La piètre qualité des services internet québécois nuit aux exportations

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J’ai passé les dernières semaines en région. Non je n’étais pas à Kujuak, mais ça aurait certainement été mieux puisqu’étonnamment, le Grand Nord aura des services internet de meilleure qualité que les régions mitoyennes aux grands centres. Toujours est-il que j’ai rencontré ou travaillé avec des hôteliers, des manufacturiers, des producteurs laitier et fromager émérites, des détaillants ou des pourvoiries de l’Estrie, des Laurentides ou de Lanaudière. Tous, sans exception, ont de méchants problèmes de connectivité internet. Tous paient très cher pour un service médiocre. Tous veulent vendre en ligne, mais ne peuvent que très difficilement le faire. Le réseau internet est trop poche.

Ce matin j’étais avec un entrepreneur touristique dont le marché principal est en France. C’est le propriétaire d’une pourvoirie haut de gamme. Ces clients, majoritairement français, achètent ses services depuis son site qui est hébergé en France. Mais pour se brancher à celui-ci depuis ses installations de Ferme-Neuve, c’est l’enfer. Heureusement qu’il y a encore le téléphone, des grossistes et des transporteurs aériens qui peuvent temporiser son manque de connexion Internet et parler et vendre à ses clients à sa place. Tout comme moi qui ne suis qu’à 100km de Montréal, le seul fournisseur disponible est le fameux Xplornet … du Nouveau-Brunswick. L’Internet Satellite à soi-disant 10MBPS pour un prix de fou. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est l’internet avec les petites criss de soucoupes sur le toit des habitations ou dans des poteaux (prononcer pôto puisque je viens de Québec 🙂 ) comme celui que je me suis fait installé pour la modique somme de 500 $. C’était ça ou je devais faire couper une dizaine de pins centenaires pour avoir un signal. Toujours est-il que lorsque ça marche, c’est poche et s’il neige, grêle ou s’il pleut trop fort, plus de signal du tout. D’ailleurs, je me suis patenté un balai télescopique de 16,5 pieds strictement pour enlever la neige qui se dépose sur cette soucoupe. Je suis chanceuse, ça pourrait être sur le toit et là, monter sur le toit à chaque fois qu’il neige juste pour pouvoir profiter d’un signal minable, ce n’est pas le Pérou (qui eux par contre, jouissent d’un service internet même dans les coins les plus reculés).

Nous discutions de ce problème majeur et il me disait que lorsque les Touristes Français débarquent et qu’ils sont plus que deux à vouloir se servir d’internet pour raconter à leur pote d’outre-Atlantique à quel point leur voyage est extraordinaire, et ainsi les inciter à venir faire un tour eux aussi, 5MBPS divisé entre 10 personnes, oubliez ça. Votre page Facebook ne s’affiche même pas. Vous pouvez toujours envoyer un courriel qui prendra 10 minutes à s’envoyer si vous n’y ajoutez pas une seule photo. Skype, Facebook messenger, Facetime, instagram et autre, impossibles. Je lui disais qu’il pourrait toujours s’installer une dizaine de soucoupe et de modems avec la dizaine de comptes pour chacun d’eux, mais on parle ici de plusieurs milliers de dollars par mois pour un service par usager pire que la basse vitesse à Montréal. C’est, disons, surréaliste.

Lorsque je parle à des détaillants, je leur explique qu’il faut que leur site soit « responsive », c’est-à-dire qu’il s’adapte aux écrans mobiles. Mais ils ne le feront pas pour leurs clients qui ont des connexions sans fil déficientes dans leur coin. Ils le feront juste pour ne pas être pénalisés par Google et son algorithme de classement des sites web. Je parle aussi à une dame propriétaire d’une entreprise manufacturière qui vend à la grandeur de l’Amérique. Elle le fait au téléphone. Elle a bien un site web, mais pour le transactionnel, faut oublier ça. Elle ne pourrait que très difficilement recevoir ses commandes. Elle pourrait par contre s’ouvrir un bureau à Montréal, strictement pour prendre ses commandes internet et se les transférer par fax en Estrie. C’est bien beau de dire aux entrepreneurs qu’ils se doivent d’être en ligne, qu’en Chine 8 millions d’entreprises vendent en ligne dans 120 pays, ici au Québec, si on n’est pas à Montréal, Québec, Sherbrooke, Gatineau ou Trois-Rivière, juste à 20 km de ces villes, c’est le Nouveau-Brunswick notre seul fournisseur* (Xplornet) avec un service qui ferait faire une dépression à un entrepreneur Chinois ou Péruvien…

*Note: Chez moi, Bell Canada est aussi disponible avec son Turbo Hub 3G (Internet sur ondes cellulaires) mais les prix sont si prohibitifs pour la bande passante, qu’en contexte d’affaires, ça en devient d’un ridicule à peine consommé… Et faut-il que les ondes cellulaires se rendent, ce qui très souvent n’est pas le cas. Chez moi, j’ai dû ajouter un “booster” (de modèle ZBoost) de signal cellulaire, juste pour recevoir un signal correct…

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Commentaires

  1. La Blague de IEDM et du CRTC à propos de l’internet haute vitesse au Canada Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière, auteure et membre UDA

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