The Social Network, le film et la réalité

Lorsqu’on va au cinéma, on sait de prime abord qu’on va nous faire du cinéma. À moins que ce ne soit un documentaire, ou une biographie, on sait que les coins seront tournés rond, que ce « sera arrangé avec le gars des vues », bref, que ce sera de la fiction. J’aime bien la fiction. La fin de semaine dernière je suis allée voir « The social network », pas parce que j’en avais réellement le goût, mais parce que deux médias voulaient avoir mon avis là-dessus. Le premier média voulait que j’aille à un visionnement de presse avec ses journalistes, et que je réserve mon opinion strictement pour leur chaîne. À cause d’un conflit d’horaire, je n’ai pu y aller et en discutant avec la répartitrice, elle me dit que finalement ils avaient décidé d’y envoyer plutôt un avocat, afin d’avoir une opinion juridique sur les poursuites contre Zuckerberg dont il est question dans le film. Le deuxième média, veut avoir mon opinion pour une une chronique à venir. J’y suis donc allée voir ce « phénomène » qui se présente avec les tags Line « You don’t get 500 million friends without making a few ennemies » et « A story about the founders of the social-networking website, Facebook ». On se croit donc dans une bio de ce qui s’est produit lors de la naissance de Facebook et l’on comprend que Zuckerberg s’est fait quelques ennemis.

WRONG

Vous êtes ici dans la fiction. De la pure fiction. Oui il y a bien un Mark Zuckerberg qui a fondé Facebook. Il est bien allé à Harvard et a eu effectivement des démêlés légaux avec ses coactionnaires. Mais ça s’arrête là. Le reste est une pure invention. C’est ce que confirme TheNewRepublic dans l’article Sorkin vs. Zuckerberg, Jeff Jarvis (qui connaît personnellement les personnages principaux) dans son billet The antisocial movie de même que BusinessInsider dans une série d’articles.

The Facebook Movie Is An Act Of Cold-Blooded Revenge – New, Unpublished IMs Tell The Real Story

At Last — The Full Story Of How Facebook Was Founded

The 10 Most Glaring Lies In “The Social Network”

et

Reminder: “The Social Network” Victim Eduardo Saverin Is A Billionaire

Je suis tout à fait d’accord avec Jarvis lorsqu’il dit :

The movie violates privacy, smears reputations, makes shit up—just what the internet is accused of doing, right? Oh, it’s entertaining, in a dark way, as much as watching the pillorying of witches used to be, I suppose. For The Social Network, geeks and entrepreneurs are as mysterious and frightening as witches.

(…)

The Social Network is the anti-social movie. It distrusts and makes no effort to understand the phenomenon right in front of its nose. It disapproves—as media people, old and neonew, do—of rabblerous (or drunk or drugged-up or oversexed) masses doing what they do. Ah, but its fans will say, it’s really just a drama about a man. But that’s where it fails most. It can’t begin to explain this man because it doesn’t grok what he made—what he’s still making (“We don’t even know what it is yet,” Zuckerberg says in the movie, “It’s never finished”).

The Social Network is the anti-geek movie. It is the story that those who resist the change society is undergoing want to see. It says the internet is not a revolution but only the creation of a few odd, machine-men, the boys we didn’t like in college. The Social Network is the revenge on the revenge of the nerds.

D’ailleurs, il semble que son point de vue soit aussi partagé par les jeunes. Dans The New York Times, on peut lire Film Version of Zuckerberg Divides Generations :

Many older people will watch the movie, which was No. 1 at the box office last weekend, and see a cautionary tale about a callous young man who betrays friends, partners and principles as he hacks his way to lucre and fame. But many in the generation who grew up in a world that Mr. Zuckerberg helped invent will applaud someone who saw his chance and seized it with both hands, mostly by placing them on the keyboard and coding something that no one else had.

C’est  l’un de mes problèmes avec ce film. Les gens se font une idée des médias sociaux et cette vision est clivée au niveau générationnel, tout comme dans la vraie vie. Sauf qu’ici, les bases sont complètement et artificiellement fabriquées. Comprenez bien que je me fou de comment les gens peuvent percevoir Zuckerberg, mais je suis vraiment triste de réaliser que ce film va permettre de cristalliser des « mythes » qui sont déjà dans la tête de bien des gens à propos des médias sociaux, et que je m’efforce de détruire depuis bientôt 10 ans. M’enfin… ainsi va la vie… La vraie, pas celle d’Hollywood…