Un texte puissant contre la transphobie médiatique de Michel Beaudry du Journal de Montréal

Je suis profondément touchée de lire le texte de Claude Bordeleau, qu’il a mis en commentaire à la suite de mon statut à propos de la chronique transphobe de Michel Beaudry du Journal de Montréal. Le voici:

C’est au top ten des fois où j’ai eu le plus mal de ma vie.

Ma sœur s’est suicidée la semaine dernière. Elle était en processus de changement de sexe pour être reconnue comme la femme qu’elle était.

J’ai eu la malchance le lire le ‘billet d’opinion’ du 6 mars de Michel Beaudry dans le Journal de Montréal cette semaine.

L’objectif d’un éditorial est de mettre de l’avant un point de vue. Parfois controversé, souvent polarisant, l’éditorial sert de plate-forme permettant de donner une personnalité propre au média dans lequel il est publié.

En lisant Michel Beaudry, je ne perçois que de la haine, de l’intimidation et de l’immaturité. Je ne lis aucun message pertinent, si ce n’est que de tenter de justifier son intolérance sous le couvert de la plaisanterie et de la vulgarité populiste.

J’adore l’humour noir et irrévérencieux. Cependant, l’humour sans message et sans contenu n’est qu’un corps gras insipide qui bouche les artères de notre cœur collectif. L”humoriste’ Gab Roy a été à juste titre vilipendé pour n’avoir pas su faire cette distinction. Qu’un éditorialiste publié dans un de nos principaux médias provinciaux puisse propager l’intolérance sans représailles est une honte pour le journalisme. Non seulement le fond de sa chronique est ignoble, mais la forme est d’un amateurisme gênant.

Les journalistes ont une responsabilité qu’ils devraient assumer avec dignité. Les transgenres démontrent déjà un courage admirable en affrontant quotidiennement les quolibets et les regards désapprobateurs d’inconnus. Comment apprendre à bien vivre dans sa peau quand les bully de l’école secondaire se voient récompensés avec un piédestal médiatique? L’influence insidieuse des propos irresponsables de M Beaudry ne sont pas à sous-estimer. Encourager de tels préjugés arriérés peut suffire à étouffer le bourgeon de l’estime naissante d’une âme souffrante.

J’ai foi en la bonté humaine et je présume que M Beaudry a écrit sa chronique en toute candeur. Qu’il ne réalise pas les responsabilités inhérentes à son travail. Que l’humour qu’il a vu dans la situation n’est pas causé par un manque d’empathie psychopathique, mais par l’ignorance. Qu’il aura la décence de s’excuser pour son attaque publique et personnelle envers quelqu’un qui doit déjà quotidiennement faire face à de grands défis.

Ma réponse:

Ouf Claude. Mes plus sincères condoléances à toi, ta famille et aux amis de ta soeur. C’est justement pour tenter de sauver des vies, ne serait-ce qu’une seule, que j’ai décidé il y a maintenant 10 ans, de parler haut et fort et d’exprimer ce que c’est que d’être trans et de me battre pour les droits de cette population dont les taux de tentative de suicide sont de 33%, ce qui est le taux le plus élevé de tous groupes socio-démographique. Ton texte me fait mal et je suis triste d’avoir perdu une soeur en devenir. Mais ton texte permettra je l’espère, d’ouvrir les yeux et les coeurs du trop grand nombre de transphobes qui persiste encore. MERCI

Pour lire le texte particulièrement dégueulasse de Beaudry:

C’est au top ten des fois où j’ai le plus ri dans ma vie. Tôt un samedi matin, en ligne à la caisse des entrepreneurs au Réno-Dépôt. Devant moi, une femme, grande, corpulente, blonde, pas vraiment jolie et exagérément maquillée. Lorsqu’elle tend sa carte de crédit, la caissière alterne son regard entre les yeux de la cliente et sa carte. Et la caissière lance spontanément : « Ben là… » Je ne comprends pas ce qui se produit. L’employée de Réno-Dépôt, qui voit bien que je suis préoccupé par ce qui se passe, se tourne vers moi et me dit : « Elle s’appelle Jacques… » Je ne comprends toujours pas, mais la blonde s’impatiente. « Ben oui, je m’appelle Jacques. C’est pas de tes affaires, ça, câlisse ! » Et, ensuite, toujours très offusquée, elle empoigne sa propre chevelure, lève sa perruque découvrant un crâne d’homme rasé et conclut en disant à la caissière de manger vous savez quoi. Elle fout le camp sans payer, abandonnant du même coup des achats à la caisse.

INOUBLIABLE

Une scène de film de Louis de Funès. Lorsque j’ai vu la tronche de ce gars sous la perruque, je n’ai pu m’empêcher d’éclater.

Rajoutez le rire aussi soudain et encore plus fort de la caissière. Je n’étais plus capable de m’arrêter. Je ne faisais que croiser les yeux de la caissière et je repartais dans mon délire… j’en ai pleuré. En route pour la maison, je ne faisais que revoir cette séquence de la perruque et je m’esclaffais instantanément. Je devais me concentrer de toutes mes forces pour ne plus y penser et cela a duré des semaines.

Statistiques des personnes transgenre (tiré du site de l’ATQ)

  • 78% rapportent avoir été victimes de harcèlement verbal
  • 48% ont même été victime d’assaut (armé ou sexuel).
  • 40% des patients suivis en clinique d’identité du genre en Alberta entre 1996 et 2008, ont eut recours à une chirurgie de réassignation sexuelle.
  • De façon générale, 10% des crimes contre la personne au Canada ont des motivations reliées à l’orientation sexuelle! Ce nombre atteint 17% au États-Unis!
  • 8.3%(1/12) des personnes MTF aux États-Unis courent la chance de se faire tuer alors que le taux normal est de 0.005% (1/18000). C’est 1500 fois plus élevé.
  • 34% des personnes trans obtiendront un diplôme d’étude supérieure contrairement à 27% dans la population générale.
  • 70% ont déjà pensé au suicide et entre 33% y ont déjà eu recours.
    Le taux de suicide est 20 fois moins élevé une fois que les personnes trans « traité » pour leur trouble de l’identité que chez les « non-traité »
  • 24% utilisent des hormones du marché noir.

L’humour à l’ère du web 2.0… et la transphobie

Si le rire relève de la moquerie, de la méchanceté, alors ce n’est plus de l’humour.

Dans un article de janvier 2012 de La Presse L’humour, une soupape on pouvait lire:

«Non, on ne peut pas rire de tout», écrit Gilbert Cesbron dans son livre Journal sans date. «Pas de ce qui touche les gens de près. Un comique qui dégrade les valeurs qui le sont déjà – et c’est un piège – tombe dans la vulgarité… Le comique doit être responsable. S’il fait rire, c’est d’une façon qui doit rester honorable. Les limites de l’humour, c’est le respect de l’autre.»

(…)Je signale trois authentiques humoristes. D’abord, Muriel Robin. Elle affirme que l’humour est une arme dangereuse. Aussi, dit-elle, les meilleurs savent faire rire les gens sans les blesser. Pour que le rire fonctionne, il faut que les valeurs résistent, ou alors, c’est l’ère du vide. Nous risquons aujourd’hui de désenchanter le rire.
Raymond Devos débite sans rire que «le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter». Coluche aura le mot de la fin: «Je ferai remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé».

Ce matin, dans un billet Didier Heiderich, Le destin tragique du Web 2.0 on peut lire :

Episode #twitclash
Janvier 2013. Vif échange sur le réseau social Twitter . Un universitaire reconnu internationalement pour ses travaux en communication poste un tweet pour signaler sa dernière interview dans un grand quotidien national. Aussi tôt, un débutant, tout juste sorti d’une école de communication où enseigne l’universitaire lui rétorque sur Twitter que ses réponses à l’interview sont « LoLesques » ce qui doit signifier dans son étrange vocabulaire qu’il déconsidère le propos du spécialiste. L’adulescent travaille dans une agence de communication connue et ses tweets laissent imaginer qu’il se prend particulièrement au sérieux. L’universitaire lui répond poliment, lui fournit un lien vers une étude sémiotique. Pourtant le jeune homme, aux contours typiques de la génération Y , s’enflamme pour mieux se moquer de l’universitaire, précise qu’il n’est pas du même avis que l’analyse fournie à la presse, qu’il préfère les bloggeurs aux soi-disant experts. Il continue en écrivant que l’universitaire « fait de la com à la papa.» Un doctorat, de multiples recherches, une connaissance approfondie du sujet, des expériences de terrain et internationales : tout est balayé en un seul tweet. Fin de l’épisode, le spécialiste se retire poliment et abandonne le jeune homme à son impolitesse et ses prétentions. Cet épisode simplifié pour les besoins de l’article, est tiré d’un échange réel entre protagonistes de même nature, et que j’ai pu observer.
(…)
(à propos du web 2.0) a profondément muté pour laisser place à l’urgence de produire de l’information, de l’opinion, de l’insignifiant, de l’éphémère, dans un évanouissement sans lendemain et un égalitarisme béat. Tocqueville écrivait « Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères.»
Ainsi, le Web 2.0 a peut être pour destin tragique de nous distraire plus que de nous informer, de nous dispenser de lectures profondes au profit de quelques caractères, de nous conforter dans nos opinion plutôt que de développer l’esprit critique, de nous contraindre à l’instant, de construire une société du « LoLesque », pressée par ses désirs, une société du banal qui cherche à se débarrasser de ses angoisses par une production répétée de soi, jusqu’à l’absurde – s’il le faut -, dans un perpétuel et insignifiant présent.

De l’homophobie et de la transphobie
Dans un ancien pamphlet du site homophobie.org, on pouvait lire

L’humour a pour but de faire rire. Quoi de plus facile que de faire rire aux dépens des autres, y compris les personnes homosexuelles, comme c’est encore trop souvent le cas. Pour s’en défendre, certains accuseront les gais et les lesbiennes de ne pas savoir rire. Au contraire, ils et elles aiment rire, lorsque c’est drôle! La ligne de démarcation entre l’homophobie et l’humour est parfois très mince. Vaut-il la peine de blesser quelqu’un pour en faire rire d’autres? Nous ne le croyons pas!
L’humour homophobe doit être dénoncé!

Ce matin (encore) plusieurs personnes bien intentionnées me font suivre le statut Facebook d’un groupe d’humoristes qui semblent affiliés à Juste pour Rire. On peut y lire

Michelle Blanc devrait jouer au football. Sa transformation est déjà faite pis personne veut faire de touché dans sa zone.

Au moment d’écrire ces lignes, 2015 personnes « like » ce statut, il est repartagé 14 fois et plusieurs commentaires rajoutent une couche d’insultes à ce qu’ils considèrent « de l’humour ».

Par ailleurs, Steve Foster dans le plus récent Fugue, revendique le changement de nom de la lutte contre l’homophobie pour y inclure la transphobie dans sa chronique Journée contre l’homophobie et… la transphobie!.

Que le Ministère de la Justice, le Bureau de lutte contre l’homophobie, la CDPDJ, les Commissions scolaires, etc. parlent d’une Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie et soutiennent les initiatives allant dans ce sens, les placerait aux côtés d’instance, à travers le monde tel que l’Organisation des Nations Unies, l’International Gay & Lesbian Human Right Commission, la Commission des droits de la personne du Nouveau- Brunswick, le Toronto District School Board, l’Église Unie du Canada, le Toronto Pride, le Robert F. Kennedy Center for Justice & Human Right, Egale Canada, l’Union européenne et j’en passe.

En fait, en incluant la transphobie dans la journée du 17 mai, nous tous, gouvernement, institutions, syndicats, ONG, groupes ne
ferons que mettre en pratique ce que dit si bien Mme Aschton «lorsque l’on parle des droits des lesbiennes, des homosexuels, des bisexuels, des transsexuels et des intersexués, il ne s’agit pas d’introduire de nouveaux droits pour un groupe de personnes, mais bien d’appliquer les mêmes droits humains à chaque personne…»

Soyons inclusifs, soyons solidaires. Longue vie à la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie!

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MAJ

Ce matin j’ai donné une entrevue en anglais à la radio CBC à l’émission Quebec AM avec Susan Campbell

Yesterday, a comedy duo from Montreal, called Sèxe Illégal, posted this comment on their Facebook page: “Michelle Blanc devrait jouer au football. Sa transformation est déjà faite pis personne veut faire de touché dans sa zone.”
The comment reads, Michelle Blanc should play football. Her two point conversion is done and nobody wants to touchdown in her end zone. Sèxe Illégal have more than 18-thousand followers. Some 40 people commented on the post. More than 200 liked it and a dozen or so people shared the post. One of those people is Michelle Blanc herself who posted the comment on her blog and on twitter, writing: “On apelle ca de l’humour.” We call this humour.
For those of you who don’t know her, Michelle Blanc is an author, speaker, business woman and a world renowned blogger specializing in e-commerce, online marketing and social media. She is also transgendered. To get her reaction to the comment made, we’ve reached Michelle Blanc from her home in Montreal.

L’entrevue 8min11

Le site de l’Université d’Alberta dont je parlais durant l’entrevue http://www.nohomophobes.com/

De l’homophobie et de la transphobie ordinaire

De devenir une personnalité publique attire son lot de connards. Mais même sans être une « veudette », de seulement être différent est difficile à vivre et les regards, les moqueries et les insultes sont encore chose courante dans notre société qu’on clame à tord, être ouverte sur la différence. Dans ma propre famille, je suis exclue des célébrations des fêtes, des partys d’anniversaire et d’une foule d’autres événements familiaux parce que ma différence n’est pas acceptée par tous. J’appuie et je vous invite à appuyer aussi la Fondation Jasmin Roy, le GRIS, Fierté Montréal et les autres organisations permettant à la société de se débarrasser de l’homophobie et de la transphobie qui fait perdre tant d’énergie et qui brise malheureusement la vie des plus faibles qui n’ont pas les ressources intérieures pour affronter le mépris quotidien.
Voici donc deux exemples de ce matin, d’homophobie ordinaire. Je protège l’identité de ces connards parce que je ne veux pas qu’ils vivent l’ostracisassions qu’ils font vivre aux autres, mais parce que ces exemples prouvent aussi que la hargne anti-gai existe malheureusement encore.