- Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure. 18 ans d'expérience - https://www.michelleblanc.com -

Grandeurs et misères d’une Web star

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Dans une récente entrevue avec MC Gilles [2], il me demandait si je voulais « devenir une vedette » et je lui répondis que non. Ce n’a jamais été mon objectif. Il continua en me disant que j’avais été connue à cause des médias traditionnels. Je lui répondis que si les médias traditionnels se sont intéressés à moi, c’était à cause de mon blogue. D’autres m’ont dit que j’avais du succès parce que j’étais une trans, je leur réponds toujours du tac au tac, si tu crois que c’est la solution, vas-y, change de sexe. La réalité est que j’ai toujours été médiatisée, mais dans des médias spécialisés, comme Les Affaires, La Presse Affaire, InfoPresse, Canal Argent, Direction Informatique, Strategis et autres. Ce sont ces médias qui ont de l’importance pour mes affaires. Mais après mon coming-out, ça a fait la première page de La Presse [3], puis est venu Arcand [4], puis Tout le monde en parle [5], puis je suis devenue une vedette. Mais ce n’est pas monsieur et madame tout le monde qui emploient mes services. Ce sont les gens d’affaires. La médiatisation à outrance qui est venue par la suite n’a certes pas été négative pour mes affaires (excepté un épisode dont j’ai déjà parlé) [6], mais je continuerais certainement de très bien vivre sans ça. Cependant, cette médiatisation a peut-être réveillé le Ministère de la Santé afin qu’ils paient finalement pour les opérations de changement de sexe et a énormément aidé à démystifier la condition avec laquelle je vis.
Le côté noir de la médiatisation est que j’ai maintenant des « stalkers », que je suis une cible [7], que mes paroles sont maintenant scrutées à la loupe, que je fais des jaloux et que des gens en manque de gloires voudraient bien me déboulonner pour accaparer un peu de cette gloire [8]. Aussi, je me fais souvent arrêter dans la rue, au resto et dans mes occupations courantes pour me faire dire à quel point je suis « inspirante ». Cette forme gentille de « vampirisme » et les formes beaucoup moins avenantes de « menaces directes et indirectes » et de transphobies épuisent énormément. Pour ma conjointe il est même plus difficile de « s’adapter à ma célébrité » qu’à ma transition. J‘ai d’ailleurs vraiment hâte d’avoir les moyens de m’acheter un chalet pour aller me cacher dans le bois et refaire mes forces de temps à autre. Ça vient avec « le territoire » comme ils disent.

Hier et avant-hier j’étais en Abitibi [9]. J’y ai rencontré des gens vraiment gentils. En début de conférence je dis souvent que je suis contente que l’organisation qui m’a engagée aie la sagesse de reconnaître qu’au-delà de ma condition de transsexuelle, j’ai des compétences et qu’ils me paient pour venir les partager et que j’espère que les gens dans la salle aient eux aussi l’ouverture de donner une chance à d’autres personnes qui peuvent avoir des conditions particulières et qu’ils leurs permettent eux aussi de partager leurs compétences pour le plus grand bien de la communauté ». Ils m’ont donné une ovation et ça m’a grandement surprise et émue. J’étais sans mot. Mais j’ai aussi eu la chance de rencontrer Jean-Paul L’ Allier [10] et de jaser avec lui. Je lui ai demandé comment il faisait pour vivre avec le mépris que des imbéciles lui envoyaient régulièrement alors qu’il était maire de Québec. Il me parla de la « radio poubelle » de Québec, de André Arthur, des nombreuses fausses rumeurs vraiment méchante dont il a été victime et il me dit » ça blesse profondément et il n’y a rien à faire. C’est très difficile pour la famille et ça l’a été pour la mienne. La seule chose qui te reste c’est ta dignité. Ça personne ne peur te la prendre et essaie le plus possible de ne pas leur répondre. Ça ne fait qu’alimenter leur mépris. Ces gens ne sont pas à la recherche d’une discussion, d’arguments, de la vérité. Ils sont à la recherche de cote d’écoute, de gloire. Essaie le plus possible de t’isoler de ça. Ça, m’a fait un très grand bien. Je ne sais pas si je vais être capable de vivre avec ça. C’est très pénible de vivre de la méchanceté, de la transphobie, de la mesquinerie et des « cheap shots » mais tant que ma vie ne sera pas directement menacée je vais tenter comme me le suggère Monsieur Lallier, d’essayé d’ignorer. Entretemps j’ai vraiment hâte d’avoir mon chalet pour pouvoir de temps en temps regarder l’eau d’un lac, le feu de camp, humer la forêt et oublier la connerie qui des fois s’impose à moi…