MERCI au PDG de Via Capitale
Cette semaine j’ai géré une crise média sociétale que j’ai moi-même créé (comme je gère des crises médias sociaux pour de très gros clients, je suis aussi capable d’en concevoir de toutes pièces pour faire valoir un point de vue que je juge important). En fait, il s’agit de la crise de la publicité disgracieuse de Via Capitale (qui est exposé dans mon précédent billet).
Le lendemain matin de la parution de la publicité et de ma sortie sur les médias sociaux, David Martin, le PDG de l’entreprise, me téléphone de New York où il était en congrès. Notre discussion a duré une trentaine de minutes et dès le début, il m’offre ses excuses et celle de son entreprise et m’informe qu’il a déjà donné les directives pour que cette publicité disparaisse. Sur un ton qui m’apparaissait très sincère et humain, il m’explique qu’après avoir lu mon billet et avoir reçu de nombreux commentaires de gens troublés par ces annonces, qu’il réalisait à quel point « l’esprit bon enfant » avec lequel il avait autorisé cette publicité, pouvait blesser et être perçu totalement différemment de ce qu’il avait lui-même escompté. Il comprenait tout à fait la problématique et réalisait la délicatesse du message sous-jacente que la publicité pouvait projeter.
J’ai accepté ses excuses sur le champs et l’ai félicité pour la célérité et la délicatesse de son action.
C’est aussi avec grand plaisir que plus tard dans la journée, j’ai appris le don de $3000 que faisait Via Capitale à l’organisme Aide aux transsexuel(les) du Québec.
Comme monsieur Martin me le dit lui-même lors de notre conversation, l’enfer est pavé de bonnes intentions et il arrive que l’on se trompe.
Merci de votre compréhension, monsieur Martin.
Aussi, parce que je sais que certaines personnes ne comprennent toujours pas pourquoi la défense des droits des trans peut encore être un enjeu en 2017, je reproduis ici l’excellent commentaire de Lou Morin, qu’elle fit sur la page Facebook de Judith Lussier
Un sondage Angus-Reid (2016) nous révèle que près de 80% de a population canadienne croyait que l’on a assez ou trop parlé des personnes trans dans les deux dernières années. Ah oui? Vraiment? Et si je vous demande que savez-vous de la réalité transgenre après ces deux années d’exposition, vous allez me répondre quoi? Probablement des clichés, car cette normalisation de cette population se fait au travers la lunette de producteurs blancs et cisgenres. Même l’émission « Je suis trans » que de nombreuses personnes transgenres voient comme positive reste controversée parce que les réalisateurs et producteurs, tous des blancs cisgenres, ont choisi de présenter une série de stéréotypes qui confortent leur vision de ce monde. La bonne nouvelle est que ça change. La créatrice de OITNB se soucie de demander à ses actrices qui jouent des minorités leur opinion sur la façon dont elle les représente. Les sœurs Wachowski (the Matrix) avec leur Sense 8, les créateurs de Transparent, Jen Richard qui a gagné un Emmy pour sa série web « Her Story », ce sont des exemples de personnes transgenres qui reprennent un peu le contrôle sur la diffusion de leur image, mais c’est encore marginal.
Le cliché de la personne trans comme responsable des drames familiaux vient renforcer des préjugés qui sont à la source de nombreuses souffrances. J’ai fait ma transition célibataire sans enfant, mais j’ai en tête de nombreux drames de femmes trans qui doivent se battre pour voir leurs enfants malgré un paquet de données qui démontre que la transition d’un parent n’influence pas négativement le développement de ses enfants et malgré le support de juges qui leur donnent raison. Les personnes se font dire qu’elles sont responsables de briser des vies, qu’elles auraient pu attendre avant de faire leur « trip » (comme si c’en était un). On encourage l’idée que les parents trans brisent des familles comme si c’était un caprice et vous ne pouvez savoir la transphobie et la culpabilisation que ces personnes intériorisent. La présidente d’un des premiers groupe d’aide et de soutien au Québec qui compte plus de 70 ans de vie ne compte plus le nombre de personnes trans surtout des parents qu’elle a enterré pour cause de suicide à cause de ces clichés. C’est dans ces circonstances que la « joke » de Via Capitale est mal digérée.
Vous en voulez d’autres clichés? La femme trans comme un film d’horreur. Voir ici Ace Ventura ou Hangover II ou la tonne de mèmes que l’on voit circuler sur le web de « oh mon Dieu, la fille a un pénis » comme si on découvrait que c’était un alien venu d’une autre planète. Cela combiné au fait que les producteurs choisissent tout le temps des hommes pour jouer des femmes transgenres (ou des hommes trans même si j’ai adoré Hillary Swank dans Boys dont cry). Des actrices trans aux États-Unis, il y en a, sinon choisissez des femmes comme Felicity Huffman dans TransAmerica. Parce que ça renforce le cliché que les femmes trans sont des hommes qui se déguisent en femme pour piéger les hommes. Résultat: près de 60% des personnes trans ont vécu de la violence et le scénario typique c’est le dude qui te trouve cute et là réalise que t’es trans. L’homme se sent alors attaqué dans sa masculinité parce qu’il pense dans sa tête que t’es un homme et il compense en devenant violent. C’est comme ça que les femmes trans surtout racisées se font assassiner. J’ai un témoignage d’une fille qui s’est fait embrasser de force pour ensuite se faire agresser quand le gars s’est fait dire par une autre personne qu’elle était trans. Chaque fois que je me fais aborder par un gars dans la rue un vendredi soir sur Crescent avec des « hey baby come here » j’accélère la cadence pour disparaître de son champs de vision avant qu’il ne découvre le son « erreur ». Parce que j’ai peur des conséquences bien réelles et trop communes
Mais je devrais avoir de l’autodérision face à ces « jokes »?
Et ce à chaque fois que l’on fait la joke du « hey la personne t’as ben eu, elle a un pénis »? Je devrais juste être contente que l’on parle des personnes trans à la télé quand ces représentations renforcent la violence que nous vivons? Sourire quand devant les « blackfaces » version trans? En passant, ça fait presque l’unanimité que Jared Leto était mauvais dans Dallas Buyer club, son interprétation était une série de clichés. Mais il a gagné un Oscar! Ça vous démontre bien le décalage entre les producteurs, les juges de l’Académie et la réalité que nous vivons. Ce sont ces clichés et ces caricatures que vous connaissez de la réalité, alors il est naturel que l’on réclame d’arrêter des propager si ce n’est pas accompagné d’une exposition plus « normale »!
Même chose pour l’image de la personne transgenre comme prostituée toxicomane (hey, pourquoi tu ris pas Lou en regardant cet acteur homme jouer un autre cliché de prostituée trans dans Sons of Anarchy, c’est drôle pourtant? Ben non, c’est pas drôle, parce que les femmes trans sont vues comme des objets de fantasmes sexuels continuellement toxicomane. Est-ce que ça existe cette réalité (des femmes ou même hommes trans qui se prostitue et se drogue? Oui, mais encore si on le représente il faut donner du contexte, expliquer pourquoi cette réalité existe).
Sinon vous avez des personnes trans qui travaillent dans tous les domaines: du DEP en plomberie au MBA en passant par la médecine et l’infirmerie. Elles sont où ces représentations nuancées et non caricaturales? Nulle part. Il est où l’homme trans infirmier dans une télé-réalité de Télé-Québec sur les employés de l’urgence? Elle est où la femme trans qui est une bonne avocate dans une fiction télé de droit? Alors oui on l’a de travers quand chaque fois que l’on montre notre réalité c’est via des clichés ou du blackface version trans.
Désolée cher égocentrique de mr Morissette, mais les « moustiques » n’ont pas fini d’exercer leur liberté d’expression, cette liberté n’appartient pas qu’aux humoristes blancs privilégiés.
Ps: vous voulez une série produite, réalisée et jouée par une personne transgenre, en voici un exemple:
https://www.youtube.com/watch?v=UkHicPm7C6Q
HER STORY S1, Episode 1
Her Story is a 6-episode new-media series that looks inside the dating lives of trans &….
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