De l’urgence d’un plan pour bénéficier positivement de l’économie numérique

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Les gagnants et les perdants de l’économie numérique

L’auteur Rick Whiting fit récemment une lumineuse présentation d’une allocution donnée par Erik Brynjolfsson, professeur du MIT et directeur du MIT Center for Digital Business, dans sa présentation Winners And Losers In The Digital Economy. Certains seront très certainement rapides à le traiter de « pelleteur de nuage »! C’est qu’il parle d’économie numérique au Comdex Virtual. Ce n’est sans doute pas sérieux…

Mais moi je le trouve particulièrement éclairant et en plein dans la ligne d’une « sonnette d’alarme » que douze autres passionnés et moi-même avons actionnés dans notre Rapport d’étonnement à l’automne 2012 .

Les gagnants, et les perdants de l’économie numérique (en parlant des États-Unis)

Tel que cité par monsieur Whiting

« GDP is at an all-time high, profits are at an all-time high, investment is at an all-time high. That’s all good news.
(…)
« The labor participation rate, the share of workers that are in the workforce out of the total population, has fallen off a cliff. »

Puis le professeur Brynjolfsson poursuit en disant que des millions de personnes ont perdu leurs emplois parce que les entreprises et les compétences n’ont pas suivi l’évolution trop rapide des technologies numériques (je rappelle ici que l’Estonie vient d’instaurer les cours de codage informatique dès le primaire). Puis après avoir parlé des iniquités de la répartition de la richesse, engendrées par les profits des technologies, il poursuit en différenciant ceux qui ont des « skills » et ceux qui n’en ont pas.

There’s been a divergence, which economists call a ‘skill-biased technical change,’ » he said. The result: People with limited skills have difficulty finding employment while businesses have trouble filling jobs — such as in high-tech manufacturing — that require higher skill levels.

Il poursuit en identifiant les superstars de la nouvelle économie comme Lady Gaga qui utilise les médias sociaux pour rejoindre ses millions d’admirateurs (et monnayer cette exposition) ou Scott Cook qui après avoir inventé Turbotax, fit perdre des milliers d’emplois chez H&R Block.

Mais c’est justement sa conclusion que je trouve si lumineuse (sans doute parce que je partage tellement ce point de vue que j’ai donné bénévolement de mon temps pour travailler sur le rapport d’étonnement des 13 étonnés ), la voici donc.

« The truth is, technology has always been destroying jobs, technology has always been creating jobs, » Brynjolfsson said. But with advances in technology coming faster than ever, that equation is out of balance.
« We’re going to see this trend accelerate in the next 10 years, » he said of machines taking over tasks that have been exclusively the province of humans. « The consequences of this are very profound.
« Addressing this paradox is the grand challenge for our generation. »

Le grand défi de notre génération est de confronter ce paradoxe! Cette citation vient d’un prof. de MIT et citoyen américain, l’une des nations les plus en avance avec le numérique. Et nous ici, on ne se penche même pas encore sur ça. Le numérique ce ne sont que des outils… Au mieux, une connection à 4,5MBPS si vous êtes du bon côté de l’un de nos réseaux…
C’est justement cette réflexion sur la confrontation de ce paradoxe que proposait notre rapport d’étonnement.

Je deviens impatiente et à l’étape prochaine, je serai sans doute en tabarnak, plutôt qu’étonnée…

Mais je comprends que des fois l’aveuglement, le déni et l’obscurantisme c’est profond. Je sais de quoi je parle, j’ai nié mon sexe durant 45 ans…

Mais vous n’êtes peut-être pas encore convaincu de l’urgence des enjeux? Lisez donc ce paragraphe

Technology Change Accelerates In The Next 10 Years
Brynjolfsson cited two cases to illustrate how quickly technology is advancing. One is Google’s self-driving car technology, which the MIT professor recently experienced in a drive down Highway 101 in the San Francisco Bay Area. The other is IBM’s Watson computer (pictured) that defeated longtime Jeopardy champion Ken Jennings in a famous man vs. machine competition.

The Google technology could make obsolete thousands of jobs, from cab drivers to long-haul truckers. And Brynjolfsson said the Watson technology is being applied to call centers, financial processing tasks and even medical diagnostics — jobs that once only people could do.

Pourquoi est-il important de se questionner sur l’économie numérique?

Marie-Claude Ducas dans son billet La campagne 2012 et le mirage de « l’élection 2.0 » Disait:

Questionner les politiciens sur « ce qu’ils comptent faire avec l’économie numérique », comme l’a fait la consultante et blogueuse bien connue Michelle Blanc (d’abord avec le chef libéral Jean Charest, ensuite celui de la CAQ François Legault, puis avec Jean-Martin Aussant d’Option Nationale ) je veux bien. Et c’est sûr que, comme plusieurs le soulignent, comme l’a fait, dans ce billet, le spécialiste René Barsalo , il faut s’intéresser à autre chose qu’aux routes et aux ressources naturelles quand on parle de développement économique. Mais… pourquoi serait-ce tellement plus pertinent que si les patrons d’agence de pub allaient demander aux candidats « ce qu’ils comptent faire à propos de l’économie de la publicité »? Ou les comptables, s’enquérir de leur opinion « à propos de l’industrie des firmes de comptabilité et de consultation »? Pourtant, ce sont des enjeux économiques au moins aussi valables : il y a eu bien des fusions et des rachats, récemment, dans ces deux domaines; idem parmi les bureaux d’avocats, d’ailleurs.

Je lui répondis dans mon propre blogue

Se questionner sur l’économie numérique est plus pertinent que se questionner sur l’économie de la publicité ou de celle de la consultation strictement parce que le numérique touche toutes les sphères de l’activité humaine, que strictement pour la portion TI, ça représente 25 milliards de revenus pour le Québec (à l’heure actuelle et avec 40 000 emplois), que ça participe de l’économie du savoir et que comme pour l’électricité qui a permis un gain de productivité énorme pour toutes les industries, le numérique engendre les emplois et la « valeur économique » du XXIe siècle. Déjà en 1994 Nuela Beck parlait de la nouvelle économie et de comment la « valeur » avait transité des biens matériels aux biens immatériels. On a qu’à penser à la valeur de Facebook, d’Apple, d’Amazon et autres pour s’en convaincre. Malheureusement ce ne sont pas les banques qui capitalisent sur ces « valeurs intangibles » mais plutôt les fonds collectifs de placement. Ils sont ceux qui désormais (et depuis le tournant des années 2000) ont l’avoir collectif du capital…

La nouvelle économie de Nuela Beck (1994), Résumé

L’économie nord-américaine subit depuis nombre d’années une transformation radicale. Nuala Beck indique le sens de ces bouleversements et montre les chemins de l’avenir. Affirmant que les statistiques sous-estiment les forces motrices qui animent les industries nouvelles, l’auteure distingue trois cycles: celui des matières premières a dominé la révolution industrielle, celui de la production de masse a alimenté l’ère de la consommation et de l’automobile et la technologie domine le cycle actuel.

Dans La nouvelle économie, Nuala Beck présente le prochain cycle qui nous entraînera dans l’ère de l’intelligence artificielle, du génie génétique, de l’espace et des matières premières nouvelle génération.

M. Barsalo qui est aussi cité par madame Ducas dit avec raison dans un billet du Journal de Montréal, Notre avenir… numérique? :

La triste réalité est, qu’au tournant historique de notre civilisation vers le numérique, aucun des partis présents ne prends cette opportunité au sérieux. Les routes, les ressources naturelles et l’administration des services publics sont pour eux les seuls « vrai » enjeux. Pourtant, les deux sont inter-reliés. En termes d’infrastructures, l’accès au code via un réseau qui relie adéquatement l’ensemble du territoire, ses institutions, ses entreprises et ses citoyens est aussi important que l’eau courante et l’électricité dans la société qu’y émerge. En termes de réduction des coûts, l’utilisation du numérique en matière de planification, de suivi ou de réalisation permet d’assurer une meilleure gestion des ressources et des budgets tout en augmentant la qualité des biens et services.

En abordant de front la question de l’informatisation et de l’ingénierie en réseau des services publics, en partenariat avec le citoyen et l’entreprise privée, nous pourrions initier un chantier numérique dont le Québec entier sera le premier bénéficiaire. Mais avant de dépenser, il faut réviser le processus d’appels d’offres de projets informatiques. Tout comme celui de la construction, on y remarque depuis quelques années des dépassements de coûts vertigineux.

Le meilleur moyen d’assurer ce changement est de mettre de l’avant l’ouverture et la transparence, si chère à la génération des natifs du numérique qui n’attends que ce signal pour s’impliquer. Patenteux comme nous le sommes, avec la mise en place d’un tel chantier, nous pourrons non seulement améliorer notre société et réduire les coûts de l’État, augmenter le niveau de transparence et l’implication citoyenne, mais aussi créer au passage une avalanche de nouvelles entreprises technologiques, équipées pour affronter l’avenir plutôt que de creuser des trous. Dans toutes les régions, unis par le réseau, celles-ci profiteront du succès collectif et exporteront leur savoir faire au reste de la planète, tout en participant à notre croissance économique.

L’un des lecteurs de mon blogue me demanda en commentaire

Vos statistiques reliées à l’économie numérique parlent d’elles même… mais pouvez-vous mentionner vos sources, car des chiffres sans références peuvent perdre de leur crédibilité… malgré le fait qu’ils proviennent d’une plume aussi respectée que la vôtre?

Merci et continuez de vous faire entendre!

Il a raison, mais ça fait TELLEMENT de fois que je montre ces statistiques que je tiens pour acquises qu’elles sont connues et il semble que ce ne soit pas le cas. Donc ces statistiques sont colligées dans mon billet Le Tourisme vs Les TIC au Québec, met-on nos œufs dans le bon panier? . J’y citais Paul Journet dans son article Le tourisme québécois sévèrement critiqué qui disait aussi ceci :

L’industrie touristique représente 2,5% du PIB du Québec. L’année dernière, elle a rapporté des revenus de 10,4 milliards et fourni 134 600 emplois directs.

Or, je me suis amusé à comparer l’industrie du tourisme à celle des Technologies de l’information (qui n’est que l’une des nombreuses composantes de ce que l’on nomme le numérique) avec les chiffres que donnent Affaires étrangères et Commerce international Canada

Le secteur des TIC est un moteur de l’économie du Québec, puisqu’il génère des ventes de plus de 25 milliards de dollars. Ce secteur, qui compte quelque 5 000 entreprises dans la province, emploie approximativement 140 000 personnes. La production des TIC est en grande partie exportée (surtout vers les États-Unis) et représente 35 % de la production totale du Canada dans ce secteur.

Si je récapitule ces chiffres, l’industrie du tourisme génère 10,4 milliards et fournit 134 600 emplois et celle des TIC 25 milliards et 140 000 emplois

L’internet en région ou comment handicaper l’essor économique

En théorie, la beauté d’être un travailleur d’internet, de l’économie du savoir, d’être programmeur, développeur ou entrepreneur techno est qu’on peut travailler de n’importe où sur la planète. En réalité il faut plutôt travailler à des endroits qui offrent les infrastructures permettant à cette économie de se développer. Ces infrastructures incluent au moins deux éléments primordiaux. Un approvisionnement en électricité et un en bande passante. L’électricité est abondante et à un prix raisonnable au Québec. Par contre, la bande passante, c’est une autre histoire. Même dans les grands centres que sont Montréal ou Québec, notre bande passante ne correspond même pas à ce que fournis déjà les autres villes canadiennes qui font partie de iCanada , c’est à dire une vitesse de 100 MBPS. Ici à Montréal, lorsque nous avons un gros 4.5MBPS on considère déjà être chanceux. Et que dire du Vermont qui se targue de fournir maintenant 1000 MBPS à la moitié du prix du fameux Google Fiber du Kansas soit 35 $ par mois? Aurait-on des croûtes à manger?

Et en région, c’est la dèche encore plus extrême.

Dans mon cas particulier, je devrais faire abattre des pins centenaires si je veux avoir l’internet par satellite de Xplornet à un prix compétitif, pour une bande passante médiocre. Sinon, la solution modem cellulaire de Bell coûte 105 $ par mois pour un gros 15 Go de téléchargement. Et je ne vous parle même pas de la bande passante qui est ri-di-cu-le. Il faut donc obligatoirement oublier AppleTV, Netflix et autres services requérant un tant soit peu de téléchargement.

Vous me direz, mais tu n’as qu’à resté dans un grand centre! Je répondrai, vous avez raison, j’aurai vraiment dû m’installer dans un champ « nowhere » au milieu du Vermont…

Quelques autres chiffres:

Dans LeDevoir

Un doute? C’est l’OCDE qui le dit. En 2007, l’Organisation de coopération et de développement économique a mesuré en effet le prix pour accéder et utiliser à la bande passante dans une trentaine de pays, dont le Canada. Résultat: alors qu’un Megabit/seconde de bande passante, soit l’unité de base de mesure de la capacité de transfert d’un réseau, coûte 0,13 $ en moyenne à un Japonais, il faut près de 4 $ à un Canadien pour obtenir la même chose.

À titre comparatif, les Français (0,33 $), les Suédois (0,35$) ou les Américains (2,83 $) doivent débourser beaucoup moins pour avoir la chance d’échanger courriels, photos ou vidéos par Internet. Un clivage palpable cette semaine d’ailleurs alors que la compagnie Numéricâble en France proposait à ses clients une connexion par fibre optique contre 34 $ par mois. Au même moment, à Montréal, Vidéotron exposait sur son site une offre de branchement deux fois moins rapide pour les téléchargements et 100 fois moins rapide pour le téléversement en échange d’une facture de… 90 $, soit trois fois plus cher.

Sur Triplex Radio-Canada

Par exemple, le plus gros forfait de Vidéotron offre 170 Go en aval (vitesse de 120 Mbit/s) et 30 Go en amont (vitesse jusqu’à 20 Mbit/s) pour 149,95 $ mensuellement. « L’utilisation de la bande passante au-delà des limites définies pour cet accès sera facturée à 1,50 $ par gigaoctet supplémentaire, et ce, sans limite mensuelle de facturation », peut-on lire sur le site. De côté de Bell, le plus gros forfait offre 100 Go de bande passante pour 54,95 $, vitesse de téléchargement jusqu’à 25 Mbit/s et vitesse de partage de contenu de 7 Mbit/s. « Pour seulement 5 $/mois, le forfait Utilisation assurée vous offre une utilisation Internet additionnelle de 40 Go. »
(…)

Un film haute définition de 1 h 30 utilise environ 3 Go de bande passante, en définition standard, c’est environ 1 Go l’heure, et il faut compter une moyenne de 5-6 Go pour le téléchargement d’un jeu sur Steam. Selon l’étude de Credit Suisse sur la situation canadienne, utiliser un service comme Netflix pour écouter 30 minutes de télévision par jour équivaut à environ 32 Go d’utilisation Internet mensuellement (pour ce seul service). Bref, si on se tourne vers des services en lecture continue, on peut se retrouver avec une facture salée.

« Les opérateurs font énormément d’argent sur le dépassement de la bande passante, explique Laurent Maisonnave, président du conseil d’administration du service Île sans fil. Ça leur coûte 0,01 $ le Go, alors imaginez les profits lorsqu’ils font payer des surplus de 1 $ à 5 $ le Go supplémentaire. Mais ce n’est pas la seule raison, continue-t-il. Les fournisseurs Internet sont devenus des fournisseurs de contenu. Ils ont maintenant leur propre service de vidéo sur demande et ne veulent pas de concurrence. »

La corrélation entre l’électricité et le numérique pour le développement économique du Québec de demain

L’électricité n’est qu’un outil, ou plutôt une suite de technologies. L’électricité en soi ne fait pas grand-chose. Par contre, elle permet une activité économique incroyable. Elle fait littéralement tourner l’économie. Nous pourrions certainement faire un parallèle entre le numérique et l’électricité. Le développement du numérique fait d’ailleurs songer aux belles années du Duplessisme. Votez pur moi et vous aurez votre « haute vitesse ». Mais de quelle haute vitesse parle-t-on au juste?

D’ailleurs il est très instructif de lire ou relire la page de Wikipedia intitulé Histoire de l’électricité au Québec .

Les premiers tâtonnements de l’industrie sont marqués par une course au développement à Montréal, suivie d’une phase de consolidation nécessaire à des fins d’efficacité et de la création de monopolesrégionaux qui vont graduellement étendre leurs réseaux électriques dans les principaux centres du Québec. Le développement de ces entreprises s’effectue par l’expansion des réseaux ou, tout simplement, par l’acquisition d’une firme voisine et potentiellement concurrente. Les grandes perdantes de ce mode de développement se retrouvent toutefois dans les régions rurales ; certaines municipalités s’organisent de manière autonome, pendant que dans certaines régions, des résidents forment des coopératives de consommateurs. Les deux principales compagnies présentes sur le marché, la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power Company (SWP) s’imposeront comme les entreprises dominantes du secteur jusqu’aux années 1930, pendant qu’au Saguenay—Lac-Saint-Jean, l’Alcans’implante solidement et développe son potentiel hydraulique en fonction de la croissance de sa production d’aluminium.

La domination des grands monopoles régionaux, « le trust de l’électricité », sera cependant contestée dans l’opinion publique. Cette contestation donnera lieu à une enquête publique, l’implantation d’organismes de surveillance et mènera en 1944 à la nationalisation de la MLH&P et à la création d’une société publique, Hydro-Québec, avec l’adoption de la loi 17, créant la Commission hydroélectrique de Québec.

(…)Influencé par le New Deal du président américain Franklin D. Roosevelt17, le gouvernement Godbout dépose un projet de loi à l’automne 1943, afin de prendre le contrôle la MLH&P, qui exerce un monopole dans la grande région de Montréal.

La loi créant une entreprise commerciale de propriété publique, La Commission hydroélectrique de Québec, est adoptée par l’Assemblée législative le 14 avril 1944. Elle confie à la nouvelle société le mandat initial de « fournir de l’énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles et commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière ». Hydro-Québec avait aussi pour mission de réhabiliter un réseau vétuste et de développer l’électrification des régions rurales non desservies par les entreprises existantes.

Je vois d’étranges similitudes entre « La domination des grands monopoles régionaux » de l’électricité d’hier, et celle des fournisseurs internet et cellulaires d’aujourd’hui. Je vois une corrélation entre le « New deal » américain qui a poussé dans le cul des élus d’hier et le plan numérique de New York , de la France , le opengov d’Obama qui pourrait pousser dans le cul de nos politiciens d’aujourd’hui. Sauf que malheureusement, nos élus ne semblent pas encore comprendre l’urgence d’agir que leurs prédécesseurs eux, avaient compris avec l’électricité. L’électricité est l’un des « outils économiques » particulièrement importants lorsque vient le temps de discuter création d’emploi et emménagement de nouvelles entreprises manufacturières et de transformation. C’est un élément clé de la compétitivité industrielle. MERCI à Taschereau, Godbout, Lévesque et Bourassa d’avoir eu la vision de comprendre que l’électricité était plus qu’un « outil ». Ils ont compris que l’électricité pouvait être un projet de société, lui permettant qu’il devienne un outil de création de richesse et d’emploi majeur du Québec d’aujourd’hui.

Les études relatant l’impact sur l’économie industrielle de l’électricité sont abondantes. L’électricité et « l’énergie » en général sont des vecteurs évidents de l’économie industrielle et du confort de chacun. Tout le monde comprend ça aisément. Pourtant, le numérique est désormais cette électricité d’hier, mais pour l’économie du savoir. Cette nouvelle économie dans laquelle nous baignons depuis bientôt 20 ans. Malheureusement les études qui prouvent son impact sur l’économie, les mesures de cet impact, les ratios et autres indicateurs sont encore en développement. J’en parle d’ailleurs depuis plusieurs années déjà.

Nous étions très en avance au début des années 2000. Nous sommes très en retard aujourd’hui. Le mot clé « numérique » n’est plus à la mode. Le mot-clé qui est à la mode depuis dix ans est « innovation ». Question de mode sans doute. Malheureusement cette mode nuit au développement économique du Québec et nuira encore plus dans les années à venir si nous ne faisons rien. D’ailleurs le CEFRIO vient de mettre en ligne une étude intitulée Indice de l’innovation par les TIC . Étude très intéressante qui tente de rendre sexy, le numérique en l’affublant du mot-clé à la mode « innovation ». C’est à la fois triste et loufoque. Pas que les TIC ne soient pas responsable de la croissance de l’innovation, depuis des années déjà les TIC le sont. Mais il est triste que nous devions enrober le numérique du drap de l’innovation pour réveiller notre classe politique qui se gargarise justement de mots-clés sans pour autant réellement comprendre les enjeux.

Les conclusions de cette étude nous révèlent

Cette enquête trace un lien intéressant entre tiC et innovation. Plus une entreprise ou une organisation utilise de manière intensive les tiC, plus elle affiche une intensité d’innovation élevée. Ce constat s’applique aux innovations de produit, de procédé, de commercialisation ou organisationnelle. En fait, les résultats montrent qu’il est difficile de séparer ces innovations dans la pratique. Les organisations innovantes introduisent souvent plusieurs types d’innovations en même temps.

Le fait que l’on parle d’intensité d’utilisation des tiC et non de simple possession implique que l’investissement ne doit pas seulement être technologique, mais aussi organisationnel. il faut être organisé pour utiliser les tiC mises en place dans les organisations. les autres facteurs qui influencent de manière positive l’intensité d’innovation sont les modifications significatives à l’organisation, l’acquisition de nouvelles expertises, la présence d’équipes multidisciplinaires et la culture d’expérimentation. toutes ces dispositions vont permettre à l’organisation de maximiser l’intensité de l’innovation.
(…)

on reconnaît l’importance pour les entreprises et organisations publiques canadiennes d’accroître leur performance en matière d’innovation, afin qu’elles améliorent leur compétitivité et, de ce fait, la productivité de l’économie canadienne. les politiques mises en place doivent reconnaître le rôle des tiC, mais également tenir compte du contexte dans lequel elles s’insèrent. les politiques doivent en même temps favoriser les éléments complémentaires aux tiC.

Pour les gestionnaires, les résultats soulignent l’importance de voir les investissements en tiC de manière large. Ce ne sont pas simplement des outils à mettre en place. les tiC sont des leviers pour faire les choses différemment, et doivent être accompagnées de décisions parfois difficiles ou risquées sur les modes de fonctionnement de l’organisation.

Mais même les études et les analyses les plus savantes ne serviront à rien s’il n’y a pas de Taschereau, Godbout, Lévesque ou Bourassa pour porter le flambeau de la vision sociétale de l’économie de demain. Je me demande encore qui sera le porteur du flambeau de la richesse économique collective de nos enfants?

L’argumentaire économique du numérique

Après Nuela Beck sonnait les cloches des économistes et gestionnaires de portefeuilles avec son livre La nouvelle économie en 1994. En 2007, C’est le Dr. Robert D. Atkinson qui de The information technology and innovation foundation démontra dans son Digital prosperity, Understanding the Economic Benefits of the Information Technology Revolution , comment les TI sont devenu le fer de lance de la croissance économique et conclu

« In short, while the emerging digital economy has produced enormous benefits, the best is yet to come. » D’ailleurs l’une de ses recommandations est de placer le numérique au centre même, des politiques économiques gouvernementales.«Give the Digital Economy Its Due: Economic policymakers need to view IT issues not just as narrow IT policy, but as the centerpiece of economic policy. This means putting issues of digital transformation at the front and center of economic policy. »

À cet effet, Ed Felten, le premier CTO de la Federal Trade Commission américaine mentionnait dans un article recent

It would obviously be foolish for senior government officials to make economic policy without seeking input from trained economists. Perhaps someday, it will be seen as equally foolish to make technology policy without a computer scientist in the room.

La Banque mondiale quant à elle, rappelle qu’afin de déployer un gouvernement numérique, il est fortement conseillé de commencer par les infrastructures numériques .

Governments should promote strategies that focus on ICT infrastructure development as a prerequisite to e-government ± an « I before E’’ strategy.

Depuis des années déjà, l’OCDE analyse et finance la recherche de mesures économiques qui permettraient d’isoler l’apport du numérique à l’économie en général. ¨Pourtant, cette organisation conservatrice et neutre a déjà avancé dans son rapport THE IMPACT OF THE INTERNET IN OECD COUNTRIES que

“Existing empirical studies, including ongoing OECD work, suggest a positive link between increasing Internet adoption and use and economic growth. Even though the aggregated effects are still preliminary, the relationship between Internet development and economic growth, as well as microeconomic evidence, suggest that governments should continue to pursue policies that help promote Internet connectivity and encourage the take-up of services”.

PWC en 2011 observait aussi la relation intrinsèque entre la croissance économique et la technologie numérique.

Economic growth and technology are inextricably linked. Current economic conditions are fostering investment in technology as emerging markets ramp up their demand for technology to fuel growth, and advanced markets seek new ways to cut costs and drive innovation. This becomes a virtuous circle as digital technologies drive consumer income and demand, education and training, and efficient use of capital and resources—leading to increased economic growth, particularly in emerging markets.

Cette croissance qui lie le numérique à l’économie a même été chiffrée cette année par Boston Consulting Group. BCG avance que d’ici 2016, strictement pour les pays du G20, l’économie numérique représenterait une croissance potentielle de $4,2 billions (je rappelle ici qu’un billion c’est mille milliards).

Je suis certes très enthousiaste à l’idée de croissance économique que pourrait apporter le projet du Plan Nord qui a déjà été présenté par le gouvernement libéral du Québec. Mais il me semble qu’il est grand temps et que nous sommes même très en retard, de planifier, préparer et profiter d’une parcelle de pointe de la tarte de $4,2 Billions de croissance de l’économie numérique dans laquelle, que nous en prenions collectivement conscience ou non, nous sommes déjà partie prenante. Sauf que si nous n’en prenons pas collectivement conscience et que nous ne faisons pas les efforts individuels et collectifs nécessaires pour y prendre part, cette croissance bénéficiera inévitablement à d’autres citoyens.

En conclusion, je suis donc définitivement pour un Plan Nerd, ou plus prosaïquement, pour un plan numérique pour le Québec…

NOTE

Ce texte a d’abord été rédigé pour le collectif « Le Québec à l’heure des choix : regard sur les grands enjeux ». Malheureusement, l’éditeur n’aime pas ma manière de citer mes sources. Il semble que pour cet éditeur, un hyperlien n’est pas dans sa norme et qu’un auteur, titre, éditeur, page, date, soit plus ce qu’il recherche. Ayant déjà été édité 4 fois, je comprends le besoin de l’éditeur, mais étant aussi blogueuse, je comprends ma démarche, qui faisait tout à fait l’affaire de mon éditeur actuel Libre Expression. N’ayant pas le temps de gratuitement faire le tour de chacun des articles cités ici pour répondre aux besoins spécifiques de cet éditeur, je me retire simplement de ce projet. Par contre, vous aurez la chance de prendre connaissance ici de mon texte, et ce gratuitement, ce qui allait aussi à l’encontre de la « philosophie de cette maison d’édition ». Alors c’est triste, mais bon, c’est ça qui est ça…

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Commentaires

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