L’internet en région ou comment handicaper l’essor économique

Pin It

En théorie, la beauté d’être un travailleur d’internet, de l’économie du savoir, d’être programmeur, développeur ou entrepreneur techno est qu’on peut travailler de n’importe où sur la planète. En réalité il faut plutôt travailler à des endroits qui offrent les infrastructures permettant à cette économie de se développer. Ces infrastructures incluent au moins deux éléments primordiaux. Un approvisionnement en électricité et un en bande passante. L’électricité est abondante et à un prix raisonnable au Québec. Par contre, la bande passante, c’est une autre histoire. Même dans les grands centres que sont Montréal ou Québec, notre bande passante ne correspond même pas à ce que fournis déjà les autres villes canadiennes qui font partie de iCanada, c’est à dire une vitesse de 100 MBPS. Ici à Montréal, lorsque nous avons un gros 4.5MBPS on considère déjà être chanceux. Et que dire du Vermont qui se targue de fournir maintenant 1000 MBPS à la moitié du prix du fameux Google Fiber du Kansas soit 35 $ par mois? Aurait-on des croûtes à manger?

Et en région, c’est la dèche encore plus extrême.

Dans mon cas particulier, je devrais faire abattre des pins centenaires si je veux avoir l’internet par satellite de Xplornet à un prix compétitif, pour une bande passante médiocre. Sinon, la solution modem cellulaire de Bell coûte 105 $ par mois pour un gros 15 Go de téléchargement. Et je ne vous parle même pas de la bande passante qui est ri-di-cu-le. Il faut donc obligatoirement oublier AppleTV, Netflix et autres services requérant un tant soit peu de téléchargement.

Vous me direz, mais tu n’as qu’à resté dans un grand centre! Je répondrai, vous avez raison, j’aurai vraiment dû m’installer dans un champ « nowhere » au milieu du Vermont…

Quelques autres chiffres:

Dans LeDevoir

Un doute? C’est l’OCDE qui le dit. En 2007, l’Organisation de coopération et de développement économique a mesuré en effet le prix pour accéder et utiliser à la bande passante dans une trentaine de pays, dont le Canada. Résultat: alors qu’un Megabit/seconde de bande passante, soit l’unité de base de mesure de la capacité de transfert d’un réseau, coûte 0,13 $ en moyenne à un Japonais, il faut près de 4 $ à un Canadien pour obtenir la même chose.

À titre comparatif, les Français (0,33 $), les Suédois (0,35$) ou les Américains (2,83 $) doivent débourser beaucoup moins pour avoir la chance d’échanger courriels, photos ou vidéos par Internet. Un clivage palpable cette semaine d’ailleurs alors que la compagnie Numéricâble en France proposait à ses clients une connexion par fibre optique contre 34 $ par mois. Au même moment, à Montréal, Vidéotron exposait sur son site une offre de branchement deux fois moins rapide pour les téléchargements et 100 fois moins rapide pour le téléversement en échange d’une facture de… 90 $, soit trois fois plus cher.

Sur Triplex Radio-Canada

Par exemple, le plus gros forfait de Vidéotron offre 170 Go en aval (vitesse de 120 Mbit/s) et 30 Go en amont (vitesse jusqu’à 20 Mbit/s) pour 149,95 $ mensuellement. « L’utilisation de la bande passante au-delà des limites définies pour cet accès sera facturée à 1,50 $ par gigaoctet supplémentaire, et ce, sans limite mensuelle de facturation », peut-on lire sur le site. De côté de Bell, le plus gros forfait offre 100 Go de bande passante pour 54,95 $, vitesse de téléchargement jusqu’à 25 Mbit/s et vitesse de partage de contenu de 7 Mbit/s. « Pour seulement 5 $/mois, le forfait Utilisation assurée vous offre une utilisation Internet additionnelle de 40 Go. »
(…)
Un film haute définition de 1 h 30 utilise environ 3 Go de bande passante, en définition standard, c’est environ 1 Go l’heure, et il faut compter une moyenne de 5-6 Go pour le téléchargement d’un jeu sur Steam. Selon l’étude de Credit Suisse sur la situation canadienne, utiliser un service comme Netflix pour écouter 30 minutes de télévision par jour équivaut à environ 32 Go d’utilisation Internet mensuellement (pour ce seul service). Bref, si on se tourne vers des services en lecture continue, on peut se retrouver avec une facture salée.
« Les opérateurs font énormément d’argent sur le dépassement de la bande passante, explique Laurent Maisonnave, président du conseil d’administration du service Île sans fil. Ça leur coûte 0,01 $ le Go, alors imaginez les profits lorsqu’ils font payer des surplus de 1 $ à 5 $ le Go supplémentaire. Mais ce n’est pas la seule raison, continue-t-il. Les fournisseurs Internet sont devenus des fournisseurs de contenu. Ils ont maintenant leur propre service de vidéo sur demande et ne veulent pas de concurrence. »

Vous aimerez aussi sans doute

La corrélation entre l’électricité et le numérique pour le développement économique du Québec de demain

Internet, un impact économique plus important que l’agriculture ou l’énergie

Un plan numérique pour le Québec pour éviter de se faire fourrer par les TELCOs

Les gagnants et les perdants de l’économie numérique

Les étonnés et le rapport d’étonnement

Un plan « big data » pour le développement économique du Québec

L’argumentaire économique du numérique

Imprimez ce billet Imprimez ce billet

Commentaires

  1. Simon

    Bonjour Michelle,

    C’est la première chose que j’ai vérifié avant d’acheter notre maison dans les laurentides (40 000 pi2) au sommet d’une montagne où on ne voit pas nos voisins. J’ai accès à une connexion de 60 Mbps (325Go/mois) pour 92$. Et si ça tombe en panne, j’ai le 3G Fido à 7 Mbps secondes (2 Go/mois)

    J’étais certain que tu ferais cette vérification, je me sens coupable de ne pas avoir apporter ce point à ton attention lors de tes démarches pour l’achat de ta résidence.

    Abattre des arbres pour une connexion internet ce serait vraiment triste.

    Simon

  2. Louis Durocher

    Join the Club ;-(

    Malheureusement, tout est vrai. Je travaille régulièrement de chez moi depuis des années. Depuis presque 14 ans en fait. D’abord comme concepteur de sites web puis comme consultant en marketing web et en référencement. Dans les années 99-2000 j’avais une solution satellite de Bell, en Download seulement, pour le Upload c’était le modem 56k. Pratique pour Uploader un site web de 100 à 200 Mo. Coût extrêmement prohibitif et lenteur assurée. À Saint-Armand, dans notre première maison, la seule technologie disponible était l’accès Satellite, pour un 300,00$/mois et un maigre et théorique 1,5 Mbps. Quand il faisait beau, ne neigeait pas et que la couverture nuagueuse n’était pas trop épaisse. Explornet est semble-t-il pire encore. J’ai failli devenir fou.

    On a déménagé et acheté une maison. On est maintenant gâtés: accès cellulaire de Bell. Même prix prohibitif, mais au moins ça rentre et on a des vitesses “pas pires” de 6 à 10 Mbps.

    Au 19ème siècle c’est le train qui était le moteur économique d’une région. Le train passait, et la vie économique florissait.

    Nous sommes au 21ème siècle, les villages et les régions se vident. Les industries traditionnelles, manufacturières périclitent, la forêt et les pêcheries itou.

    Amener la fibre partout pourrait repeupler et donner vie à une foule d’entreprises.

    Le gouvernement s’en fout. Pourtant il devrait obliger, par le CRTC, les gros Telcos à offrir un accès digne de ce nom aux régions. Les enchères pour les nouvelles bandes passantes se vendent des milliards de $ mais rien n’est offert aux régions. L’accès aux nouvelles licences et bandes passantes devraient être conditionnelles à cela.

    Une bande de ploucs ? Dans ma région immédiate, plus de 50% des gens sont travailleurs autonomes. Des entreprises prospères contribuent à l’esssor économique, mon voisin est branché sur la bourse aux grains de Chicago, la ferme d’à côté planifie ses semis avec de l’imagerie satellite. Une bande de ploucs. Tout pour Montréal. F..k les régions. F..k les ploucs.

    Dans mon coin, le dossier est considéré réglé parce que l’accès satellite offre des connections à 1,5 Mbs pour ± 50 à 60$/mois.

    Réglé? 1,5 Mps c’est la haute vitesse ça ?

    Dans une réunion à l’hôtel de ville, quelqu’un nous disait qu’on est mieux branché au Gabon.

    Au Gabon. (No offense pour mes amis Gabonais).

  3. vieux bandit

    Avoir accès à Internet était… dans mon offre d’achat en région il y a 4 ans! Mais c’est un accès, hein. Pas de haute vitesse ici. “Faudra que la technologie change, pour ça, madame”, qu’on m’a dit (Euh non chose faudra que tu bâtisses une tour ou que tu BOUGES TES FESSES!).

    Ah je ne veux pas changer de région, et ma connexion suffit pour travailler. Mais Tou.TV? On oublie. YouTube? On appuie sur pause et on attend que ça vienne avant de faire jouer.

    Ce qui me dérange VRAIMENT? C’est que ce fait n’est qu’un symptôme d’une réalité plus vaste: vivre en région au Québec, c’est être considéré comme un citoyen de seconde zone, comme un taré qui n’a, en fait, besoin que des nouvelles de Montréal (je sais que le foutu métro est encore en panne avant de savoir ce qui se passe à 10 minutes d’ici). Qui peut endurer des textes pourris dans le seul hebdo local et même dans le “grand” quotidien du coin (Le Nouvelliste, bourré de fautes et d’impropriétés). Et la liste se poursuit (une bibliothèque publique ouverte deux heures semaine, tenue par une bénévole depuis 30 ans, etc.).

  4. vieux bandit

    (Je tiens à le préciser… le métro tantôt… C’était pas ma faute, hein! Coïncidence!)

  5. Suzanne Lepage

    J’ai Xplornet et c’est vraiment pas fort!

  6. Ronald Houde

    Le Québec a besoin que ses leaders politiques arrêtent de voir l’internet comme un moyen de s’amuser ou d’accéder aux sites pornos et se doivent d’établir au plus sacrant une politique sur la mobilité du savoir. Cette politique, à mon avis, aurait comme point central l’accès pour tous les québécois à l’internet de l’école, du travail comme de la maison; à une bande passante égalant ce qui se fait de mieux dans le monde; et ce à un prix abordable.
    Assez de ce libre marché où les gros fournisseurs saignent les marchés urbains lucratifs, déploient les nouvelles technologies au compte goutte et évitent comme la plaie les régions.
    L’économie du savoir n’est plus un luxe pour la société québécoise, c’est une nécessité.

  7. carole laferriere

    Même problème ici en région Chaudières Appalaches
    la seul possibilité pour nous ici c’est la station turbo de Bell qui coupe au moins 10 a 15 fois par jours et qui deviens super lent et ça sans compter le cout de 45$ pour 3 minable Go. ou allons nous aujourd’hui avec 3 Go, c’est a peine si on peut gérer les mises a jours et courriels.
    Grand temps que le Québec ce réveille et offre de meilleur service et entre enfin dans le monde moderne.

  8. Roger Guévremont

    C’est une réalité que tous les gens de la campagne connaissent. Si on n’a pas accès aux grands fournisseurs (Vidéotron, Cogéco, etc.), on est dans le trouble.

    Je travaille de mon domicile à Ste-Adèle comme consultant Internet et je fais du travail en référencement et je ne suis pas encore au tiers monde (merci Cogéco).

    Par contre, à mon chalet à Nominingue, le seul accès à Internet est par modem téléphonique 56K: vous avez bien lu: MODEM 56K.

    C’est d’ailleurs un débat récurrent dans cette région: comment obliger les fournisseurs à desservir tous et chacun.

    Plusieurs comparent ce débat actuel à l’électrification du Québec au début de XXe siècle qui a divisé la province en 2 classes sociales distinctes: les branchés et les non-branchés.

  9. Martin Miron

    Bonjour,

    Votre critique est totalement vrai que l’accès à un réseau internet à haut débit permet à une région de s’émanciper et d’attirer des professionnels du savoir.

    Nous habitons en région dans le creux d’une montagne (dans le bois), mais nous sommes chanceux car nous avons profité d’une vision avant-gardiste début 2000 de faire de notre petit village une “ville branchée”. Le résultat est que la plupart des zones de la municipalité (Bromont) ont le service haute vitesse de Vidéotron avec tous les services que vous pouvez avoir (nous avons 20Mbps en download et 10Mbps en upload, pouvant être augmenté).

    La solution à votre critique est à mon avis citoyenne et la mobilisation nécessaire pour faire installer un réseau à haute vitesse dans sa région. Plusieurs initiatives ont été menées entre autres dans Brome-Missisquoi dans le coin de Sutton et autre, mais je me connais pas les résultats.

    Nous restons néanmoins loin des offres de services trouvés ailleurs tant au niveau des prix (notre facture moyenne mensuelle pour téléphone-internet-câble est rendue à 160$/mois!!!! Sans compter les cellulaires qui représente un autre 150$) que de la qualité du service.

  10. Benoît Ouellet

    Bonjour Michelle,

    après avoir lu ce billet je suis retourné voir “quand” tu l’avais publié… tu aurais bien pu commencer à publier tes “best of” et nous proposer un billet de 2003! Mais non, il s’agit bien de la situation en 2013!!! N’est-ce pas pathétique?

    Mais au-delà des technologies proposées, nous avons un très sérieux retard culturel en tant que société modèle (sic)(!!!), le problème est beaucoup plus l’incompréhension devant la puissance et des possibilités du net. L’encrassement dans les préjugés et perceptions (comme le dit si bien Ronald Houde) de nos “vieux” leaders politiques. Ce ne sont pas les gros fournisseurs de services qui vont aller brasser la cabane pour que ça change… quand même!

  11. Jean-François Garneau

    Bonjour Michelle,
    Une personne franche et compétente comme vous pourrait signaler une stratégie parfaite de développement régional, chiffres à l’appui, au gouvernement québécois. Vous ne risqueriez pas de passer inaperçue, ne serait-ce que pour ne pas se faire reprocher d’avoir négligé un excellent conseil pendant que le Plan Nord pour tous continue d’avaler des millions qui n’auront pas l’effet dynamisant (ce serait plutôt dynamitant) d’un réseau abordable et rapide.
    Bonne chance!