De la confiance distribuée

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Comme il arrive quelquefois, les commentaires dans mon blogue ont une pertinence qui me fait rougir. C’est le cas avec le commentaire du copain anthropologue et prof d’université Alexandre Enkerli qui discourt de confiance distribuée, en réponse à mon billet De la communication unidirectionnelle dogmatique à la communication multidirectionnelle égalitaire. Un concept que je trouve des plus intéressants…

Un effet combiné des changements sociaux et des changements technologiques que l’on observe depuis une quinzaine d’années, c’est aussi que «la confiance est distribuée». Si «distribuée», en fait, qu’une pratique régulière du sens critique est encouragée. D’une part, la parole dogmatique fait désormais moins l’objet d’une confiance aveugle. Plusieurs journalistes ont, après tant d’années, énormément de difficulté à concevoir ce changement. Par ailleurs, la parole d’autrui est mise dans un contexte d’analyse qui est plus «égalitaire» et «relativiste»: plutôt que de se fier aux gens, plus en plus de gens tentent de remettre l’information en contexte et de chercher ce qui se cache derrière cette information. Après tout, le rapport entre information et connaissance demande un contexte de compréhension.
Trois corollaires qui semblent aller dans des directions opposées.
Il y a d’abord une tendance à accorder foi aux propos qui semblent faire l’objet d’un «consensus de base». Si un discours donné semble avoir été accepté par une majorité de personne (parmi celles avec qui on communique; fort potentiel pour un effet de «clique»), on a tendance à accorder plus de poids à ce discours. Lorsque le discours en question est aussi énoncé comme dogme, l’effet peut sembler être celui de la parole dogmatique. Mais c’est plutôt le côté «mouton» de la démocratisation du message. Surtout lorsqu’il s’agit de groupes assez homogènes (comme on en trouve temps, en-ligne!).
Ensuite, il y a une tendance à accorder beaucoup de poids aux voix les plus discordantes. D’où les rumeurs, théories du complot, débats sans issue, etc. Comme le disent les Anglophones, «c’est la roue qui grince qui sera huilée». Pas que les gens en général font davantage confiance à ces voix discordantes. Mais ces voix sont plus audibles qu’auparavant. Le principe de l’agora poussé à l’extrême. (Le terme “soapbox” est fort approprié.)
Finalement, il y a toute la question de l’influence, qui comporte plusieurs dimensions. En contexte de dogme, ce sont ceux qui énoncent le dogme qui semblent être en mesure d’influencer. Une base toute simple de l’hégémonie. Dans un système proprement multidirectionnel, l’influence serait «distribuée»: chacun aurait sa propre influence dans sa propre sphère (avec potentiels chocs d’influences opposées). Nous vivons présentement dans un contexte hybride, qui accorde encore une certaine place au dogme même si la tendance au multidirectionnel (“many-to-many”) semble inéluctable. Il n’est donc pas surprenant de voir que certains individus conservent, par notoriété, un type particulier d’influence (dont certains se gavent). Mais, «si la tendance se maintient», nous devrions assister à la disparation du l’influence unidirectionnelle univoque.

On peut toujours rêver. Et observer les comportements de divers groupes, qui diffèrent dans leurs approches de la connaissance et de l’information.

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Commentaires

  1. Alexandre

    Merci pour le ping et pour la «rediffusion». Bien content que mon commentaire ne soit pas tombé dans l’oreille d’une sourde. 😉
    (Par contre, je me rends compte que j’ai fait des fautes d’inattention. Oups! Pas très professionnel, pour un chargé de cours.)

  2. Michelle Blanc

    T’en fais pas, c’est l’écriture automatique qui vient avec le blogue. C’est normal de faire des fautes et ça impressionne de savoir que ça a été écrit d’un seul jet…

  3. Alexandre

    @Michelle En fait, c’est ma nouvelle technique, de ne pas vérifier mes commentaires avant de les soumettre. J’apprends à être plus spontané.