Le biais montréalocentriste

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Ce n’est certes pas nouveau, mais on n’en parle pas assez et on ne prend pas en considération l’impact négatif que ça peut avoir sur la société. Je vous parle de ce biais montréalocentriste. Le phénomène est amplement documenté en anthropologie. On nomme ça l’ethnocentrisme.

Tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés.

Ainsi, Montréal la belle, a toutes les qualités et les régions ont des défauts que la métropole ne se reconnaît pas. Ainsi, les gens des régions seraient racistes, homophobes, peu cultivés et sans culture. Ce ne serait que des travailleurs manuels, des bûcherons, pêcheurs ou « farmers ». Ils seraient pratiquement consanguins et ne comprendraient pas l’importance du multiculturalisme et de l’apport des immigrants comme peut le faire « Montréal La Belle ».
Ce qui aide à cette perception est que les médias nationaux sont tous à Montréal et les quelques rares médias régionaux restants, sont la propriété de conglomérats montréalais. Même la culture est montréalisée. Lorsqu’on y parle ou qu’on présente les régions, c’est souvent pour son côté candidement folklorique. Les décisions importantes du gouvernement se doivent de plaire à Montréal et la supporter dans ses choix et aspirations. S’il reste du temps et de l’argent, on songera aux feux les plus pressants à éteindre en région.

Les régions seraient racistes!
Pourtant l’Abitibi a été colonisée presque exclusivement par des immigrants.

Jusqu’au début des années 1960, une partie importante de la population de Noranda était constituée d’immigrants d’origine européenne. La grande diversité des groupes ethniques de Noranda durant les années 1930 et 1940 a vite fait de se refléter dans la construction de nombreux lieux de culte. Si bien qu’en 1950, Noranda regroupait deux églises catholiques, une église anglicane, une église baptiste, une église de l’Église Unie et une synagogue juive. Cette dernière, construite en 1932 sur la 9e Avenue, était destinée à servir la communauté juive des deux villes, dont plusieurs membres étaient des commerçants ou des industriels.
(…)
Rouyn a également connu l’influence des immigrants, si bien qu’en 1952 débute la construction de l’église Christ-Roy de tradition catholique ukrainienne. Quelques années plus tard soit en 1954, un lieu de culte de tradition orthodoxe-russe fut érigé à proximité.

Pourtant les seuls maires noirs au Québec ont été élus dans les régions.
Pourtant le premier député juif a été élu dans les régions.
Pourtant le premier député noir a été élu dans les régions.
Pourtant la première députée Vietnamienne-noire a été élue dans les régions.
Pourtant le village voisin de celui que j’habite, Rawdon, a été constitué de 47 ethnies différentes

Aujourd’hui il y a plus de 47 ethnies qui cohabitent dans ce village multiculturel situé à près de 70 km de Montréal, qui accueille d’ailleurs le seul centre d’interprétation multiethnique au Québec.

Mais les régions seraient de toute évidence des racistes fermés à la diversité.

Les régions seraient homophobes!
Pourtant, la première mairesse trans a été élue en région
Pourtant, le premier maire gai marié a été élu en région
Pourtant plusieurs députés gais et lesbiennes ont été élus dans les régions au Québec
Pourtant le plus gros camping gai au Québec est en région
Pourtant en 1990 ouvrait le premier bar gai de Rouyn-Noranda
Mais les régions seraient de toute évidence des homophobes fermés à la diversité.

Les régions seraient sans culture!
Pourtant, de très grands écrivains, poètes, chanteurs, acteurs, comédiens ou danseurs sont issus des régions.

Les régions ne seraient que des travailleurs manuels, des bûcherons, pêcheurs ou « farmers »!
Il est vrai que les régions sont le garde-manger du Québec. C’est même une maudite chance qu’on puisse s’approvisionner d’aliments locaux. Mais les régions ont aussi toute une vitalité manufacturière. Il suffit de regarder la carte des usines au Québec pour s’en convaincre.
Carte des usines au Québec

 

 

Malheureusement on ne parle pas ou que peu des régions. Les médias sont concentrés à Montréal, voire sur Le Plateau. Les nouvelles sont Montréalocentristes. Que sait-on de ce qui se passe en région à Montréal? Pratiquement rien. Que sait-on de ce qui se passe en région, en région? Peu de chose. Radio-Québec aurait pu avoir le mandat de développer le journalisme régional pour nous offrir de réelles « nouvelles nationales ». mais ça ne s’est jamais fait. On pourrait commencer à réellement sortir des visions folkloriques ou de villégiatures et touristiques pour parler des enjeux régionaux au niveau national, mais ça ne s’est encore pas fait. D’ailleurs l’une des ironies est que la maison des régions est (vous l’aurez deviné) à Montréal. Sur sa page d’accueil, nous pouvons lire :

La Maison des Régions est une porte qui donne directement sur tout ce que la Métropole a à offrir aux Régions.

C’est, disons, symptomatique de l’ethnocentrisme montréalais qui prévaut depuis trop longtemps…

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Commentaires

  1. Richard Lapointe

    Bravo Michelle! J’ai vécu à Toronto, à Montréal, élevé en région et de retour en région depuis plus de 30 ans et votre”diagnostic” ne pourrait être plus précis! Combien de Montréalais ne sont jamais sorti de l’ïle? Je n’ai pas de chiffre, mais le résultat pourrait en surprendre plusieurs…

  2. JF Guitard

    Excellent billet! J’habite moi-même en région, soit à Gatineau qui représente la 4e plus grande ville au Québec avec près de 300 000 habitants. Bien des gens ignorent que nous sommes situé au Québec et à moins d’une heure de Montréal, comme en témoigne l’anecdote suivante. Un jour, je rencontrais une grande firme de communication de Montréal. Je faisais la tournée des bureaux avec le président lorsqu’il me présenta à l’une de ses employés. Lorsqu’il lui mentionna que je venais de Gatineau, cette dernière me tandis la main en me lançant «  bienvenue au Québec »!