Aurons-nous un jour un plan numérique?

Aurons-nous un jour un plan numérique? C’est une question que plusieurs observateurs se posent depuis de très nombreuses années. D’ailleurs, en 2012, 12 de ces observateurs et moi-même avions publié un « rapport d’étonnement » qui devait sonner l’alarme. Mais à chaque fois qu’on s’approche de « la potentialité de possibilité que peut-être quelque chose bouge », je sens une fébrilité s’installer et malheureusement, je suis déçue. Au Québec et au Canada, nous avons eu de très nombreux « rapports » gouvernementaux. Le parti Libéral du Québec lui-même a commissionné l’ancien député et ministre Henri-François Gautrin pour en pondre deux (son dernier rapport de 2012). Malheureusement, chacun de ces rapports a été tabletté plus rapidement que Lucky Luke qui tirait pourtant plus vite que son ombre.

Pourquoi je vous parle de ça ce matin? Pour deux raisons (et peut-être trois). D’abord notre premier ministre Philippe Couillard, via un communiqué de presse (sic), pas via une méga-conférence de presse comme il l’avait fait pour le Plan nord, annonce enfin « la création d’un groupe conseil et le lancement des consultations sur l’économie numérique ». C’est déjà ça. Mais depuis tant d’années et depuis la promesse du premier ministre lui-même lors de son propre Forum des idées sur l’innovation et le numérique qu’il a tenue l’an dernier (et lors duquel je lui avais dit ma façon de penser). C’est encore peu. Le copain Mario Asselin l’a bien démontré dans sa chronique Oubliez la stratégie numérique. Quant à lui, le pote Sylvain Carle est juste un peu plus optimiste. Il en parle dans son billet : Du numérique au Québec, plan, programme ou principes?

La deuxième raison, qui vient du champ gauche et qui me donne juste un petit peu d’espoir, est l’élection récente de Justin Trudeau comme premier ministre du Canada. Il n’a pas parlé spécifiquement de numérique dans sa plate-forme électorale (à ce que je sache), mais il est lui-même très versé en médias sociaux et il est venue à mes oreilles qu’il aurait mandaté (avant l’élection) Mélanie Joly spécifiquement pour se pencher sur cette question. D’ailleurs, sur sa plate-forme électorale, il ne parle pas spécifiquement d’un « plan numérique » pour le Canada, mais il met en évidence l’ouverture des données du gouvernement de même que le concept de « parlement ouvert ». Que voulez-vous, je suis une rêveuse.

En complément à cette deuxième raison, Pierre-Karl Péladeau, Chef de l’opposition officielle du Québec, dans sa plate-forme électorale, avait spécifiquement développé une « stratégie numérique ». Il y propose entre autres un grand sommet du numérique, la création d’un Conseil national du numérique et d’un ministère de l’Économie numérique. À lire ça, là je m’extasie. Mais monsieur Péladeau sera encore dans l’opposition pour trois ans. C’est long trois ans.

La question n’est donc plus « aurons-nous un jour un plan numérique », mais plutôt qui, quand et quel élu nous dotera-t-il un jour d’un plan numérique (pour le Québec ou le Canada) digne de ce nom? Parce qu’à chaque jour qui passe, nous reculons dans ce changement que le premier ministre Couillard qualifiait lui-même de : véritable révolution du savoir, de la communication et de la technologie qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine. La venue de l’ère numérique a modifié en profondeur tous les aspects de notre existence.

Reste qu’entre-temps, il privilégie la stratégie sectorielle des petits pas. Faut croire que les mines ont encore beaucoup plus d’attraits pour lui 🙁

Je rappelle d’ailleurs que le numérique (qui est plus que strictement l’économie numérique ou que l’impact du numérique sur l’économie) génère plus de revenus que l’énergie, l’agriculture ou les mines qui ont toutes déjà des ministres et ministères tant au Québec, qu’au Canada.

Je rappelle aussi que comme je le mentionnais dans mon billet L’argumentaire économique du numérique :

La Banque mondiale quant à elle, rappelle qu’afin de déployer un gouvernement numérique, il est fortement conseillé de commencer par les infrastructures numériques. Governments should promote strategies that focus on ICT infrastructure development as a prerequisite to e-government ± an « I before E’’ strategy.

Or, il n’est aucunement question des infrastructures dans les discussions qui sont annoncés. De plus, comme le présente le réputé professeur et juriste Pierre Trudel dans l’article Le numérique métamorphose tout:

Les mutations induites par la numérisation concernent toutes les sphères de la société. Il faut certes saluer la volonté exprimée par le premier ministre de promouvoir le passage de la société québécoise vers l’économie numérique.
Mais alors que plusieurs gouvernements des États développés ont entrepris des réflexions approfondies sur les multiples enjeux associés au numérique, il est à se demander si l’initiative annoncée la semaine dernière est suffisante.
(…)

Il faudra sans doute beaucoup plus qu’un groupe d’experts – pour la plupart issus du seul milieu des affaires- pour proposer une vision transversale des mutations engendrées par le numérique et surtout des actions concrètes afin d’outiller l’ensemble des secteurs de la société québécoise à prendre sa place dans la société numérique qui est déjà à nos portes.

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Les partis fédéraux sont-ils réellement sur Pinterest, Vine, Livestream et SnapChat ?

La question mérite d’être posée puisque c’est l’affirmation qu’on peut lire dans l’article Une stratégie 2.0, Les partis politiques tentent de gagner les électeurs par les réseaux sociaux du Journal de Montréal, sous la plume de la journaliste Dominique La Haye.

Dans l’article on dit :

La guerre que se livrent les partis politiques pour récolter des votes se joue maintenant en format 2.0, et 2015 sera la première véritable campagne électorale fédérale sur les médias sociaux.
«On a parlé de 2005-2006 comme étant la campagne Facebook, ensuite on a parlé de 2008 comme étant la première campagne Twitter […] Mais là, en 2015, j’ai l’impression qu’on est vraiment en présence de l’approche multiplateforme, où tous les partis sont présents et y sont très engagés», indique le professeur de communication politique de l’Université Laval, Thierry Giasson.

«Les partis fédéraux ont eu quatre années pour se familiariser (avec les) médias sociaux. Là on va voir l’innovation», poursuit l’expert.

Aux largement répandus réseaux Facebook, Twitter et YouTube s’entremêlent des comptes Instagram, Pinterest, Flickr, Vine, Livestream et SnapChat dont s’arment les partis politiques. L’objectif recherché? Mettre en valeur l’image des chefs et leurs politiques à coups de clichés léchés, d’infographies et de montages vidéo tournés dans des décors ne laissant rien au hasard. C’est aussi sur ces plateformes que les stratèges politiques ne ratent pas une occasion de mitrailler du bout des doigts leurs adversaires. Le tout échappant au filtre journalistique présent dans les médias traditionnels.

Intéressant plaidoyer qui contredit carrément mon dernier billet L’évaluation des présences sociales des chefs et des partis politiques fédéraux. J’y disais que :

Sauf qu’ici, on s’entend que l’étendue et la complexité des présences web de nos chefs, sont d’une pauvreté effarante, comparativement à ce qui se fait ailleurs. Nos politiciens ne semblent toujours pas avoir compris la nature bidirectionnelle des médias sociaux et se servent de ceux-ci principalement comme canal de broadcast. Ils ont massivement investi Facebook et ils semblent croire que c’est le bouton à quatre trous qui leur fera gagner une élection. Ils ne sont sans doute pas au courant que l’algorithme de Facebook (le Edgerank) confortera leurs fans sur la justesse de leur choix, mais que les indécis ne verront pratiquement jamais leurs contenus.

Or, selon l’article, on serait effectivement dans une élection 2.0!!! Or on y dit aussi que les partis seraient aussi sur Pinterest, Flickr, Vine, Livestream et SnapChat? Alors ils y font peut-être de la pub, mais une présence officielle? Ça m’a réellement échappé et il semble que ça a aussi échappé aux webmestres des partis eux-mêmes. En effet, les Conservateurs parlent sur leur site de leurs présences Facebook et Twitter, les Libéraux parlent de leurs présences Facebook, Twitter, Instagram et Flickr tandis que le NPD parle de Facebook, Twitter, YouTube, Instagram et Flickr. Aucun des partis ne parle de Vine, Pinterest, Livestream ou Snapchat. Ils y sont peut-être, mais disons que j’aimerais bien en avoir la preuve. En outre, l’article dit « tous les partis sont présents et y sont très engagés ». Alors monsieur Giasson et moi n’avons sans doute pas la même définition « d’engagement ». Selon Definitions-marketing.com, l’engagement est :

La notion d’engagement sur les réseaux sociaux traduit la propension des consommateurs à interagir avec une marque sur les réseaux sociaux.

À contrario, l’engagement des partis sur les médias sociaux serait donc qu’ils interagissent avec les électeurs! Ce qui clairement n’est pas le cas avec tous les outils d’analyse que j’ai pu consulter.

Donc, monsieur Giasson a peut-être été mal cité, peut-être s’est-il inspiré de l’expérience américaine pour supposer que c’était ce qui se faisait ici aussi, peut-être parle-t-il à travers son chapeau ou peut-être est-ce moi (de même que les webmestres des partis eux-mêmes) qui ne sais pas que les partis ont des présences beaucoup plus innovantes qu’ils le mentionnent eux-mêmes…

J’ai donc pris mon bâton magique (Google pour ne pas le nommer de même que les engins de recherche de certains des outils eux-mêmes) et suis parti à la recherche de ces fabuleuses présentes innovantes des candidats ou des partis fédéraux.

En fouillant un peu, j’observe que Justin Trudeau
est sur Pinterest (avec zéro photo),
sur Vine (avec un seul pitch, mais dans les deux langues 🙂 On note ici sa signature),
sur Livestream Justin a fait 10 événements (le compte ne suit personne et a 480 abonnés) et sur le site du parti, ça mène à une page d’erreur 404,
• qu’il est par contre très présent sur Instagram
• et finalement il semble que les Libéraux soient sur Snapchat, mais tout comme moi, d’autres usagers n’y voient aucun contenu.

Que Thomas Mulcair
est sur Storify avec 4 statuts,
• que lorsqu’on cherche NPD sur Pinterest avec Google qu’on tombe sur Narcissistic Personality Disorder (sic) et avec NDP, on trouve bien quelques élus fédéraux, mais surtout des profils NDP provinciaux. Avec la requête Thomas Mulcair Pinterest, rien n’apparaît dans Google et si on fouille dans l’engin de recherche Pinterest lui-même, ce qu’on y trouve à propos de Thomas Mulcair n’est pas des plus élogieux et il y a bien un certain compte ThomasMulcair, mais avec zéro activité.
• Qu’il est présent sur Instagram et que lorsqu’on cherche NDP Instagram sur Google, on tombe sur NDP2015 (la parade annuelle de Singapour) (re-sic), puis sur un article expliquant pourquoi le commentaire homophobe de Deborah Drever sur instagram, lui a valu d’être expulsé du parti (re-re-sic),
qu’il est sur Vine et qu’on y dénote une certaine originalité,
qu’il est sur Livestream (avec 141 abonnés et 0 abonnement),
• et qu’il ne semble pas être sur Snapchat.

Que Stephen Harper
• Ne semble pas ni lui, ni son parti être sur Pinterest,
qu’il est sur Instagram avec zéro abonnement,
• qu’il est sur Flickr et je note ici qu’il fait le gros effort de suivre 61 abonnements et que son compte est très riche en poignées de mains officielles,
qu’il est sur Vine avec zéro publication
• et que je ne trouve rien de lui ou son parti sur Livestream ou Snapchat

En conclusion, j’admets humblement m’être peut-être « fourré » et que cette démonstration de la présence des chefs de partis sur les outils 2.0 est sans doute un gros pas dans la bonne direction (ils ont tout de même ouvert certains comptes) et que oui, pour les observateurs plus optimistes que je ne le puisse être, c’est la preuve irréfutable que nous sommes maintenant à l’ère des élections 2.0 (permettez que je m’étouffe et que je racle le fond de ma gorge très profondément)…

Les discussions de blogues avant et après les débats des chefs et les meilleurs politiciens médias sociaux

Dans ce deuxième billet à propos des discussions de blogues avant et après les débats des chefs (résultant de ma collaboration avec Nexalogy Environics), je vous invite à explorer les grandes thématiques qui ont été discutées par les blogueurs. Pour ce faire, vous devez idéalement avoir un navigateur Google Chrome ou la plus récente version de Firefox.

Les thèmes de blogues anglophones avant le débat des chefs

Les thèmes de blogues anglophones après le débat des chefs

Les thèmes de blogues francophones avant le débat des chefs

Les thèmes de blogues francophones aprés le débat des chefs

Le cas de Madame Paillé

Je vous fais aussi remarquer que cette analyse ne s’intéresse qu’aux blogues. Étant donné mes ressources limitées, je n’ai pas été en mesure de commander à Nexalogy Environics le même genre d’analyses pour la twitosphère. Je soupçonne que les résultats auraient été bien différents. Pour preuve, je vous rappelle que dans la blogosphère Gilles Duceppe n’a que très peu de place (comme il était mentionné dans les chiffres de mon billet Les thèmes de la blogosphère avant et après les débats des chefs), tandis que sur Twitter, selon le tableau de Politwitter.ca que l’on retrouve sur le site de Global, c’est lui qui (au moment d’écrire ces lignes) fait la tendance Twitter (pour les chefs), avec le Parti vert (pour les partis) comme le démontre les graphiques plus bas.

On a grandement prédit que cette élection serait une élection médias sociaux. On avait sans doute raison pour la portion citoyenne de l’équation. Pour la portion politique, c’est d’une tristesse et d’une vacuité qui n’est pas vraiment à l’honneur des élus et des partis. À ce chapitre, je vous informe que le politicien canadien ayant le meilleur score médias sociaux, selon Politwitter.ca (on parle ici d’éléments quantitatifs et non pas d’éléments qualitatifs) est Justin Trudeau et que le politicien canadien d’origine québécoise ayant le meilleur score blogue est Maxime Bernier.

Conclusion :

Si tout le monde est poche, ce n’est pas un exploit d’avoir l’air bon…