Enjeux sociaux, activisme et marketing et relations publiques

Les entreprises sont de plus en plus interpellées directement ou indirectement, par l’évolution des enjeux sociaux, politiques et environnementaux. Avec l’évolution de la pratique des relations publiques et du marketing est apparue la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) (Corporate social responsibility (CSR)). Les praticiens de la communication se sont rendu compte qu’il fallait répondre aux aspirations des différents publics assez rapidement, mais pas trop.

 

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE, en anglais corporate social responsibility, CSR) désigne la prise en compte par les entreprises, sur base volontaire, et parfois juridique1, des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités. Les activités des entreprises sont ici entendues au sens large : activités économiques, interactions internes (salariés, dirigeants, actionnaires) et externes (fournisseurs, clients, autres).

 

Les trois piliers de cette responsabilité sociétale des entreprises reposaient sur les considérations environnementales, sociales et économiques. C’était en quelque sorte l’extension stratégique et communicationnelle de ce que ferait l’organisation pour valoriser le concept de développement durable. C’est toujours et c’était une réponse appropriée aux enjeux de la mondialisation et aux défis environnementaux gigantesques auxquels nous faisons tous face.

Cette responsabilité vient de toute évidence avec des devoirs et elle doit s’arrimer aux valeurs intrinsèques de l’organisation. Faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait. Une organisation ne peut être tout pour tous et quoiqu’elle fasse, ou ne fasse pas, elle sera toujours en phase avec des acteurs internes et externes et en contradictions avec certains autres acteurs. C’est entre autres pourquoi il est si fondamental que la vision et la mission de l’entreprise soient clairement définies afin que les positions de l’organisation aillent de soi.

Ces dernières années, les enjeux environnementaux ont continué d’alimenter l’actualité et les changements climatiques aidants, ont forcé les entreprises et organisations à se positionner face à ceux-ci. Mais nous avons aussi connu un bouillonnement nouveau des enjeux sociaux avec les épisodes de #metoo, le #trumpisme, #blacklivesmatter, la montée du #wokisme et de la culture du bannissement (#cancellculture) et maintenant la #Covid. En Amérique du Nord, des changements démographiques importants ont aussi fait passer le groupe de consommateurs et d’employés le plus important, des baby-boomers aux millénariaux. J’en parlais d’ailleurs lors d’une Conférence : Comment les millénariaux modifient le commerce en ligne, une présentation de SAS Canada. Or ces millénariaux, en plus d’être la nouvelle cohorte des employés et clients, sont aussi très friands et revendicateurs de ces nouveaux enjeux sociaux. C’est maintenant avec eux, que vous le vouliez ou non, que vous devrez communiquer afin d’établir de saines relations et d’améliorer ce que l’on nomme le capital de marque.

Devez-vous faire de l’activisme de marque?

Il a été mainte fois démontré qu’il y a des avantages à s’impliquer dans les grandes causes sociétales pour les entreprises. Il y a cependant aussi de gros risques. Il y a aussi l’historique de l’organisation et comme je le disait plus haut, sa mission et ses valeurs avec lesquelles le positionnement sociétal se fera. Ainsi, le président d’une très grande entreprise avec laquelle je travaillais avait déjà reçu des menaces d’enlèvement de ses enfants. Il avait donc développé une vision des relations publiques tout à fait minimale afin de ne pas s’exposer (et exposer ses enfants) à l’envie et à la violence potentielle que les succès de son entreprise pourraient engendrer. Ce qui est une réaction tout à fait saine et même normale. Il valorisait le fait d’être invisible et pratiquement anonyme, bien que son marketing soit très développé, mais strictement que pour ses produits. À contrario, Patagonia fut très vocable pour inciter les internautes à exprimer leurs opinions face à la possibilité que des gouvernements réduisent la superficie de terres protégées. Ce qui cadrait parfaitement avec leur mission, valeur et leurs produits qui sont utiles dans les grands espaces.

Comment décider d’impliquer son organisation dans une cause sociétale?

Dans certains cas, comme dans l’exemple de Patagonia cité plus haut, cela va de soi. Étant moi-même LGBT, depuis des années je suis impliquée publiquement et de manière privée, dans les causes et enjeux touchant cette communauté. Sundar Pichai, le CEO de Google est d’origine indienne. Lorsque le président Trump décida de fermer l’immigration aux É.-U.. Deux jours plus tard, il exprima sa vive déception et mit sur pied un fond de $4M pour soutenir légalement les réfugier Américains.

Afin de s’impliquer (ou non) dans une cause sociétale, il faut se demander

-Quelle est l’histoire de l’organisation
-Quelles sont la mission et la vision de l’organisation et comment est-ce aligné avec la cause sociétale (ou non)
-Qui est touché par nos produits et services? Quelles sont leurs préoccupations?
-Qui sont nos publics internes et externes? À quoi sont-ils sensibles? Comment leurs préoccupations nous rejoignent-ils collectivement?
-Quel est le changement que nous aimerions voir se concrétiser avec notre implication?
-Qui sont les opposants, quelles sont leurs rhétoriques et comment pouvons-nous y répondre?
-Est-ce que ça risque d’avoir un impact sur nos revenus, nos ressources humaines et notre approvisionnement?
-Comment seront mesurés les efforts et les retombés de notre initiative?
-Finalement, est-ce que ce mouvement sociétal est une mode? Est-ce que ça risque de durer longtemps? Qui en sont les acteurs? Les gourous? Existe-t-il des précédents?

En principe, ce qui est bien pour tous est bon pour l’entreprise. Mais des fois, l’entreprise a aussi un devoir moral qui peut même aller dans le sens contraire de son intérêt économique. Dans ces cas, des questions existentielles fondamentales se posent et je n’ai pas la réponse (encore) pour ces cas d’espèce. Mais en principe, si ça affecte très négativement les revenus de l’entreprise, nul n’est tenu à l’impossible…

Quelques lectures complémentaires

RP et Web social : de l’idéal du dialogue aux enjeux sociaux de la « bonne communication »

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5 Insights On Corporate Activism From Top PR Experts

Qui seront les prochaines victimes du « slow news » et de l’extrême gauche cet été? #metoo

Depuis quelques années, l’été est propice à l’éclosion de phénomènes de dénonciations, de « cancel culture » et de jugements et crucifixions populaires. Lors des derniers étés, j’ai été aux premières loges de ce phénomène et j’ai géré des crises médias sociaux pour différents clients (organisationnels et privés) qui devenaient la cible des enragés de la gauche et du web. Généralement, les dénonciations commencent sur le web, puis sont reprises par les médias traditionnels qui cherchent des sujets à traiter (puisque l’été est une période de slow news). Le sujet est d’abord traité comme un fait divers, puis les chroniqueurs qui se cherchent aussi des sujets à couvrir, parlent de l’affaire. Les nouvelles et chroniques sont ensuite partagées sur les médias sociaux et c’est là que le phénomène s’amplifie puisque le lynchage collectif se met de la partie. Nous avons eu SLAV et KANATA (ironiquement, avant le soi-disant scandale Slav/Kanata, Robert Lepage était honoré au Statford festival pour avoir été le 1er metteur en scène à avoir choisi un acteur noir comme personnage principal d’une pièce de Shakespeare en 400 ans et un mois plus tard, il devenait un raciste). L’année suivante c’était #Moiaussi et l’an dernier #agressionnondénoncée.

 

Comprenez bien qu’il existe en effet des racistes, des agresseurs, des filous et toutes sortes de dépravés. Cependant, la dénonciation de fraudes, de crimes et d’actes méprisables doit se faire par les voies légales et à la police, au tribunal des droits de la personne ou à toute autre institution neutre et objective. De le faire sur les médias sociaux est lâche et cela affectera très négativement les personnes accusées qui deviennent de facto des victimes, alors qu’ils sont potentiellement agresseurs. Je dis bien potentiellement puisque sans recourir au système judiciaire, nous n’en savons strictement rien. Même les soi-disant excuses de personne dénoncée peuvent être aussi des stratégies de relations publiques visant à faire étouffer une histoire. Ils ne sont en rien un aveu de culpabilité. Ces théâtres d’accusations, de lynchage public et d’excuses subséquents ne sont que ça, du théâtre. Entretemps, il existe de réels actes racistes, de réelles agressions sexuelles, de réels méfaits publics et comme ils sont ensevelis dans une marée de dénonciations, des vies de réelles victimes, des deux côtés de la clôture, sont brisées pour le plus grand bonheur du jugement facile, partial et déconnecté de la réalité, de la plèbe médias social et journalistique en recherche de sensations fortes et de contenus pour combler le vide d’une actualité en manque de sujets…

 

Comme chaque été mon téléphone sonne pour que je gère une portion de ces crises médias sociaux, je risque fortement d’être encore sollicitée dans les prochains mois. Si cela m’est possible, sans enfreindre la confidentialité de mes dossiers, je vous en reparlerai peut-être l’automne prochain. Entretemps, méfiez-vous des dénonciations publiques. Vous en serez peut-être la prochaine victime…