Poursuite en harcèlement criminel pour une photo Instagram, je dis BRAVO

Plusieurs médias font état ce matin de l’arrestation d’une jeune Montréalaise qui a diffusé la photo d ’un graffiti dépeignant le commandant Ian Lafrenière responsable des communications du Service de police de Montréal ( SPVM), avec une balle dans la tête.

Dévoilement, j’ai moi-même été victime de menaces de mort et de harcèlement criminel sur les médias sociaux (les suspects ont plaidé coupables et ont eu leurs sentences) et j’ai été conférencière médias sociaux et force de l’ordre, pour une organisation policière qui préfère rester discrète. Mon opinion sur le sujet est forcément biaisée par ces expériences.

Contrairement à une certaine plèbe qui se scandalise de cette arrestation et qui y voit un exemple de plus d’excès de la police, je trouve qu’au contraire, cette arrestation semble tout à fait justifiée. Si on remonte le fil des événements jusqu’à la première mise en ligne de la suspecte, Jennifer Pawluck (alias Anarcomie) sur Statigr.am, on remarque qu’elle avait affublé la photo de plusieurs mots-clics. Ces mots-clics visaient à attirer le plus d’attention possible sur la photo et ils contenaient aussi le fameux ACAB (All Cops Are Bastards). Ces autres photos sur son profil contiennent des photos de balles de révolver, de « A mort les flics », « une balle un flic » et tutti quanti. Disons que lorsqu’on regarde un peu plus profondément, il y a plusieurs éléments troublants. Mais l’élément le plus troublant, qui est celui qui a fait réagir la police, est l’image de leur chef communication avec une balle dans la tête. Disons que l’iconographie est passablement forte pour faire craindre monsieur Lafrenière. Ayant moi-même été victime de ce genre de trucs sur le web, je me souviens encore des nombreux mois d’angoisse que j’ai vécu et qu’à chaque fois que je voyais un néonazi, je me demandais s’il était l’un des 350 admirateurs de la page qui demandait ma mort. Ce qui est réellement inquiétant dans ce genre de chose est que l’on se demande toujours qui est le fêlé qui pourrait passer outre le soi-disant « graffiti » pour passer à l’acte.

De mettre en ligne, un contenu est un privilège. Mais chacun des contenus qu’on met en ligne, est toujours attaché à un ordinateur, un disque dur et un réseau et ultimement, à un usager. L’usager qui a des privilèges a aussi des responsabilités et ces responsabilités peuvent toujours être de nature civile ou criminelle. Ceux qui s’amusent à déblatérer présentement sur ce cas dans Facebook, Twitter ou ailleurs, en fonction de ce qu’ils disent, pourront un jour être tenus responsables de leur propos. Lorsque vous menacez quelqu’un sur la rue, il a le fardeau d’en faire la preuve. Si vous le faites sur le web, c’est vous même qui faites la preuve et qui vous incriminez…

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Conférencière médias sociaux et forces de l’ordre

MAJ

Ce matin dans LaPresse, un article d’Yves Boisvert qui va dans le même sens que mon billet, mais avec d’autres arguments drôlement pertinents:

Ce qui m’intéresse ici n’est pas son manque de jugement, mais celui de ce qu’on appelle complaisamment la «communauté web».

Avant de tourner en ridicule cette arrestation, est-il venu à l’idée de Gabriel Nadeau-Dubois, par exemple, que d’avoir son portrait avec une balle dans le front n’est pas nécessairement une expérience sympathique? Qu’il n’y a pas vraiment matière à rigoler? Qu’on est bien au-delà de la critique légitime, voire féroce, des forces policières?

Ce portrait, criant de vérité, ne représente pas «un policier». Il représente très précisément M. Lafrenière. Il a eu l’immense tort, apparemment, d’être le porte-parole hypermédiatisé de la police de Montréal.

(…)

Au printemps dernier, des comiques distribuaient des tracts le représentant avec une tête de porc… et avec son adresse personnelle.

Sa famille a dû être protégée.

Drôle, non?

Dans le débat public comme sur les réseaux sociaux, il y a une ligne assez facilement identifiable à ne pas franchir: tout ce qui ressemble à une incitation à la violence.

JeffSabres , la saga, les enjeux et les limites

(Comme une enquête policière est toujours en cour et qu’un procès au criminel aura lieu, les noms, détails de l’opération, indices et techniques spécifiques ne seront pas mentionnés dans ce billet et s’ils apparaissent en commentaire, ils seront caviardés).


Depuis plusieurs semaines, un jeune (sans doute très perturbé psychologiquement) qui se faisait appelé JeffSabres sur Twitter, sévissait sur et hors du web, pour insulter et menacer des gens très connus de même que des inconnus. J’ai eu la malchance (comme ça m’arrive parfois à cause de mon statut de personnalité et de nouvelle femme) d’être l’une de ses trop nombreuses victimes. Sur twitter j’ai souvent vu le commentaire :

Mais vous n’avez qu’à le bloquer et à le rapporter comme spam.

C’est tout à fait vrai et c’est même ce qui est fortement recommandé comme action face à un emmerdeur, un troll ou un rager (comme l’illustre le fameux tableau développé par la US Air Force, de mon billet US Air Force, Vos enjeux de relations publiques 2.0 peuvent difficilement être pires que les leurs ou encore dans le fascicule du SPVM à propos de la cyberintimidation). Le problème est que le suspect en question (appelons-le de même), se créait des clones de son compte twitter à la vitesse de l’éclair et surtout, qu’il sévissait aussi dans la vraie vie (songez par exemple, au téléphone ou aux envois postaux). Vous avez sans doute aussi remarqué qu’outre la semaine de vacance que j’ai prise, mes contenus web avaient sensiblement diminué. C’est qu’en plus d’une lourde charge de travail, je devais aussi de gérer cet emmerdeur insistant et envahissant. Après avoir fait le tour des options possibles qui s’offraient à moi, j’ai dû me résigner à prendre le taureau par les cornes et à hacker moi-même cet individu, via des techniques de social engineering, afin d’amasser suffisamment de preuves factuelles, pour monter un dossier solide devant servir d’outil pour la poursuite criminelle. C’est donc avec soulagement que je sais aujourd’hui que l’individu a été appréhendé. Je sais cependant aussi que nous ne sommes qu’au début des procédures et qu’elles risquent d’être longues et ardues.
Quelques constats
Lorsqu’on parle de cyberintimidation, on parle souvent, à juste titre, de celle qui sévit dans nos établissements scolaires. On ne parle cependant pas assez de celle qui sévit au grand jour, pour la population adulte, pour les femmes, pour les minorités visibles et pour les personnalités. Il y a malheureusement encore trop de crackpot dans nos rues et sur le Web. D’ailleurs, ces zigotos croient pouvoir se cacher derrière un clavier et un pseudonyme, pour faire royalement chier la planète. SUR TWITTER, FACEBOOK, LES FORUMS, LES BLOGUES OU AILLEURS, VOUS N’ÊTES ET NE SEREZ JAMAIS TOTALEMENT ANONYME.


Par ailleurs, j’avais accepté de comparaître à titre de témoin expert le 31 mars, à la chambre des communes à Ottawa, devant le Comité permanent de la condition féminine pour une Étude sur les impacts des médias sociaux et des nouvelles technologies de communication sur la violence faite aux femmes et aux filles. Étant donné le déclenchement des élections, cette excellente initiative est donc remise aux calendes grecques. Par contre, j’y aurais certainement mentionné que :

  • La cyberintimidation n’est pas qu’une affaire d’intimidation à l’école. Elle est répandue à la grandeur de la société.
  • Les corps de polices n’ont pas suffisamment de ressources pour s’attaquer au problème grandissant de la cyberintimidation. Leur accent principal de s’attaquer à la cyberpédophilie est louable, mais ils devraient maintenant avoir les ressources pour s’attaquer efficacement aux autres types de cybercriminalité.
  • Il est inadmissible que les policiers et les enquêteurs qui ne font pas partie des escouades spécialisées des crimes technologiques ou des départements de relations publiques n’aient pas accès aux médias sociaux pour faciliter et boucler leurs enquêtes.
  • Des formations spécifiques devraient être montées pour armer les corps de police (à tous les échelons) à réagir promptement et efficacement aux menaces cybercriminelles, émanant du Web.
  • Le gouvernement devrait obliger les propriétaires de plate-formes médias sociaux qui oeuvrent en territoire canadien (songeons à Facebook et Twitter), de collaborer avec les services de police et d’accélérer le traitement des mandats judiciaire en vue d’obtenir les adresses IP, les courriels et autres informations pertinentes, permettant de résoudre des crimes technologiques visant des citoyens canadiens.