Les problèmes avec Wix, Web.com, Votresite.ca Liki.com et autres faites-le vous-même

(Mise à jour: François Charron a répliqué à ce billet Faites vos devoirs svp Mme Blanc! ce à quoi je lui ai répondu Votresite.ca et François Charron vs Michelle Blanc)

Au tournant de 2005, les crédits d’impôt à la R ET D numérique avaient vu naître une multitude d’entrepreneurs qui avaient tous inventé le CMS (Content manager system → Gestionnaire de contenu) qui devait révolutionner la planète. Je ne me souviens plus le nombre d’entrepreneurs que j’ai rencontrés pour leur dire que leur solution existait déjà et que leur version de « faite-le vous-même » (FLVM) avec ma cochonnerie se comparait mal avec ce qui existait déjà .

Durant presque 10 ans, je voyais encore des logiciels de mise en ligne propriétaire (dont l’outil appartient au fournisseur et pour lequel le client pait en croyant avoir la propriété de son site), mais disons que le phénomène de la soi-disant « magie du facile et performant » avait pratiquement disparu. Mais depuis 2013, cette tendance au « faites-le vous-même » revient en force. C’est d’abord Wix qui a inondé Facebook de publicités faisant l’apologie de sa magie. S’en est suivi une avalanche de copycat et d’hébergeurs qui ont tous proposé de vous mettre en ligne plus facilement, rapidement et moins cher que la concurrence.

Ainsi vous avez Godaddy qui vous propose pour 2 $ par mois d’acheter votre nom de domaine et de créer et d’héberger votre site. Ils disent même :

Apprenez à créer avec une rapidité et une facilité déconcertantes un site Web grâce à notre créateur de sites Web maintes fois récompensé.

Ce qui est déconcertant est que des gens d’affaires tombent dans le panneau.

Au Québec, vous avez le même genre de situation avec François Charron qui a fait le tour du Québec avec son initiative Branchons les PME et durant laquelle il vantait les mérites d’être sur sa propre plate-forme Votresite.ca. De même, lors d’un récent reportage de RDI économie on vous présentait l’autre bouton à quatre trous, Liki.com, sur lequel vous pourriez faire un site web transactionnel en moins d’une heure.

En fait ils ont tous raison. Ils disent la vérité lorsqu’ils prétendent que vous pouvez être en ligne rapidement et à peu de frais (quoique cela soit très relatif puisque les coûts afférents s’additionnent très rapidement). Cependant, le serez-vous efficacement et avec des résultats et de la visibilité? Là est toute la question. Ce n’est pas parce que vous achetez un encadré dans le feuillet paroissial que vous pouvez vous targuer de faire de la publicité…

Avant d’illustrer les nombreux problèmes de ces différentes plates-formes, je souligne quelques points positifs que je leur trouve. Tout d’abord, vous aurez certainement un sentiment de réalisation personnelle et la fierté d’avoir fait vous-même votre site web. C’est déjà ça. Par ailleurs, si on vous cherche par votre nom, il y a de fortes chances que l’on vous trouve. Mais dans ce cas, on ne parle certainement pas d’acquisition de clients. Si on vous cherche par votre nom, c’est qu’on vous connait déjà. Mais vous pourriez avoir exactement le même résultat, et ce tout à fait gratuitement. En effet, GoogleMyBusiness vous donnera le même résultat et vous n’avez qu’à vous y inscrire et à vous monter un profil. Vous pourrez y ajouter des photos et des textes, tout comme ces plates-formes vous le proposent. De surcroit, depuis maintenant quelques mois, ces présences GooglemyBusiness se classent même avant ceux des pages jaunes qui sont pourtant payantes, pour des requêtes génériques comme « plombier à Verdun ». Ce qui risque d’être drôlement difficile à faire (voire impossible) avec les plates-formes présentées plus haut.

Les nombreux problèmes des faites-le vous-même

Une limite de thèmes sans originalité

En affaire et surtout en commerce de détail, votre brand et votre personnalité ont de l’importance. Avec les « faites-le vous même » vous aurez le même look que des milliers d’autres sites. D’ailleurs, vous choisirez probablement le thème qu’offre le FLVM que vous trouvez le plus beau. Il y a de fortes chances que tous ceux qui sont avec ce même FLVM, choisissent aussi le même thème. Difficile de se démarquer dans ce contexte.


Un référencement médiocre voire, inexistant

La majorité des FLVM sont en sous-domaine du domaine du fournisseur. Ainsi, votre URL sera quelque chose comme « XYZ.votresite.ca ». Ce sera vraiment très bon pour « votresite.ca », mais pour « XYZ », ce ne sera pas des plus performant. Ils vous permettront de rediriger votre « XYZ.ca » vers « XYZ.votresite.ca », mais dans les faits, votre URL ne sera qu’un masque de l’URL prédominante qui restera « XYZ.votresite.ca ». Par ailleurs, en octobre dernier, les sites de la populaire plate-forme Wix étaient éjectés de Google. Déjà qu’ils n’y figuraient pas très bien. Aussi, la majorité des sites fait avec les FLVM (voir la totalité) ne sont pas « web responsive » c’est-à-dire qu’il ne s’ajuste pas aux téléphones mobiles et aux tablettes. Google pénalise très fortement les sites qui ne sont pas adaptés aux mobiles dans son algorithme de recherche.

Les options et outils de référencement et les outils statistiques y seront minimaux, voire inexistants. Ce dernier point est probablement bénéfique. Dans le fond, il est peut-être mieux pour votre égo de ne pas savoir à quel point personne ne visitera votre site.

Le hold-up possible de votre nom de domaine

L’un de mes clients a fait affaire avec l’un de ces FLVM et après une expérience difficile et peu productive, décida de faire construire son site et de s’héberger lui même. Malheureusement son fournisseur ne voulait pas lui redonner son nom de domaine hors de sa plate-forme.

Vous n’êtes pas chez vous

La pérennité de votre investissement internet et marketing est entre les mains de quelqu’un d’autre qui peut, sans préavis fermer, être vendu ou décider que votre site, votre boutique ou vos contenus ne répondent plus à leur politique d’utilisation. Tout comme je le dis souvent pour les gens qui sont sur Facebook, vous n’êtes pas propriétaire, vous êtes locataire avec tous les inconvénients que cela comporte. Aussi, si un jour vous décidiez d’avoir votre propre site web, vous pourriez perdre une partie importante, voir la totalité, des efforts et des coûts associés à l’investissement FLVM que vous aurez faits.

Si vous avez la chance extraordinaire d’avoir une base de données client avec ces outils (ce qui dans la majorité des cas est impossible), cette base de donnée confidentielle et dont vous être légalement responsable, sera aussi partagé avec l’entreprise qui vous fournit le FLVM et pour laquelle vous n’avez aucun contrôle. Songez aussi que lorsqu’il est temps de vendre votre entreprise, la base de donnée client est l’un des actifs potentiellement très lucratifs de votre entreprise. Avec ces outils vous n’en aurez pas le contrôle ou pire, vous n’en aurez tout simplement pas.

Le Web c’est votre présence à la face du monde

Avant d’être en ligne, il est des questions primordiales comme « pourquoi y être »? En fonction de vos réponses, vous aurez à déterminer des mesures de rendement de vos efforts et investissements. Voulez-vous recruter, vendre, communiquer, influencer, faire des relations publiques ou autre? Est-ce que ces objectifs d’affaires peuvent évoluer dans le temps? Voudrez-vous ajouter des fonctionnalités au fil des mois? Ne serait-ce que de faire un simple sondage auprès de votre clientèle? Toutes ces questions cruciales risquent de trouver des réponses très décevantes.

Dans la vie, il n’y a pas de magie et lorsqu’il y en a, on appelle ça aussi de l’illusion. Pour avoir des résultats, il faut une vision, des objectifs, du travail et de l’investissement. Si faire un site web est si facile, il y a de fortes chances que de vous trouver sur le web sera par contre une tâche impossible…

Ce billet est la suite de Les magasins de vente au détail vivent ce qu’ont vécue les agences de voyages il y a dix ans

MAJ
Je viens d’apprendre à l’instant (via un statut Facebook de l’agence Nubee) que le bouton à quatre trous dont je vous parle dans ce billet, Liki.com, annonce la fermeture de sa plate-forme le 2 juillet prochain. Lorsque je vous disais que vous n’êtes pas chez vous…

Les magasins de vente au détail vivent ce qu’ont vécue les agences de voyages il y a dix ans

Depuis de nombreux mois, les fermetures de chaînes de magasins de vente au détail se succèdent. Plusieurs petits magasins ferment aussi. On croirait à une épidémie. En fait, le commerce de détail est en transformation majeure sous la pression de nombreux facteurs. Il y a certainement les transformations induites par les Power Center, la dévitalisation des centres-ville, le coût des stationnements en ville versus la gratuité des centres d’achat et des 10X30 de ce monde. Mais il y a aussi et surtout, l’arrivée des commerces en ligne. Comme je ne suis plus jeune, j’y étais lors de la transformation majeure de l’industrie du voyage. D’ailleurs, il y a plus de 10 ans, (alors que j’étais associée fondatrice d’Adviso Conseil et que je me nommais Michel Leblanc) nous avions publié plusieurs études avec la Chaire de commerce électronique RBC Groupe financier portant justement sur le commerce de détail en ligne et le tourisme en ligne.

Les agences de voyages qui vendaient des aller-retour Montréal-Toronto sont toutes fermées aujourd’hui. Pourtant, plusieurs autres existent toujours. Elles ont ceci de particulier que pour la plupart d’elles, elles sont en ligne, ont des niches particulières (voyages de groupe, pas cher, découverte des vins, tournée des châteaux, etc.) ou se spécialisent en voyages complexes dont les infos ne sont pas disponibles en lignes (comme faire un safari en jeep au pied de l’Himalaya).

Pour les commerces de détail, certains auront l’avantage de jouir encore un certain temps d’un besoin de proximité, d’urgence, d’accessibilité ou d’expérience. D’acheter sa pinte de lait en ligne n’est pas encore dans nos habitudes, même s’il est possible que ça puisse changer. Aussi, lors d’un bris de plomberie, on ne commandera pas la pièce de remplacement en ligne, mais pour refaire sa salle de bain et remplacer sa baignoire, on a de fortes chances de le faire. Ainsi, en fonction de la nature même du produit de consommation, de sa valeur et de différents autres critères, l’achat en ligne se fera beaucoup plus rapidement qu’on peut le croire. Il suffit de songer qu’après les livres, l’électronique, les produits de jardinages et outils, Amazon veut désormais se positionner dans la mode et l’épicerie en ligne.

Plusieurs détaillants souffrent de toute évidence d’aveuglement volontaire. Les agents de voyages aussi riaient du Web. Certains autres ont tenté des expériences malheureuses en ligne. D’autres, croient aux belles promesses de la facilité du genre « créer votre boutique en ligne en moins d’une heure » tel qu’il était présenté lors d’un récent reportage « spécial commerce en ligne de RDI économie » ou comme on l’a fait valoir à la grandeur du Québec avec l’initiative Branchons Les PME de François Charrron et de son bouton à quatre trous Votresite.ca. Bien certainement ces diverses solutions vous permettront d’être facilement en ligne. Mais de là à ce qu’elles vous fassent vendre, il y a un méchant pas que vous ne risquez pas de franchir avec ça. Le gros avantage de ces solutions est d’avoir réveillé bien des entrepreneurs. Mais pour réellement avoir une présence signifiante et pouvoir vendre en ligne, ça prend pas mal plus qu’une session intensive de Monsieur Charron qui vante les mérites de sa plate-forme. Ça ne prend pas non plus des centaines de milliers de dollars (quoi que tout étant relatif et pour certaines chaînes de détails ça pourrait même être plusieurs millions de dollars) mais disons qu’il faut avoir un milieu. Pour faire une image, vous pouvez prendre la boîte de carton d’un réfrigérateur, la mettre sur le bord de la rue et écrire dessus « magasin maintenant ouvert », à part vendre de la limonade à vos voisins immédiats à 50 sous le verre, vous ne ferez pas un gros tabac…

Dans un prochain billet, je vous expliquerai pourquoi Wix, Goddady, web.com, Votresite.ca et autres boutons à quatre trous, c’est comme faire de la publicité dans un feuillet paroissial en ayant l’impression d’être vu par le monde entier …

MAJ
La suite de ce billet est: Les problèmes avec Wix, Web.com, Votresite.ca Liki.com et autres faites-le vous-même