Un nouveau « buzzword » est apparu depuis quelques mois et fait couler beaucoup d’encre (une requête sur Google fait déjà apparaître 22 millions de résultats). Il s’agit du Web 2.0 (par rapport au Web 1.0 qui était le Web initial). Il a déjà ses promoteurs, ses détracteurs(i) et est déjà le piment de plusieurs rhétoriques marketing et communicationnelles qui l’utilisent à toutes les sauces. De quoi s’agit-il? Est-ce une vision technologique et d’affaires dignes d’intérêt? Voilà les questions auxquelles je tenterai de répondre.
Le guru des technologies, Tim O’Reilly a récemment mis à jour sa propre interprétation du phénomène (ii) . En fait, le Web 2.0 est l’explication de certaines des caractéristiques communes qu’auraient les survivants du crash de la bulle techno. En effet, les nouvelles applications logicielles et les modèles d’affaires qui sont en effervescence et en croissance exceptionnelle respecteraient tous des principes communs. Avant d’aller plus dans le détail, voici d’abord quelques exemples de ce qu’était le Web 1.0 versus ce que serait le Web 2.0.
À l’analyse des exemples énumérés, il apparaît que les entreprises et les applications Web 2.0 détiennent plusieurs des compétences suivantes :
1- Des services à extensibilité(iii) rentable plutôt que des logiciels emballés
2- Le contrôle d’une base de données unique, qui s’enrichit à chaque utilisation et usager supplémentaire
3- Faire confiance aux utilisateurs comme codéveloppeurs
4- Exploiter l’intelligence collective
5- L’utilisation de l’effet multiplicateur du concept de la longue queue (iv), pour le service clientèle
6- Des logiciels utilisant plus d’un type de périphérique (PDA, téléphone, ordinateur personnel, etc.)
7- Modèles d’affaires, de développement logiciel et interfaces utilisateurs allégées (v)
Le Web comme plate-forme
Le Web 2.0 serait donc une série d’attitudes, une vision voire une suite de leçons permettant d’appréhendée des succès à l’ère digitale postcrash. Ainsi donc, l’une des leçons du Web 2.0 est d’utiliser le Web comme un support informatique. Netscape était une application qui se vendait ou s’intégrait à d’autres logiciels vendus comme tels. Par opposition, Google est gratuit, réside sur le Web et est livré comme un service. Il n’a jamais de mise à jour (ils sont en développement continuel), pas de portage (vi) et sa valeur réside dans sa base de données qui est en constante évolution. Cela nous donne aussi une autre leçon. La valeur d’un logiciel est proportionnelle à l’étendue et au dynamisme des données qu’il aide à gérer.
Doubleclick utilisait le logiciel comme un service, mais l’entreprise se concentrait sur les clients corporatifs majeurs comme en fait foi la citation sur son site « over 2000 successful implementations ». Overture et Google misent sur les petits sites et sur les clients plutôt que sur les annonceurs. Aujourd’hui ils comptent des centaines de milliers de petits annonceurs et les gros se battent aussi pour faire parti de la parade. Il faut donc utiliser l’effet levier du libre-service utilisateur et des algorithmes de gestion de données pour atteindre le Web dans toute son envergure. Tout comme BitTorrent l’a aussi démontré avec son service P2P, la qualité du service s’améliore automatiquement avec la croissance d’utilisation.
Utiliser l’intelligence collective
Des sites comme eBay, Tripadvisor ou Amazon utilisent l’intelligence collective des Internautes pour peupler leurs bases de données de commentaires, de critiques et de suggestions. Ils sont passés maîtres dans l’art de la participation utilisateur et ils utilisent les données qu’ils offrent gratuitement afin de raffiner à l’infini les résultats de recherches. Cette connaissance collective, imbriquée dans leurs services, devient une barrière à l’entrée difficilement franchissable pour leurs compétiteurs.
Les données sont le prochain « Intel inside »
Mapquest tout comme Google map, Yahoo map ou MSN map utilisent les services de NavTeq et de Digital Globe. Ces entreprises font fortune en revendant les renseignements de leurs bases de données. Amazon tout comme son compétiteur Barnes and Nobles utilisent, la base de donnée ISBN fournie par l’éditeur R.R. Bowker. Mais contrairement à Mapquest, Amazon enrichit substantiellement cette base de données, grâce aux contributions continuelles des Internautes. La nouvelle base de données d’Amazon ainsi formé, devient 10 ans plus tard, « LA » source de référence d’information bibliographique mondiale la plus réputée auprès des libraires, des académiciens et des consommateurs. Imaginez ce qu’aurait pu être Mapquest s’ils avaient utilisé les internautes pour corriger les défauts des cartes ou pour encore ajouter les différents éléments qui ne sont pas présents afin d’ajouter une couche de valeur additionnelle à leur cartes. Au lieu de cela, malgré qu’ils aient été les pionniers, ils se retrouvent aujourd’hui au même point que leurs nouveaux puissants compétiteurs.
La fin des cycles de mise à jour logicielle
Il y aura plusieurs changements significatifs dans les modèles d’affaires Web 2.0. il ne sera plus nécessaire de mettre à jour les logiciels. En effet, Google se met à jour de lui-même à chaque jour. Les opérations deviennent une compétence fondamentale. Cela suit le changement de paradigme de logiciel vendu comme produit à logiciel vendu comme service. Dans cette optique, les utilisateurs deviennent des codéveloppeurs. Par exemple, vous pouvez développer plusieurs nouvelles fonctionnalités sur votre interface. Celles qui ne seront jamais utilisées deviendront alors inutiles à conserver. « Le modèle d’affaire de Microsoft requiert que chaque utilisateur mette à niveau son environnement logiciel à tous les deux trois ans. Google requiert que chaque utilisateur explore ce qui est dans son environnement Web à chaque jour ».
Les modèles de programmations légers
Amazon a développé deux types de Web services(vii) . L’un traditionnel avec SOAP (viii) et l’autre beaucoup plus léger et accessible avec XML (ix) sur HTTP dans une approche légèrement couplée avec l’utilisation de REST (x). C’est ce dernier qui récolte 95 % des utilisations.
Logiciels à périphériques multiples
Ce concept est facile à comprendre si vous pensez à iTunes. Dans l’univers 2.0, les données transiteront sur tout les types de périphériques imaginables. Ces périphériques ne seront plus que des récepteurs. Ils seront aussi émetteurs de données qui alimenteront continuellement le service. Pensez à du monitorage de congestion routière en temps réel, au journalisme citoyen et à toutes les autres nouveautés qui utilisent déjà et maximiseront les avantages de la multiplicité des plates-formes informatiques ?
Conclusion
Je répondrai à ma question initiale « Est-ce une vision technologique et d’affaires dignes d’intérêt? » par l’affirmative. Les nombreux exemples de ce texte et de source d’origine incitent à la réflexion et mettent le doigt sur une variété d’ingrédients qui semblent avoir marqué à tous jamais la petite histoire du Web. Je ne regarderai plus jamais un modèle d’affaires, ou une solution technologique Web comme auparavant. Et vous?
Notes:
(i)Le détracteur le plus éloquent et le plus souvent cite est à juste titre Nicholas Carr avec son billet The amorality of Web 2.0 du blogue Rough Type, 3 oct. 2005 http://www.roughtype.com/archives/2005/10/the_amorality_o.php
(ii) O’Reily, Tim, What is web 2.0, Design Patterns and Business Models for the next generation of software. Oreilly.com sept., 30th. 2005
(iii) Extensibilité Définition :
Se dit d’un ordinateur qui est susceptible de voir augmenter sa puissance et ses fonctionnalités, par l’ajout de composants (mémoire vive, disque dur, cartes d’extension) ou de périphériques. Source Granddictionnaire.com
(iv)Traduction de l’expression The Long Tail de Chriss Anderson de Wired dans l’article The long tail, Wired, oct. 2004.
Ma définition : La longue queue est le terme décrivant l’observation qu’il existe une forte demande pour des produits numériques généralement inconnus, voire obscurs. En effet, Anderson a été le premier à faire remarquer que 50% du chiffre d’affaire d’Amazon, venait de titre qui ne faisait pas parti des 130 000 titres les plus populaires de leur catalogue. 80% des ventes de Netflix se font par des titres qui ne font pas parti des 3000 films les plus loués chez blockbuster. Il y a donc une économie importante de matériel numérique inconnu et obscur. Si vous mettiez les ventes de ces titres sur un tableau, vous obtiendriez donc une très longue queue.
(v) Allégé : L’expression ici fait référence à des modèles d’affaires souples et adaptables, mais aussi à l’expression informatique légèrement couplée (comme dans les Web services) et les modèles de développement logiciel léger (Agile)
(vi)Portage, Définition :
Adaptation d’un logiciel tournant dans un environnement informatique donné dans le but de le transférer sur un ordinateur dont l’environnement est différent. Source Granddictionnaire.com
(vii) « L’idée fondamentale derrière les Web Services est de morceler les applications et les processus d’affaires en morceaux réutilisables appelés « Service » de sorte que chacun de ces segments effectue une tâche distincte. Ces services peuvent alors servir à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, facilitant l’interopérabilité entre tous ces services. Les Web Services offrent donc aux entreprises la flexibilité de réponse et d’anticipation des besoins changeant des clients, la rationalisation des infrastructures logicielles et la flexibilité d’interaction et de configuration des alliances externes avec les partenaires et fournisseurs. » Extrait de : Gilbert Babin, Michel Leblanc, Les Web Services et leur impact sur le commerce B2B, Rapport Bourgogne, CIRANO, sept. 2003, résumé http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2003RB-07.pdf
(viii) SOAP (Simple Object Access Protocol) : Protocole de base des Web Services.Il sert à l’échange d’informations dans un environnement distribué et décentralisé. Il permet à un programme résidant dans un système d’opération de communiquer avec un autre programme résident d’un système d’opération complètement différent. Extrait de : idem p.31,
(ix)XML (eXtensible Markup Language) : Collection de standards comptant plus de 450 spécifications individuelles et servant à faciliter le partage des formats de données et des données sur le World Wide Web. Extrait de : idem p.31,
(x) Rest (Representational State Transfer) : Style d’architecture pour infrastructure distribuée comme le Web. Le terme origine d’une dissertation doctorale de 200 à propos du Web et écrit par Roy Fielding, l’un des principaux auteurs de la spécification HTTP. Tirée de wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/REST
Cet article est repris intégralement dans le portail Les Affaires.com sous le titre Le Web 2.0
Il a aussi été discuté lors de l’émission Stratégie PME du canal Argent. Première partie et deuxième partie
Bonjour, je ne crois pas, que ce soit, dans le cas d’Ebay, l’intelligence collective mise en application. C’est au contraire, sous couvert de « grands mots », genre « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » les principes les plus draconiens du marketing et les plus dénués de compassion mis en application!
C’est l’avidité, défaut très répandu dans le genre humain, qui fait le lit de ce genre de commerce. Aucunement, un partage des connaissances, un partage de l’intelligence n’a lieu chez Ebay. L’intérêt unique est pour le client de trouver le moins cher et pour le vendeur de vendre au plus cher. Une fois la transaction terminée, plus aucune relation ne persiste. Fini la fidélité client! C’est comme cela qu’Ebay a engendré d’énormes bénéfices, sur la cupidité ! C’est pour cela qu’on y retrouve d’ailleurs nombre d’arnaques.
Ebay respecte-t-il ses valeurs ? « Nous croyons que les gens sont foncièrement honnêtes. » ou « Nous croyons en un environnement transparent et honnête. » sont les phrases chocs mises en avant sur la page d’accueil.
On peut douter quand on voit la politique tarifaire mise en oeuvre. Dernièrement, hormis les frais d’insertion qui ont doublé, les frais de boutique sont devenus impossibles pour les ventes à bas prix. Ebay n’a pas demandé son avis à sa chère communauté, Ebay a juste avancé comme explication que les boutiques n’étaient pas assez rentables. Et oh, surprise, quand on va sur un site de bourse, Ebay se félicite de la fermeture de nombreuses boutiques et les actions grimpent. Pourquoi n’ont-ils pas dit, en toute transparence, qu’ils voulaient que les vendeurs en boutique disparaissent pour migrer vers leur nouveau service de « shopping-en-ligne » ?
Il faut se méfier des idées toutes faites sur le web2.0, nombre d’entreprises s’en réclamant, n’ont aucun respect pour la communauté, c’est très loin de l’intelligence collective !
Petit rajout :
« utiliser l’intelligence collective », terme mal choisi, on utilise pas l’intelligence collective, on la met en application et on commence par soi-même.
« utiliser l’intelligence collective », terme bien choisi, si ce n’est qu’à des fins mercantiles et d’augmentation de son propre pouvoir ! On utilise alors la fibre inhérente à tout humain de vouloir partager et on lui fait croire que l’on met des outils à sa disposition pour cela, alors que ce n’est que mensonge pour profiter au maximum de l’intelligence collective des autres, sans soi-même repartager les fruits de ce bénéfice !
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