C’est avec tristesse que j’apprenais hier la disparition de l’un des plus importants monuments numérique québécois, Branchez-vous. C’est d’ailleurs dans ses pages que j’ai commencé à bloguer en 2004. À l’époque j’étais cofondatrice d’Adviso et j’avais négocié avec Patrick Pierra une chronique journalière dans sa section Bénéfice net. Mon premier billet Les WEB SERVICES bouleversent l’intégration des applications d’affaires.
C’est d’ailleurs l’un des remarquables accomplissements de Branchez-vous. Ses VOLUMINEUSES ARCHIVES. J’ai aussi écrit des chroniques dans LesAffaires.com, mais ne me demandez pas de les retrouver, car c’est une tâche IMPOSSIBLE. Branchez-vous contrairement à plusieurs autres médias numériques, gardait absolument tout. Oui son interface était affreuse, oui c’était souvent une pizza indigeste, mais les contenus eux étaient d’une grande pertinence et Patrick avait compris le principe de la longue traîne. Il savait que les archives étaient un élément fondamental de son trafic. Il comprenait aussi la richesse documentaire qu’elles contenaient. Peu d’autres médias en ligne québécois ont été si efficaces à ce chapitre.
C’est aussi malheureusement un pan de l’histoire numérique québécoise qui sera débranchée. Je trouve même que ce pan de notre histoire numérique est si important que Les archives nationales du Québec devraient exiger de Rogers un accès à ces contenus et les archiver elles-mêmes pour la postérité…
MAJ
MERCI au moins aux Américains de protéger en partie notre patrimoine numérique. Grâce à l’apport de the Library of Congress et de the Smithsonian, une petite portion des archives de Branchez-vous sera répertoriée dans leur Wayback Machine.
Juste triste de constater que nos propres institutions « archivistiques » n’ont pas encore réalisé la richesse de notre patrimoine numérique qui n’est pas encore archivé. Entretemps, on peut au moins relire les journaux papier des différents siècles de notre histoire … 🙁
MAJ2
mon twitt
Branchez-vous, un courriel a été envoyé au PDG Guy Berthiaume pdg@banq.qc.ca des archives nationales du Qc. N’hésitez pas à faire de même
@RogersBuzz It would be a nice marketing and PR gesture if you gave @Branchezvous archives to @BanQ (svp RT)
Si je ferme Grattecenne.com je vais demander aux archives nationales de me subventionner un accès à mes articles de 2007 🙂
La conservation des archives est importante pour bien mesurer l’importance de l’évolution québécoise et de sa contribution au domaine numérique.
Est-ce que la BAnQ interprète sa mission* de façon suffisamment large pour inclure le contenu d’un site Web ? Je le souhaite, car ta suggestion est pertinente.
*Mission : Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a pour mission d’acquérir, de conserver et de diffuser le patrimoine documentaire québécois ou relatif au Québec.
Je te suis à fond, Michelle. C’est proprement scandaleux de « scrapper » ces pans entiers de notre histoire numérique et, toutes proportions gardées, cela revient à se livrer à un véritable autodafé. Il est inconcevable, en 2012, que BANQ conserve toutes les publications imprimées mais aucune publication numérique. Comment travaillerons les historiens du futurs? Et dire que la devise du Québec est « Je me souviens » !
J’aimerais profiter de ta tribune pour signaler que Rogers n’est pas une organisation amnésique isolée. Les publications numériques « historiques » ayant disparu ne se comptent plus.
En ce qui me concerne, j’en ai conservé sur CD-ROM deux qui me paraissent essentielles et que j’espère remettre en ligne un jour, à titre personnel ou par l’entremise d’une institution douée d’intelligence, d’altruisme et de mémoire.
1) MULTIMÉDIUM a publié chaque jour, de 1996 à 2002, des nouvelles élaborées et bien documentées couvrant les technologies numériques. J’en ai été le rédacteur en chef de 1997 à 1999 et Jean-François Coderre a eu la gentillesse de me « sortir » un snapshot du serveur lorsque Québécor a également décidé de faire disparaitre le site et d’enfouir ses nouvelles dans la mélasse indifférenciée de Canoë où, à toutes fins utiles, elles sont inutilisables. Je crois même qu’elles y disparaissent peu à peu.
2) Le site Web du RISQ (www.risq.qc.ca) contenait toutes les archives des anciens colloques de ce qui fut l’embryon de l’Internet québécois avant que les opérateurs ne s’en emparent pour mieux le tarifer. Il contenait aussi les analyses complètes et exhaustives des premières enquêtes du CEFRIO sur l’Internet au Québec, celles qui ont amené le gouvernement Parizeau a lancé la Politique québécoise de l’Internet en 1998.
Malheureusement, ces archives d’une valeur inestimable au plan historique ont disparu lorsque j’ai cessé de gérer le site Web du RISQ en 2009 et qu’un nouveau directeur amnésique a décidé de confier la création d’un nouveau site à un fournisseur amnésique. Heureusement, j’en ai conservé une copie sur DVD.
Il y a probablement des dizaines d’autre cas dans ce genre et une pléthore de mégaoctets historiques à ressortir des boules à mites numériques. Si la BANQ peut s’en charger, tant mieux car cela simplifiera beaucoup les questions légales et financières. Sinon, il faudrait que des citoyens comme nous se mobilisent pour mettre sur pied une OSBL dédiée en partenariat avec des centres de recherche et des universités.
MAJ Pour une fois, Michelle, je reconnais que les esprits conservateurs sont parfois utiles 🙂
Ping : RIP Branchez-vous, Les archives nationales du Québec devraient intervenir | Bienvenue! | %blog_URL%
En juin 2011 j’ai justement contacté Archives nationales (J’ai enlevé l’URL du site archivé, n’étant pas certain de mes droits à cet égard) :
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Bonjour,
J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe qui a produit le tout premier site web du Gouvernement du Québec, lancé officiellement le 4 mai 1995. J’en ai une copie complète, fonctionnelle, tel qu’il se présentait cette journée-là aux visiteurs, car j’étais le responsable de la mise en ligne. Le site comportait un peu plus de 500 pages d’information, incluant une section complète sur des circuits touristiques, avec cartes, etc. Il y a aussi une section du premier ministre Jacques Parizeau, complètes avec trois vidéos d’introduction, etc.
Vous pouvez voir cette copie en ligne ici (adresse privée temporaire) : [URL retiré]
Est-ce le genre de document qui pourrait intéresser la BaNQ?
Si oui, faites-moi signe.
P.S. : J’ai été inspiré par ce reportage de NPR http://www.onthemedia.org/transcripts/2011/06/10/02
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J’ai reçu une réponse quelques jours plus tard (j’ai enlevé le nom de la signataire du message) :
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Bonjour M. Petit,
Désolé du délai de réponse. Oui, votre offre nous intéresse. D’autant plus que vous nous donnez un lien URL. Cela est difficile pour nous d’archiver ou moissonner si le site est sur cédérom ou DVD-ROM. Est-ce que cette adresse (adresse retirée) sera encore accessible à l’automne? Actuellement, BAnQ effectue des travaux importants sur les serveurs de conservation. Nous allons donc reprendre le moissonnage des sites Web au cours de l’automne seulement.
Pour information, l’organisme Internet Archive moissonne des sites Web depuis 1996. Nous sommes donc un peu en retard. Mais mieux vaut tard que jamais.
Internet Archive : http://www.archive.org/index.php
Merci de votre intérêt et bonne journée
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Je ne sais pas si ils ont moissonné le site depuis ce temps. J’ai plusieurs archives des premiers gros sites web québécois de ce genre des années 1994-1997 et ce serait intéressant de les voir en ligne un jour dans une sorte de « musée du web » québécois.
Enterré dans mon post précédent se trouve un lien d’une transcription d’entrevue diffusée à NPR l’an dernier à propos des « archéologues numériques ». Intéressant en lui-même dans le contexte de ce billet.
http://www.onthemedia.org/2011/jun/10/paleozoic-internet/transcript/
Peut-on connaître les raisons qui ont fait fermer ce site?
merci Michelle
je suis de france et bien je suis déçus de la fermeture de ce site ..
Ça touche la question essentielle de la mémoire collective, des archives de la société. Même si, en théorie, la définition du mandat de BAnQ et celle du dépôt légal incluent toute la « documentation » du et sur le Québec, dans la réalité, c’est encore uniquement les imprimés qui sont conservés. La difficulté technologique et les coûts que posent l’archivage du Web est toujours la raison donnée pour expliquer l’absence de conservation des productions numériques. Même si on ne peut nier ces obstacles, il y a aussi, encore et toujours, la conviction que les livres, les imprimés sont une source d’informations plus importantes. Pour les productions québécoises, comme l’était Branchez vous, la discussion sur la valeur de son contenu (faible originalité, peu de valeur intrinsèque) ne tient pas: la force du dépot légal est justement sa « neutralité », son objectivité de ne pas soumettre la conservation d’un document aux critères subjectifs de sa « valeur ». Et BAnQ conserve des milliers et des milliers d’imprimés d’ici qui ont encore moins de valeurs que les articles de Branchez-vous! Ils sont essentiels aussi! Tous les éditeurs québécois ont l’obligation légale de déposer des exemplaires de leur production. Les éditeurs de contenus numériques devraient aussi avoir cette obligation. C’est sans doute complexe, et pas complètement réalisable, mais le Gouvernement doit préciser le dépôt légal, en élargir le cadre, et donner à BAnQ les moyens d’entreprendre la conservation des productions numériques. Rappelons-nous que ce qui n’est pas conservé, ramassé, recueilli, ne pourra jamais l’être par la suite. Il faut ramasser maintenant, quitte à trouver les moyens permanents de conservation par la suite.
Aussi, ce sont TOUJOURS les débuts d’un nouveau média qui sont les moins bien documentés: le commencement de la photo, du cinéma, de la radio, de la télé… et maintenant du WEB et du numérique. Et ce toujours, parce qu’on ne croyait pas trop en leur valeur, et que leur support était complexe à conserver, et qu’on ne savait pas trop ni voulait vraiment le faire.
Pourquoi ne pas commencer par un « dépôt volontaire » numérique? Un appel à tous, une invitation à tous ceux qui ont de vieux sites, de vieux blogues, à les déposer dans un entrepôt numérique, même sur des disques. Un document et des informations même mal conservés, sur le « mauvais » support pourra un jour faire partie d’un patrimoine culturel. Ce qui est débranché et supprimé, ça ne revient jamais.
Ce sont les plus « vieilles » productions numériques qu’il faut d’abord protéger. Ce sont les origines du Web québécois.
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Ping : François M. Gagnon
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Madame Blanc,
Que pensez-vous de la crise d’urticaire de Nathalie Collard dans la presse, qui affirme que Branchez-vous était un vulgaire copier-coller?
@Luc Gauvreau,
BaNQ archive déja des documents numériques et des sites webs québecois ( http://www.banq.qc.ca/collections/dons_acquisitions/depot_legal/publications_assujetties/publication_numerique_gratuite/index.html ). Le « dépot volontaire » dont vous parlez existe donc déjà.
Je ne pense pas que ni les bibliothécaires ni les archivistes de BANQ nient l’importance du patrimoine numérique mais il reste que, contrairement au papier, l’archivage de données numériques pose des problèmes techniques importants, surtout en ce qui concerne la pérennité des supports et la disponibilités des moyens de lecture.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a choisi depuis quelques années de se pencher sur la question de la conservation du patrimoine documentaire québécois né numérique. Dès 2010, BAnQ a entrepris un projet de collecte sélective de sites Web. Depuis mars 2012, ce projet est devenu un programme officiel de BAnQ. Les outils informatiques utilisés sont des logiciels libres partagés avec plusieurs autres bibliothèques nationales. On y trouve Wayback Machine, Heritrix et Web Curator. Les sites Web collectés (environ 600 par année) sont conservés pour des fins patrimoniales. Pour les diffuser, il faudra obtenir des droits. Des sites tels que Branchez-vous nécessitent des ententes particulières avec les ayants droit puisque le contenu ne peut être collecté facilement (ex. bases de données, etc.).
Claire-Hélène Lengellé
Responsable des relations avec les médias
Direction des communications et des relations publiques
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Merci de votre réponse et ravie de celle-ci
https://twitter.com/MichelleBlanc/status/205662392963694593