mes chums qui était joueur de notre équipe. Notre saison s’arrêta parce qu’il venait de se tirer à coup de 12 en surprenant sa femme au lit avec notre vicaire. Le vicaire de la même église qui ne voulait plus de notre famille. J’ai donc développé une relation disons, conflictuelle avec l’église.

Mais j’ai toujours été fascinée par la religion, ou devrais-je dire plutôt, la spiritualité. J’ai même entrepris des études en anthropologie et je m’intéressais aux phénomènes de transe de possession et de transe chamanistique. C’est vous dire un peu l’intérêt que j’ai toujours eu pour cette quête du mystique, de l’au-delà et de la spiritualité.

Puis les années ont passé et je ne revenais à l’église que sporadiquement, pour un enterrement, ou pour la messe de minuit. C’est le seul endroit ou je peux chanter et que personne n’ose me dire de me fermer la gueule parce que je fausse terriblement.

Mais pour revenir à l’homophobie, j’ai fait une recherche sur le web avec les mots-clés gai, et transsexuel avec les mots christianisme et bible et ce que j’y lis ne me remonte pas le moral. L’homophobie associée aux textes qu’on présente de ces recherches me saute au visage. Pourtant, à ce que je sache, Sainte Marie était la mère porteuse du St-Esprit. Le Christ lui-même avait 2 papas et trois parrains. Et c’est bien St-Paul qui rapportant les paroles du Christ disait : « Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus. Vous tous, en effet, qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme : car vous n’êtes tous qu’une personne dans le Christ Jésus »

D’ailleurs, je viens vous parler aujourd’hui à titre de lesbienne. Parce qu’à titre de transsexuelle, en plus de ne pas exister dans l’église, je n’existe pas non plus devant la charte des droits et libertés du Québec ou du Canada. Je n’existe pas non plus dans le droit criminel. Ce serait pourtant un peu pratique. Surtout qu’en trois ans, j’ai déposé 6 plaintes criminelles pour harcèlement ou menaces de mort, la dernière en date étant cette semaine. Disons que si je me fais tirer en sortant de l’église aujourd’hui, j’aurais bien aimé que le « suspect » (d’habitude lorsque je parle de mes agresseurs j’utilise des mots d’église) soit poursuivi pour crime haineux. Mais comme vous le savez sans doute, la loi C-279 dort toujours au Sénat. Le gouvernement est donc aussi comme l’église. Plein de bonnes intentions. Mais dans les faits, l’acceptation de la différence n’est peut-être pas pour demain.

J’aurais aimé pouvoir jaser avec mon curé et lui confier mes tourments d’être rejetée. Je parle plutôt à mon psy. Je travaille très très fort, comme me l’a enseigné le Christ, à tendre l’autre joue et à aimer mon prochain. Même celui qui me menace de mort. C’est une méchante quête morale. Je travaille aussi à me débarrasser de cette agressivité qui est le couvert de ma profonde tristesse dont je me protège. Comme St-François d’Assise, je trouve du réconfort auprès de ma chienne, d’un coucher de soleil, du chant d’un oiseau ou de la force tranquille d’un arbre. Si les représentants de Dieu ne sont pas là pour moi, au moins sa création elle, est d’une très grande source de réconfort.

Je n’ai pas peur de la mort. J’en suis curieuse. Je suis convaincue que de l’autre côté, les anges m’accueilleront les bras ouverts. Eux non plus ne sont ni hommes, ni femmes. C’est d’ailleurs pourquoi le nom des anges est unisexe. Et je me prénomme Michelle.

Je remercie chaleureusement l’église St-Pierre de s’ouvrir aux différents et aux mal-aimés et ainsi de réellement mettre en pratique la parole de dieu qui est reflété dans les écrits de St-Paul

Paul déclare dans Ga 5,14 : ” La loi tout entière trouve sa plénitude dans la parole suivante : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

P.-S.

J’ajouterai en terminant, que l’amour de ma vie que je nomme en public, Bibitte Électrique pour la protéger, a su m’aimer avant, pendant et après cette transformation qui a fait de moi cette femme qui est devant vous. Elle n’est pas croyante selon les préceptes de l’église. Par contre, si il existe un exemple de l’amour vrai, de l’abnégation et de l’ouverture à l’autre dans toutes ses imperfections que prêchait le Christ, c’est bien celui de cette femme qui est toujours à mes côtés et avec qui j’ai récemment fêter nos vingt ans de vie communes. Nous vivons sans doute dans le péché mais à la grâce de dieu, je prie pour continuer de vivre ce péché jusqu’à ma mort…

Merci

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Commentaires

  1. danielle talbot

    Je te dis bravo car ton texte et le senti qu’il contient exprime très bien ce que tu…et plein de gens vivent et je souhaite que certaines gens soient sensibilisés et je sais pertinemment que bien du monde se prétend ouvert mais que des mots.. c’est d’ailleurs un sujet que j,ai abordé aujourd’hui avec des connaissances pour me retrouver désolée de tant d’étroitesse d,esprit..alors continue de parler et de te protéger aussi car les menaces c,est inquiétant! Bisous! pense aussi à tout ce que tu as de beau,bon,soilde .. xx

  2. Gino Lavoie

    Je suis réellement touché par la profondeur et la véracité de vos propos. Votre vécu témoigne d’un courage hors du commun. Soyez assuré que je serai présent demain à St-Pierre-Apôtre afin d’écouter votre témoignage.

  3. Roland leroy

    Bof …. Hélas. Il ne faut rien attendre de l église. Catholique. Qui en majorité sont ferme … Pourtant des anti tout se pavane dans des robes … Difficile a comprendre. !!
    Ne vous en faite pas. Au lieu d aller perdre votre temps dans cette église. Asseyez vous devant. Votre lac un bon café. Admirer. Le paysage. Et vos outardes. …. C est sa dieu !!!! Pas autres choses
    Roland

  4. Diffuser la bonne parole! | Billets et Portraits

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  5. Stéphane Gilbert

    Vous m’avez touché votre souffrance, votre ,intéligence et votre courage Michelle l’homme qui était et la femme devenu se sont des gens comme vous qui m ‘ amène moi l’ hétéro être plus tolérant.

  6. marianne

    Michelle Des larmes innondes mes yeux, mon coeur pince et oui tu es un ange. Comme un Ange, tu vas vers les autres, tu les protègent avec tes ailes contres le vilain et la haine, tu tentes de changer les morales, les conditions, des pensées. J’ai envie de te protéger en te disant que l’Amour est simple, bon et humain. Tu le sais ton PS est exactement l’essentiel de ta quête. Ton courage, ta persévérence, ton choix de changer le monde ne vient pas sans éraflures, douleurs et danger de mort. Est-il nécessaire pour toi de te sacrifier et de souffrir? Pose toi la question, parle avec Bibitte et Psy, reste dans le bonheur. Si la vie est pour toi un éternel boulversement parce que tu veux changer le monde, fais-le. Mais si le poid des réactions sont telles qu’elles te minent la vie, stop. Ton bonheur est là, tu est comblée, tu n’as rien à prouver. Je te souhaite le bonheur total, et la vie de grand-mère telle que tu l’a désirée… Longue vie Michelle. Je m’appelle Marianne Marie mère de Jésus et Anne mère de Marie. XXX

  7. Gino Lavoie

    J’étais présent à St-Pierre-Apôtre ce matin et à ma grande surprise, j’ai constaté que vous n’étiez pas présente pour l’homélie. Par contre, la violence dont vous êtes victime a été clairement nommée et dénoncée. Après la célébration, j’ai eu un entretien avec le responsable de la pastorale sociale à St-Pierre-Apôtre afin de lui faire part de mon étonnement et de ma consternation. Je lui ai expliqué que j’avais lu votre texte en avant-première ici même la veille de la célébration. Je ne voyais pas ce qui pouvait être offensant pour l’Église et ses fidèles dont moi. Je lui ai expliqué que je n’étais pas d’accord avec la décision et ce, pour diverses raisons. J’ai su l’autre facette de l’histoire et je peux vous assurer que la décision n’a pas été facile à prendre par la paroisse. Je ne veux pas excuser ou justifier la décision qui a été prise puisque je ne suis pas d’accord avec celle-ci. Toutefois, je dois admettre qu’il y a une explication à cette décision bien qu’elle soit révoltante. À la sortie de la célébration, j’étais bouleversé et abasourdi bien que rationnellement je comprenais la décision qui avait été prise. Les gens qui étaient présents lors de la messe étaient solidaires avec vous et prêts à vous écouter voir même vous accueillir dans ce que vous vivez. Il en était de même pour moi. La violence dont vous êtes victime n’a pas passée sous silence elle a été entendue.

  8. Michelle Blanc

    Merci Gino

  9. Jo-Ann cyr

    ……………………merci de ce partage chere MIchelle …et les bras grand ouvert et un coeur plein d’amour que je vous serres sur celui-ci…..avec tendresse et admiration XXXXXXX bonne route MERCI du privilege de vous suivre <3

  10. Etienne LeSage

    Chère Madame Blanc,

    Je m’appelle Étienne LeSage et je suis le pasteur-suppléant stagiaire de l’Église Unie St-Jean, sur la rue Ste-Catherine E. à Montréal.

    On a porté à mon attention que vous avez été privée de l’opportunité de partager votre message dimanche dernier, un message que vous avez de toute évidence préparé avec beaucoup d’attention et d’amour à l’égard de ceux qui vous avaient invitée et ceux qui espéraient vous entendre. Sans en connaitre les raisons exactes, ni blâmer personne, je suis bien navré d’apprendre que vous avez été privée de cette occasion qui aurait fait du bien à beaucoup de monde, incluant vous-même.

    Ce matin là, j’étais moi-même en train de prêcher en soulignant la journée contre l’homophobie et la transphobie, un message d’amour, de non-jugement et d’inclusion. Même si ma paroisse se déclare officiellement inclusive depuis 8 ans, et que les habitués et les visiteurs apprécient la diversité confortable d’origine culturelle, de personnalités et d’identités et orientations sexuelles, entre autres, toutes les occasions sont bonnes pour rafraichir notre conscience de l’importance de cette inclusivité qui nous fait découvrir de nouveaux visages à l’image de Dieu, des visages comme le vôtre et le mien.

    Je salue votre choix d’avoir fait ce qu’il fallait pour vivre une vie qui fait honneur à la couleur particulière de l’Amour que Dieu a mis dans votre coeur, et de continuer à le faire aujourd’hui. Choisir l’authenticité, ce n’est pas toujours facile, mais ça vaut le coût quand ça nous rapproche du sentiment que nous sommes faits pour être aimés comme nous sommes. À la lumière de ce que vous écrivez, il semble bien que votre petite Bibitte Électrique a été placée sur votre chemin pour vous aider à partager cette vérité , et je vous souhaite du bonheur ensemble pour encore longtemps :o)

    Une petite note amicale au sujet de votre vie amoureuse et le péché (je ne peux pas m’en empêcher, je lis trop de chrétiens qui utilisent le péché sur internet pour propager les condamnations au lieu de l’Amour haha!) Bien-sûr, ce n’est pas elle qui vous conduit dans le péché. Peu importe le sexe des partenaires, ce n’est pas un péché que d’aimer et de partager une sexualité qui traite l’autre en reconnaissant toute son importance. Quand on utilise nos partenaires sans leur donner la même importance que soi-même, là, ça se corse. Ah le péché, un mot dynamite très chargé de toutes sortes de connotations variables selon les personnes, une réalité qui est distortionnée par toutes les interprétations. Ce péché, il est au coeur de tous les moments où nous ne réussissons pas à être aussi aimants que nous le devrions . Ce péché, nous le commettons tous à tous les jours. Mais ce qui est vraiment important dans la Bonne Nouvelle de Jésus que nous enseignons et que vous avez citée, c’est que malgré tous nos manquements, nous avons un Dieu qui choisit quand même de nous aimer sans conditions (même si en tant qu’humains, nous sommes loin d’être toujours très impressionnants hein…). Quand on accepte vraiment d’être aimé quand même, sans condition, par un Dieu qui a le dernier mot sur les nouveaux départs après la souffrance, on perd l’envie de juger les autres et soi-même, et on découvre que même dans leurs différences, les autres nous ressemblent. Ce qui nous rend unique n’est pas fait pour nous isoler des autres. Notre différence et l’inclusivité que nous encourageons est la preuve que c’est dans la souplesse de l’accueil que l’amour est rigoureusement divin!

    Je vous souhaite de belles découvertes dans votre quête spirituelle, je vous félicite de ne pas fermer la porte devant l’adversité. Ne perdez pas courage devant ceux qui ont peur de ce qui vous rend unique. Cherchez la présence de ceux qui le comprennent, qui peuvent vous aider à grandir et qui veulent que vous les aidiez à grandir aussi. Sachez que vous êtes aimée par plus Grand que nous tous, pour toujours. C’est même pas des farces, on est chanceux, d’avoir droit à un tel cadeau!

    À bientôt, fraternellement,
    Étienne LeSage
    Pasteur-suppléant stagiaire
    Église Unie St-Jean, Montréal.

  11. Aline Villemain

    Un grand bravo pour cette homélie qui, je trouve bien malheureux, n’a pus être entendue Une grande admiration pour le courage de t’assumer ouvertement, et pour tout ceux qui savent lire entre les lignes, j’espère qu’ils aurons mis le doigt sur la corde sensible de la grande souffrance et bonté qui transparait de ta personnalité. Que d’émotion tu m’a fait vivre ! Ma fille, qui est chanteuse d’opéra, et sa conjointe sont elles aussi confrontées à de nombreux préjugés, et pourtant la plupart de ces personnes devraient peut être se regarder avant devant un miroir, mais la soit disant société est ainsi faite ! mais il reste la sérénité et le point le plus important dans la vie de chacun, je pense que c’est la voie que tu as choisi, alors milles bravos ! Mais il est vraie qu’il serait grand temps que la société enlève finalement ces œillères et que l’on n’est plus à se battre pour ce qui est pourtant si simple.
    Merci pour ce partage.
    Aline

  12. Joëlle Gaudreault

    Mme Blanc, il y a maintenant un bon moment que je suis vos billets et que j’apprécie votre compétence dans un domaine qui touche aussi mon travail. Vous m’amenez à réfléchir et à ne pas baisser les bras quand je fais face à un des plus gros employeurs au Québec (le miens) qui a pour principal défaut d’être un bateau très lent à faire tourner… moi qui suis de la génération « Passe-Partout » (à cheval entre les « x » et les « y »… le meilleur des 2 mondes quoi!

    Mais voilà, je tombe sur ce billet et je fais… ah oui c’est vrai! Mais mon dieu! C’est une vieille histoire ça!

    J’ai complètement oublié ce détail au point de ne même plus faire le lien entre cette histoire et cette personne que j’apprécie pour ses compétences et pour sa personnalité. Mais quelle importance? Pour moi, c’est bête, mais c’est un détail… comme la couleur de la teinture dans mes cheveux! Moi, par contre, j’ai besoin de connaître votre vision sur les sujets qui m’intéressent. Sur ce qui m’inspire et qui me pousse à continuer à vous suivre.

    Je tiens à souligner que mon commentaire ne doit pas être mal interprété. Je n’ai absolument rien contre le billet que vous avez publié. Je suis de ces personnes naïves qui croient que ça n’est plus un enjeu en 2014 jusqu’à ce qu’elles lisent un article sur un voisin qui menace un autre d’enlever son drapeau de la fierté gaie sous peine de représailles physiques. Là, je me trouve naïve et stupide! Ça existe encore du monde de même? Je suis contente que nos enfants aient évolué à ce niveau et qu’un jour, c’est vrai que ça deviendra un détail. Tu es gai? Ah… pis? Tu es noir? Ah pis? Quelle importance? Tu partages mes valeurs et mes passions? Ah cool! Parlons-en!

    J’ai un ami qui a eu un accident et qui ne peut plus utiliser son bras droit. Je l’ai toujours connu comme ça. Un jour, je m’assois à son ordinateur et je lui dis : « Bon… un autre qui mets sa souris à gauche! » sur un ton blagueur… jusqu’à ce que je réalise ce que je venais de dire (c’est tout moi). Évidemment, je me suis confondue en excuses, mais mon ami m’a dit : « Tu sais, ça me fait super plaisir de voir que tu oublies mon bras. C’est dire que ça n’est pas que ça que les gens voient de moi. »

    Donc, mon commentaire va dans le même sens que celui de mon ami. Cette histoire que vous avez vécue et que vous semblez vivre encore fait de vous ce que vous êtes, mais moi, je ne vois qu’une chose : Michelle Blanc, ma référence en marketing internet. <- (point)

    Au plaisir de continuer à vous suivre!

  13. Michelle Blanc

    Votre commentaire me fait le plus grand bien. Merci Joëlle…