Vivre de ce en quoi on est bon ou de ce qu’on aime?

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Hier soir j’étais au lancement du livre Sacré Dépanneur!, de la nouvelle copine Judith Lussier. On s’est rencontré par hasard à un dépanneur-restaurant de Montréal parce qu’elle y faisait un topo vidéo que voici. Elle est venue me saluer et nous avons jasé dépanneur. Elle a écrit un livre que j’aurais aimé écrire. Quel beau sujet universel que « le dépanneur ». Quel phénomène identitaire québécois par excellence. Tout comme le pâté chinois, le dépanneur est dans nos vies depuis toujours et nous avons tous « des histoires » de dépanneurs. J’en ai d’ailleurs une que je lui ai racontée, celle du dépanneur Chez Beaulieu à Neufchâtel.
Lorsque j’étais enfant, au coin de ma rue il y avait le barbier, monsieur Beaulieu. Il était barbier pour enfants. Pour faire son marketing, il vendait aussi des bonbons. Mais après quelques années, comme il était un barbier médiocre, il vendait beaucoup plus de bonbons qu’il ne faisait de coupes de cheveux. Sa portion bonbons grandit donc de plus en plus jusqu’au jour fatidique ou finalement, la chaise de barbier pris le bord pour faire de la place à la bière, au lait, aux cigarettes et aux autres articles usuels d’un dépanneur. Mais comme nous en avions l’habitude, nous allions chez le barbier pour faire nos petites commissions. Nous appelions cet endroit « chez le barbier » jusqu’à la mort de monsieur Beaulieu. Après son trépas, en souvenir de ce chaleureux personnage, nous disions dorénavant « chez Beaulieu » et sa veuve et son gendre reprirent le commerce qui existe sans doute encore. Monsieur Beaulieu était passionné de coupe de cheveux, mais il n’avait vraiment pas de talent pour ça, mais comme commerçant, il était vraiment un crac. Comme quoi des fois dans la vie, ce n’est pas notre passion qu’il faut suivre, mais notre talent et les opportunités qui s’offrent à nous…

MAJ

Parlant de dépanneur, il y a aussi mon oncle Yvon. Il avait une boucherie dépanneur à Havre St-Pierre.  Il était si gentil qu’il faisait crédit à tout le monde jusqu’au jour on la banque ferma son magasin. Il se dut de prendre ses valises, ses onze enfants et refaire sa vie à Québec. Il arriva à Québec sans le sou (*dans ce temps-là faire faillite était bien différent) et recommença sa vie à 49 ans. Il devint homme de chantier, puis progressa lentement jusqu’à devenir l’un des contremaîtres les plus importants de la ville de Québec. C’est lui qui supervisa le chantier de la Place Laurier, du complexe G et de nombreux autres édifices importants de la ville. Lorsqu’il prit sa retraite, sa maison était payée et chacun de ses enfants qui voulaient aller à l’université y alla. Il avait refait complètement sa vie, à partir de rien, avec 11 enfants à nourrir, à 49 ans. Il est resté pour moi un modèle de détermination.

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Commentaires

  1. Marc-André Caron

    Le dépanneur est au coeur de la vie de bien des gens même s’ils ne le savent pas. De mon côté, le dépanneur est un incontournable puisque mon beau-père était propriétaire du Marché Alexandre (sur la rue Alexandre!) à Sherbrooke. Toute la famille vivait dans les appartements aux deuxième et troisième étages du dépanneur. Lorsque j’ai rencontré ma douce, mon beau-père (le boss du dépanneur) m’a offert une job de commis.

    Travailler dans un dépanneur, c’est une école de vie. Ce devrait être un stage obligatoire pour ceux qui veulent un jour travailler avec le public. On y apprend à «dealer» avec toute sorte de monde, des gentils au pas fin… les plus intéressants étant toujours les enfants. Dans mon cas, j’y ai rencontré assez de gens extraordinaires pour écrire un spectacle: Les contes du dépanneur !

    Rêvant de retraite en Floride, mon beau-père a finalement vendu son dépanneur au livreur de pain et s’est acheté un condo au soleil. Trois ans plus tard, le dépanneur était en faillite. Pour sauver l’affaire, il a repris le commerce et l’a remonté. Aujourd’hui, ce sont les employés qui ont acheté le commerce et tout va bien. Mon beau-père est retourné en Floride et vient passer l’été près de ses petits enfants, dont mon fils… Alexandre!

    Merci Michelle de partager ces histoires de dépanneur. Et merci à Judith d’avoir rendu un si bel hommage à ce commerce bien de chez nous.
    Quand on y pense, le dépanneur est un peu l’ancêtre du web 2.0, non?

  2. Blublu

    Dépanneurs et restaurants ”bouiboui” faisaient parti du quotidien des premiers réfugiés de guerre du Vietnam. Pour subvenir aux besoins de la famille et en attente que le conjoint ou leurs enfants finissent leur équivalence ou leur étude universitaire, ils travaillaient plusieurs emplois pour ramasser leur argent pour ouvrir leur propre commerce.

    Je pense que si vous parlez à un vietnamien de l’époque fin des années 70, je parie qu’il vous dira qu’un membre de sa famille avait un dépanneur ou resto.

    Le dépanneur était pour moi un endroit magique, remplis de sacs de chips, chocolats et friandises gratuites! Car un ami de mon père avait un dépanneur!

    Même RBO s’est inspiré d’un dépanneur Ngyuen, dont je tairais le nom..

    Les équivalences, Bac, maîtrise ou doctorat obtenus, les premiers immigrés vietnamiens ont délaissés les dépanneurs, resto ” Bouiboui” pour des resto branchés de susshi ou thailandais et des emplois professionnels plus rentables.

    Mais je pense encore au dépanneur de l’ami de mon père ou je pouvais plonger ma petite main dans un gros bocale de framboises ou de réglisses rouges, prendre une pelletée et les déguster comme si c’était du foie gras de canard poêlé…

  3. Nicolas Cazelais

    J’aime bien l’idée évoquée par l’imaginaire du dépanneur. Quand nous étions enfants, j’espère l’être encore, nous vendions les bouteilles vides pour nous acheter des montagnes de bonbons.

    J’ai plus spécialement aimé la fin de ton billet sur l’extraordinaire capacité de certains de se relever plus forts d’une situation difficile.

    En passant, j’ai un flash, il’y a un modèle d’affaires de dépanneur assez spécial en Outaouais axé sur l’aide solidaire et communautaire… Je n’y suis jamais allé, mais je sais que Richard Desjardins y présente fréquemment des spectacles ! Pour votre curiosité, voir : http://www.depanneursylvestre.net/

  4. Denis P van Chestein

    Wow ! Deux belles histoires, Michelle… merci… qui me rappelle le non moins triste et célèbre documentaire très québécois “…Épicier variétés”… m’enfin…

    Et oui, Michelle, le dilemme de la vie: le talent vs les opportunités; d’aucuns diraient sur une note plus karmique: “ce que nous sommes vs ce que la vie fait de nous”

    Ce qui me ramène à cette réflexion / observation totalement subjective et sans fondement aucun que je me suis fait il y a des années de cela et que je soupçonne néanmoins d’être profondément vraie: il n’y a moins de 10% des gens qui font vraiment ce qu’ils aiment ou auraient aimé faire dans la vie et de ce 10%, moins de 1% en vivent vraiment bien !

    Moralité: la vie nous fait plus souvent que l’on fait sa vie!