La capitulation linguistique des Français sur le web

Ça me fait toujours rire et ça m’attriste à la fois, les discussions “pseudolinguistiques” des potes français pour justifier leur amour inconditionnel des expressions anglophones. Et c’est particulièrement vrai dans les secteurs du web et des hautes technologies. Vous en avez un bel exemple sur le “blog du modérateur” avec le billet FAUT-IL DIRE NUMÉRIQUE OU DIGITAL ? On peut y lire le délirant justificatif de masturbation intellectuelle qui donne le goût de dire un gros TABARNAK bien senti:

Le débat est récurrent, et il n’est pas un article employant le mot digital sans la réponse tant attendue « digital c’est avec les doigts, en France on dit numérique ». C’est d’ailleurs l’avis de l’Académie française pour qui « l’adjectif digital en français signifie « qui appartient aux doigts, se rapporte aux doigts ». Il vient du latin digitalis, « qui a l’épaisseur d’un doigt », lui-même dérivé de digitus, « doigt ». C’est parce que l’on comptait sur ses doigts que de ce nom latin a aussi été tiré, en anglais, digit, « chiffre », et digital, « qui utilise des nombres ». En Français il faudrait donc utiliser numérique. C’est un avis largement partagé, et défendu par certains. Johann Duriez-Mise, journaliste High-Tech à Europe 1 estime par exemple que « le mot « Digital » est un terme anglophone qui signifie « avec les doigts ». Or, il est désormais utilisé, à tort donc, pour désigner tout ce qui à trait au Numérique. Ce n’est finalement qu’une mauvaise traduction des agences de communications françaises qui, à force de jongler avec des mots anglais et français, ont trouvé plus facile d’utiliser le même mot dans les deux langues. »

Est-ce qu’on fera la même « analyse linguistique » pour la centaine d’autres expressions anglo-saxonnes utilisées par les potes français? Lors de ma dernière visite à Paris je n’en revenais pas de voir l’orgie de « center » qu’il y avait là-bas. Il y avait des « pneu center », « matelas center », « fitness center », « high-tech center » et j’en passe. De toutes évidence, pour se rendre à ces center, il fallait bien se stationner dans des « parkings » surtout le « week-end ». 🙂

Voici d’ailleurs la réponse que j’ai faite au billet du modérateur

Lorsque je vais en France (je suis Québécoise), je suis toujours estomaquée d’observer à quel point l’amour de la langue de Shakespeare prend le dessus sur celle de Molière. Vous parlez ici de digitale que nous nommons numérique, mais on pourrait aussi parler de fitness center (centre de conditionnement physique), de collect call (appel à frais viré), high-tech (haute technologie), blog (blogue) et de tant d’autres expressions anglo-saxonnes que vous adoptez sans avoir d’autres justificatifs que celui de faire cool (à la mode)…
Chez nous, comme nous sommes 8 millions de francophones dans une mer de 300 millions d’Anglos, nous sommes plus sensibles à cette capitulation linguistique. Ça me frappe d’ailleurs à chaque fois que je vais à LeWeb à Paris et que j’entends des Parisiens avec un anglais approximatif, poser des questions ou donner des conférences dans la capitale francophone de la planète. Pratiquement aucun français n’y est parlé sur scène. On dira « mais il faut bien que les Américains nous comprennent »! Ici nous avons une technologie toute simple pour ça. Ça s’appelle des écouteurs qui diffusent la traduction simultanée des conférences. Mais c’est vrai que ça fait « cool » de se faire croire qu’on parle au monde entier en reniant son propre héritage culturel.

MAJ
D’ailleurs tant qu’à aller à Paris pour n’entendre que de l’anglais dans une conférence à propos du web, aussi bien allé à New York, San Francisco ou à Austin. C’est moins dispendieux pour moi, pas de décalage horaire, une possibilité d’aller chercher des contrats de conférences (puisqu’il n’y a pas de marché pour les conférenciers en France « qu’ils appellent des interventions »), il y fait plus chaud (sauf à New York l’hiver) et en prime, des conférenciers qui savent parler adéquatement l’anglais…