Les criminels menacent la cyberéconomie? Non ce sont les journalistes qui le font

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Plusieurs de mes clients et relations d’affaires ont vivement réagi aujourd’hui à la publication de l’article de La Presse CRI D’ALARME DES FONCTIONNAIRES FÉDÉRAUX, Les criminels menacent la cyberéconomie. Avec raison, ils disent que les journalistes crient au loup. J’ajoute, qu’ils font de la désinformation! Quand on ne sait pas de quoi on parle…

Pourtant, le sujet n’est pas nouveau, déjà, il y a quelques années, j’écrivais une série sur les mythes du commerce électroniques. Mon mythe numéro 5 étais Il est dangereux de donner son numéro carte de crédit sur Internet. Par la suite, toujours sur le même sujet, dans le billet vol d’identité, en mars dernier, je reprenais de nouveau l’assertion :

Selon le ministère canadien de la Sécurité publique, 7 voleurs d’identité sur 10 obtiennent leurs informations sans toucher à un ordinateur, soit dans les poubelles, le courrier, les bacs de recyclage, etc.

Alors pourquoi ce titre ronfleur? Pourquoi cette mise en scène? Pourquoi cette désinformation?
-Parce que le journaliste de La Presse ne sait pas de quoi il parle?
-Parce que ça fait sexy de piocher sur le commerce électronique?
-Parce que ça vend des journaux?
-Parce que ça protège son marché traditionnel?
-Parce que cela viendrait des fonctionnaires?
-Qui sait?

Une chose est certaine, ce n’est pas le premier journaliste qui écrit de telles balivernes et malheureusement, pas le dernier.

Voici les assertions et les faits.

Assertion

Le vol d’identité et de renseignements personnels est devenu un tel fléau au pays qu’il risque de compromettre la croissance de la cyberéconomie, un secteur névralgique de l’économie canadienne, estiment les fonctionnaires du ministère de l’Industrie.

Les faits,

Le vol d’identité ne menace pas l’économie. C’est la désinformation sur le sujet qui nuit. Cette désinformation engendre la méfiance des consommateurs canadiens qui ont la frousse d’acheter en ligne.

To 30% of Canadian adult respondents to an Ipsos-Reid survey from February 2005, online security issues are a big enough concern that they have stopped shopping online.

Source: Jeffrey Grau, eMarketer, Canada e-commerce, septembre 2005, p 12

SAN FRANCISCO, January 26, 2005 – The 2005 Javelin Identity Fraud Survey Report – released by the Better Business Bureau and Javelin Strategy & Research as an update of the Federal Trade Commission’s 2003 Identity Theft Survey Report and Javelin’s 2003 Identity Theft Report – shows that despite growing fears about identity theft and online fraud, of the victims that know the identity and method used by the criminal, these crimes are more frequently committed offline than online. Internet-related fraud problems are actually less severe, less costly and not as widespread as previously thought.

Further, the study concludes that those who access accounts online can provide earlier detection of crime than those who rely only upon mailed monthly paper statements. By managing their financial activities online, consumers can reduce access to personal information on paper bills and statements that may be used to commit identity theft and fraud. Victims of identity theft who detected the crime by monitoring accounts online experienced financial losses that were less than one-eighth of those who detected the crime via paper statements. (Average $551 in losses when detected online vs. average $4,543 when detected from paper statements).

“Our numbers show that fears about online identity fraud may be out of proportion to the relative risk, causing consumers to ignore the most glaring issues,” says James Van Dyke, Javelin’s founder and principal analyst. “Indeed, most instances of identity fraud occur through traditional channels and are paper-based, not Internet-based.”

Source BBB.org

Assertion

Ils soulignent aussi qu’aux États-Unis les attaques visant à voler l’identité d’une personne frappent chaque mois un Américain sur quatre, selon une étude réalisée par la National Cyber Security Alliance (NCSA) publiée en décembre dernier.

Faits

L’étude en question (AOL/NCSA online safety study) (PDF) est un sondage qui révèle que 23% des Américains sondés (sur 354 familles de l’échantillon) ont reçu au moins un courriel d’hameçonnage durant les deux dernières semaines. Ils ne disent pas avoir reçu une attaque visant à voler leur identité. On comprend que c’est la même chose, mais ça sonne pas mal moins dramatique. En d’autres mots, ils ont reçu un courriel d’Afrique leur disant d’échanger des millions de dollars pour eux en échange de promesses de richesses. La GROSSE AFFAIRE…

Assertion

Le vol d’identité est d’ailleurs le crime en plus forte progression au pays. L’an dernier, 11 231 vols d’identité ont été signalés au Canada, dont 2614 au Québec.

Faits

2614 vols d’identités au Québec sur une population de 7 568 640 habitants. On parle d’un ratio de 0,0345% des chances d’être victime de vol d’identité dont 70% se feront hors de l’internet. Je ne sais pas d’où vient l’assertion de croissance de ce type de crime, mais la gendarmerie du Canada parle plutôt de 11231 vol d’identité au Canada en 2005, 11938 en 2004 et 14599 en 2003. La tendance semble plutôt diminuée.

Alors pourquoi toute cette désinformation et ce sensationnalisme de bas étage? Les mythes ont la vie dure…

Il est vraiment rare de voir un article avec de telles faussetés, inepties et balivernes. Surtout chez La Presse. La différence entre les blogueurs et les journalistes est que les premiers partent de rien et se battent pour obtenir de la crédibilité. Chez les journalistes, ils supportent la crédibilité du média et se battent pour la maintenir. Dans ce cas-ci, la crédibilité de La Presse est sérieusement atteinte…
à mes yeux à tout le moin…

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Commentaires

  1. Houssein

    Bien répondu Michel. Le fait est que certains journalistes (plusieurs) n’ont qu’une connaissance très sommaire du monde du net en général, et du commerce électronique en particulier. Il amplifient les rumeurs, et entretiennent les peurs, parce qu’en fin de compte c’est ce qui vend le plus !

  2. mprovokat

    Merci Michel d’avoir la rigueur ett le courage d erépondre à cette désinformation.

    Humblement, je te salue.

    Mart!n

  3. martinlessard

    C’est une constante. Pour vendre de la news, il faut qu’elles viennent nous titiller dans nos préjugés : il n’y a rien de plus confortant (et de vendeur) que de dire tout haut nos petites peurs et nos fausses croyances. Qui achèterai un journal qui dit le contraire de qu’on pense? Dur dur, la réalité de journalisme 😉

  4. brem

    Les journalistes sont des p*tes à sensations 😉

  5. mathieuk3

    Salut Michel

    Ca fait du bien! J’ai effectivement un un sursaut quand j’ai vu l’article. On parle maintenant de cyberéconomie en péril ? Exagération d’un journal qui à maintenant besoin de titre sensationnaliste pour augmenter ces ventes. Je suis moi même déçu de La Presse.

    Mathieu

  6. Jean-Francois Poirier, M.Sc. commerce électronique

    La cyberéconomie n’est pas en péril, puisque la publicité Internet ne cesse d’atteindre de nouveaux sommets…à tout le moins ailleurs qu’au Québec… Aux États-Unis, on ne doute pas de l’économie Internet. C’est un fait accompli!

  7. Christian Aubry

    Bonjour Michel. De retour de Québec, je prends connaissance de ton billet et, bien entendu, j’abonde dans ton sens. L’usage d’Internet se généralisant, il est tout à fait normal que des escrocs de tout poil s’en emparent pour y commettre certains de leurs délits, la grande majorité étant cependant commis “offline”. À cet égard, le réseau n’est que le pianiste d’une partition qu’il n’a pas écrit et le journaliste de La Presse tire sans étudier convenablement sa cible.

    Une autre différence à mettre en lumière, entre blogueurs et journalistes, c’est que les bons blogueurs communiquent autant qu’ils le peuvent leurs sources, sous forme de liens vers des pages, articles ou documents accessibles sur le réseau, voire sous forme d’entrevues audio ou vidéos. Les journalistes n’ont pas ce réflexe : ils sont les connaissants et nous devons les croire sur parole, tout comme l’on croyait autrefois les curés nous débitant de beaux contes de fées.

    Heureusement, il y a de plus en plus de bons journalistes qui font partie de notre siècle. Ils comprennent donc que leurs lecteurs sont aussi intelligents qu’eux et que le minimum consiste à leur donner autant d’accès aux sources des informations qu’ils commentent, résument ou reproduisent qu’il leur est possible. Et je persiste à penser que c’est cette approche en profondeur qui sauvera la presse écrite du déclin : donnez-nous accès à toutes les sources disponibles, bon dieu! celles que vous glanez ici et là comme celles que vous générez vous-mêmes (entrevues audio, courriels, etc).

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