Les journalistes professionnels au Québec : Une société distincte

Pin It

Au Québec, nous aimons faire les choses différemment. Très souvent cela est à notre grand avantage. D’autres fois, on se couvre simplement de ridicule. C’est le cas avec le Rapport du Groupe de travail sur le journalisme et l’état de l’info au Québec, qui est entériné par la Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (et ancienne journaliste) Christine St-Pierre, qui va de l’avant avec une consultation publique sur les recommandations de madame Dominique Payette (auteure du rapport).

Sur le site du ministère on peut lire :

Ces travaux ont permis de dégager les orientations proposées dans les champs de responsabilité relevant de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, pour donner suite aux recommandations du rapport de Mme Payette.

Les orientations retenues sont les suivantes :

  • la mise en place d’un nouveau modèle de régulation des médias québécois :
  • en s’appuyant sur l’adoption d’un statut de journaliste professionnel ;
  • en consolidant le Conseil de presse du Québec (CPQ) qui a pour mandat, à titre de tribunal d’honneur, de promouvoir le respect de normes éthiques en matière de droits et responsabilités des médias.

le soutien à la diversité des voix :

  • en confiant à Télé-Québec le mandat d’examiner la faisabilité d’un projet de réseautage de l’information régionale sur Internet avec l’appui des médias communautaires, coopératifs et indépendants ;
  • en actualisant le soutien de l’État aux médias communautaires présents dans les différentes régions du Québec.

Le hic

Comme le mentionne un de mes contacts Facebook sur mon profil perso :

Réglementer va créer un monopole qu’il sera plus facile de contrôler. Après le monopole des médias, maintenant des journalistes (dernier rempart contre les abus du pouvoir), il ne restera plus que le monopole de ma pensée à réglementer sur Facebook. Pauvre démocratie des oligarchies.

Quant à Mitch Joël dans son billet One Step Forward And Fifty Steps Back For Bloggers (And Society) :

(…) Do you like the way that journalists “serve the public interest”… and then there are “amateur Bloggers” (who don’t)? Bloggers and journalists no longer have a symbiotic relationship. Even those days are over. Blogging is journalism and journalism includes Blogging. Pushing this further: journalists simply can’t do their jobs without Bloggers anymore.

(…)Instead of putting an effort on who is and who isn’t a journalist, why not focus on where the audience is, how diverse the perspectives are and how to get the information more effectively disseminated to everyone? Especially when it sounds like taxpayers are footing the bill for this type of legislation (hard to believe, isn’t it?). If we want to get really raw here…

Why don’t we let the public decide what is credible media instead of letting those who are trying to control the message or those who are trying to hold on to their legacy instead of evolving?

Embarras international
Ce n’est déjà pas assez que la guéguerre journaliste vs blogueurs se fasse ici 6 ans en retard sur le reste de la planète, maintenant il nous faut faire la démonstration à la face des autres nations que nous ne comprenons pas les changements profonds que vit le journalisme (lire à ce propos mon billet La FPJQ et les fabricants de fouets, même combat). D’ailleurs le réputé Knight center for journalism in the Americas (The university of Texas at Austin) dans son article Quebec pushing forward with controversial proposal to define “professional” journalists observe :

Noting that the intention of the law would be to “distinguish those dedicated to ‘serving the public interest’ from ‘amateur bloggers,’” a column in the National Post called the proposal “alarming,” saying that citizen journalists should be “encouraged, not chilled.” Further, the article pointed out that the phrase “serving the public interest” was in itself disturbing, potentially deterring journalists from being critical.

Another column in the National Post explained that the proposed regulation is based off a report from former journalist Dominique Payette who recommended that “professional” journalists be awarded certain access and privileges “in exchange for respecting certain yet-to-be-determined criteria.

The column concluded that “Canadian media and journalists should be in full-scale revolt against this state of affairs.”

Nous risquons donc d’être l’un des premiers états à avoir des journalistes « chiens de poche » à la solde du gouvernement  qui leur donne l’os de certains privilèges d’accès à l’information. Certains états embrassent les changements et valorisent l’innovation, ici il semble que nous valorisions plutôt le statu quo et le retour en arrière. Les nostalgiques de la Pravda applaudiront certainement l’audace avec laquelle « nous savons dresser ces vaillants journalistes »…

Vous pouvez aussi lire ou relire :

Le Lab VOXtv Chronique les changements que vivent présentement les médias ?

Baladodiffusion du colloque sur l’éthique des médias

Questionnement sur le code déontologique des journalistes membres de la FPJQ

Pour ces journalistes qui vomissent sur Twitter et sur les blogues

Webdiffusion de ma conférence sur l’avenir des médias

Conférence sur « Et si j’étais propriétaire du Journal de Montréal? »

Imprimez ce billet Imprimez ce billet

Commentaires

  1. Frédéric Chiasson

    Inquiétant ! En plus, ce statut de journaliste professionnel va-t-il garantir une information de qualité ? J’en doute, vu comment les journalistes professionnels parlent de statistiques.

    Faisant de la recherche en musicologie systématique – gros nom-bibitte qui veut dire faire des expériences scientifiques sur la perception de la musique, entre autres – je peux vois plein d’interprétations douteuses de statistiques passées dans les journaux. Par exemple, un journal se désole d’une participation de quelques 6x% aux élections québécoises, alors que le même journal s’excite à voir une «forte» participation de 5x% aux présidentielles américaines ! De quoi laisser perplexe déjà. Mais le pire, c’est qu’on ne mentionne jamais 60% ou 50% de quoi. La liste électorale ? Les personnes majeures ? La population entière ?? Pour le journaliste, ce n’est pas important !

    Sans parler des termes que les journalistes ne comprennent pas. Dans un autre article sur l’éducation à la maison comparée à l’éducation à l’école, la journaliste compare naïvement les centiles des résultats aux examens du ministère : 7x centiles pour l’éducation à la maison par rapport à 50 centiles pour l’éducation à l’école. La journaliste n’a même pas écrit que vu l’écrasante majorité des enfants allant à l’école, il est normal que les jeunes à l’école aient 50 centiles, soit la médiane (la donnée centrale parmi toutes les données).

    Avec les innombrables résultats de sondage dans les journaux – où souvent les questions orientent fortement les réponses, phénomène connu et constamment observé dans nos propres études – il est tout simplement scandaleux que la formation de journaliste – qui serait maintenant attesté par un statut professionnel – n’inclut pas une formation en statistique suffisante pour ce que le métier demande.

  2. Photographer in Quebec City » Friday links and news #43

    […] Les journalistes professionnels au Québec : Une société distincte […]

  3. Les journalistes professionnels au Québec : Une société distincte | Bienvenue! | %blog_URL%

    […] Les journalistes professionnels au Québec : Une société distincte […]