Selon les wokes, je serais une mauvaise trans

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Il y a quelques semaines, j’ai accepté d’être interviewé par deux jeunes étudiantes en communication de l’UQAM à propos de ma transidentité. Elles me demandaient s’il y avait une différence entre les jeunes et les vieilles trans. Il y avait un sous-entendu évident. J’étais surprise de la question. Je me rappelle aussi une communication Messenger avec une trans qui me disait avoir tout perdu depuis sa transition et vouloir poursuivre son ex-employeur qui serait responsable de sa déchéance économique et sociale. Enfin, lors de la dernière élection provinciale, j’étais ciblée par de jeunes activistes trans comme l’exemple parfait de la mauvaise trans parce que j’étais prolaïcité (qui valoriserait l’islamophobie), contre les « safe space » et que je trouve ridicule et que je ne partage pas l’idéologie Woke qui elle défendrait la cause des trans.

J’ai aussi déjà été sur le Conseil d’Administration du Conseil Québécois LGBT que j’ai quitté parce qu’à mon avis, il était trop de gauches et que la promotion de l’idée de « minorité marginalisée » et de combat pour la reconnaissance de l’intersectionnalité, de l’écriture inclusive et de Montréal territoire Mohawk non cédé étaient des concepts que je trouvais burlesques et auxquels je ne voulais pas être associée.

Je suis certainement membre d’une minorité. J’ai aussi subi de la discrimination et même de la haine. J’ai d’ailleurs déposé 4 dossiers de plaintes criminelles dont trois se sont soldées par des accusations et des verdicts de culpabilité dont le dernier a eu une sentence de 6 mois de prison. Mais contrairement à l’idéologie Woke, je ne suis pas une victime. Je refuse de l’être. D’ailleurs si on me regarde de travers, j’ai appris à ne pas sauter aux conclusions. Ce n’est probablement pas à cause de ma transidentité. C’est peut-être pour une toute autre raison. Je ne le prends pas personnel. Je laisse la possibilité du doute. Des fois il est clair que des gens sont transphobes. Mais lorsque c’est le cas, ce n’est certainement pas de ma faute et je ne me victimiserai pas des bibittes mentales d’un autre individu. D’ailleurs, tant qu’à y être, mon défunt père était un orphelin de Duplessis. Il a été agressé sexuellement en très bas âge et à répétition. Lorsque des parents venaient pour adopter un enfant, les bonnes sœurs et les curés le cachaient pour ne pas qu’il soit adopté. Il était beau et ils ne voulaient pas perdre leur jouet sexuel. Plus tard, comme plusieurs enfants de Duplessis, il a été placé en institution psychiatrique et a dû coucher avec son psychiatre pour pouvoir être libéré. Pourtant, je ne suis pas en guerre à finir avec l’église ou les psychiatres. Je ne prétends pas souffrir des affres indicibles que mon père a vécues et je ne porte pas ça comme un étendard de tourment à trainer publiquement pour faire valoir une injustice dont je serais victime par association. D’ailleurs, certains remontent même aux tourments de plusieurs générations précédentes pour se draper dans le linceul de la souffrance éternelle et demander une réparation sociétale pour ce que leurs lointains ancêtres auraient vécu.

Être victime est certainement une question de faits, mais aussi de disposition mentale. Personnellement j’ai préféré m’inspirer des trans qui ont réussi leurs vies plutôt que de me tourner vers celles qui ont vécu la déchéance. L’idée même de cette déchéance m‘a traversé l’esprit. Je disais à l’un de mes potes, lorsque j’étais en processus de diagnostic de dysphorie d’identité de genre, que ma vie serait finie. Je me suis ressaisie et j’ai lu les bios sur le site Transsexual Woman successes, j’ai participé à des groupes de discussion, j’ai été inspiré par Marie-Marcelle Godbout (la mère Téresa des trans) qui a réussi sa vie et j’ai décidé que je réussirais la mienne. J’ai aussi gardé à l’esprit ce que m’avait dit mon médecin de famille : vous savez, il y a moyen de vivre une vie marginale heureuse! Lorsque j’ai eu des menaces de mort, j’ai décidé de développer une expertise en cybercriminalité. J’ai monté les dossiers d’enquête et les ai présentés à la police, puis j’ai été payé pour faire des conférences sur le sujet et transférer mes connaissances aux corps de police. J’ai même été mandaté pour faire une étude sur la cyberagression sexuelle au Canada. J’ai donc « profité » de « mes malheurs » pour innover, développer une nouvelle expertise, faire du fric avec ça et faire condamner mes agresseurs.

L’ironie de l’histoire est que j’ai même développé une conférence sur comment la diversité et les embûches sont une source d’innovation. Cette conférence a été déjà donnée à TedX Montpellier (en France), à Desjardins, aux employés mondiaux d’Expedia via téléconférence et sera encore présentée l’automne prochain.

L’idéologie Woke est une idéologie de la victimisation de sa propre personne et de la culpabilisation des autres. Ces mécanismes sont malsains pour l’individu et pour la société. La gradation de la souffrance justifiée par son ADN, l’histoire de sa famille, la couleur de sa peau ou de sa religion, ethnicité, orientation ou identité est une escroquerie. Qu’on soit né où que ce soit ou de qui que ce soit dans quelques conditions que ce soit, apportera toujours son lot de souffrance, de rejet, d’insultes et de mépris. Bien certainement que nous ne naissons pas tous égaux et que des gens souffriront énormément plus que d’autres. Là n’est pas la question. La question est plutôt de savoir comment nous réagirons aux aléas de la vie, comment nous nous adapterons, comment nous combattrons positivement les injustices et comment nous pourrons être heureux dans un monde qui est loin d’être parfait. Entre un Martin Luther king et un Malcom X, bien que tous deux aient lutté contre la discrimination, je préfèrerai toujours être un Martin Luther King. Et entre un Will Prosper qui dit lutter contre le racisme en traitant Maka Koto de nègre de service et en accusant tous les Québécois d’être des racistes, je préfèrerai de loin être un Maka Koto qui s’est fait plusieurs fois élire par ces mêmes Québécois qu’on dit raciste et qui a passé sa vie à lutter contre le racisme par son exemple de contribution positive à cette société qu’on dit raciste.

Un de mes meilleurs amis est le petit-fils du grand Léopold Senghor, père de la négritude. Il se disait fier de sa différence, il la portait fièrement et il changeait le monde par son intelligence

« La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture1. »

Je parlerai donc de « transsitude ». Je n’ai pas choisi d’être trans. Je n’ai pas choisi de vivre le mépris que certains font aux gens de ma condition. Mais ce n’est pas la faute des autres si je suis ce que je suis et je ne vivrai pas dans la complainte et les accusations éternelles. Même à genoux, je me tiendrai debout et fière. Je pleurerai mes souffrances le temps qu’il faudra puis je combattrai vaillamment les montagnes auxquelles je fais face. Par mon exemple positif, je changerai peut-être la vision de gens pour qui une trans, un noir, une lesbienne, un autochtone ou un handicapé ne sont que des gens différents qui méritent le mépris. Ils verront peut être un humain fier et articulé qui fait sa vie au-delà des préjugés et des idéologies qui voulaient le classer comme un perdant, une victime ou un moins que l’autre…


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Commentaires

  1. Nicole Rivard

    J’admire votre style direct sans compromis. . J’admire votre attitude fière et positive. J’ai un frère qui est devenu une soeur, votre vie m’inspire et m’évite de trop m’inquiéter pour elle ! Merci d’être ce que vous êtes !

  2. Vincent François

    Excellent. Merci de remettre clairement l’idéologie woke dans les poubelles sans prendre de gants.

  3. Michelle Parent

    Merci pour ce blogue! Je suis d’accord avec vous. La victimisation est loin d’être ma tasse de thé aussi. J’essaie de comprendre ce qu’est le phénomène woke, vous avez mis des mots sur mon questionnement. Continuez d’être ce que vous êtes, authentique et réfléchie!

  4. Richard Lapointe

    Magnifique! Un texte clair, fluide et d’une grande sérénité!

  5. Danielle Villemure

    Mme Blanc, merci pour votre témoignage.
    J’aurais voulu faire un texte sur les activistes racialistes, wokes et co. mais je n’aurais pu le faire aussi bien que vous.
    Je vous admire depuis que j’ai participé à votre site web lors de la manifestation pour la laïcité (2013 je crois).
    Vous ne vous voyez pas en victime, vous assumez vos décisions et ce que vous êtes.
    Vous êtes une personne qui avance, vous êtes positive.
    Merci, vous êtes un modèle pour toutes et tous

  6. Ginette Montminy

    Excellent texte criant de vérité d’une personne bien placée pour parler de ce sujet, merci et surtout continuez à nous éclairer.

  7. Martine Brodeur

    Merci pour ce texte, je vous le redit, chaque fois que je vous lis , j’apprends d’autres nuances….
    L’humain est complexe… votre réalité n’est pas la mienne, vous m’éclairez de ces particularités…
    J’ai vécu des souffrances différentes…. et comme vous le dites, c’est à chacun de se construire…
    L’introspection n’est pas une mince affaire… et vous me faite du bien par votre différence…

    Respect et profitez de votre couple ( je vous envie pour cela)….

  8. Réal Boivin

    Merci Michelle Blanc pour ce texte positif.

    J’ai toujours vu mon homosexualité comme une petite partie de ma personnalité et non pas comme porte étendard de toute ma vie.
    Je me suis surpassé dans mon travaille et j’ai développé des attitudes positives pour vivre avec toute la société et ne pas m’enfermer dans une communauté marginale. Je n’ai jamais vu les hétérosexuels comme des adversaires mais comme des membres de la même société que la mienne. Je n’ai pas non plus fait de ” coming out ”. Les gens apprenaient à me connaître comme j’apprenais à les connaître.

    Les wokes et autres cancel culture s’imaginent qu’ils finiront par avoir une meilleure place dans une société qu’ils maudissent et qu’ils pensent pouvoir transformer à leur image. Et bien bonne chance ! Ils se construisent un chemin qui les mènera vers des larmes et des regrets.

  9. Denise Groulx

    Michelle, Merci de préciser votre point de vue. Ca me fait du bien de lire votre témoignage. J’ai vécu des choses difficiles moi aussi mais dans un autre contexte. Je l’ai d’ailleurs décrit dans mon texte “Le privilège blanc” sur mon blogue dont l’adresse est ci-haut. Je n,en veux à personne. Moi aussi, j’ai décidé de tirer tout le positif que je pouvais de mon expérience. Votre point de vue rejoint le mien et je vous félicite pour votre exemple positif. Je vous souhaite tout le bonheur et la quiétude du monde auprès de votre amoureuse et de votre beau lac!

  10. Sylvie Moreau

    Quel témoignage formidable; juste et vrai.

    On a tous dans nos vies des difficultés à surmonter, peut importe nos orignes, la couleur de notre peau, notre orientation sexuelle ou les souffrances de notre enfance.Il faut en prendre acte et continuer.

    On peut et on a le droit de se rouler en boule et de pleurer, mais il faut se relever et faire face. Se choisir au lieu de choisir la douleur. C’est difficile mais c’est la vie.

    Nous étions candidates ensemble en 2018 et nous nous sommes croisées à quelques reprises. J’ai aussi pris une pause de la politique; mais il y a plein de façons de faire de la politique et pas toujours de façon partisanne. Je partagerai avec plaisir votre texte.

  11. Francois Normandin

    Pour etre bref, je vous admire

  12. Michelle Joly

    Bonsoir Michelle. Quel texte ! Bravo pour l’attitude positive et battante. Je souhaite que les humains soient conscients que nous sommes toutes et tous interreliés sur cette terre. Soyons ouverts à l’autre, avec respect. L’inclusion, la diversité et la bienveillance voilà ce que je prône.

  13. Hélène Montreuil

    Bonjour Michelle,

    Félicitations pour ton texte qui fera réfléchir certaines personnes.

    Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vues.

    Ne lâche pas car chacune d’entre nous doit vivre sa vie comme cela lui plait. Cela est parfois dur, mais nous survivrons et nous en rirons.

    Nous nous reverrons probablement dans un prochain salon du livre.

    Entretemps, j’ai fait un petit tour à Radio-Canada à :

    http://www.montreuil.ca/comment-tu-tappelles-21-05-19-Entrevue.mp4

    Cela te fera sourire.

    Alors, à la prochaine

    Hélène

  14. Gilles Dubé

    Je dois vous avouer que je ne comprends pas tout. Pour moi qui suis gay, j’aime mon corps et j’accepte ma différence. J’aime votre sincérité, bien que j’aurais mieux compris que vous vous acceptiez comme vous étiez, mais ne peux pas vous juger, n’ayant jamais eu à vivre cet ambiguïté. Par contre le fait de ne pas accepter d’être victime est tout à votre honneur. Je vous avouerez que rien ne me désole plus que la victimisation, trop populaire de nos jours. Nous faisons tous des choix dans notre vie (politique, religieux et même de genre) c’est notre choix … vivons le pleinement comme vous le faites. Bravo !

  15. Hélène Montreuil

    Bonjour Gilles,

    Il ne faut pas chercher à comprendre pourquoi vous êtes gay, trans, bi ou même fétichiste ! Est-il réellement important de chercher une réponse absolue à toutes ces questions alors qu’il n’y a pas de réponse absolue !

    Effectivement, je passe par dessus la victimisation. Confucius a dit : “Mieux vaut allumer une chandelle que maudire les ténèbres”.

    Alors plutôt que de se plaindre, une personne devrait se prendre en main et se battre pour prendre sa place.

    Écoutez la chanson la vérité de Guy Béart à :

    https://www.youtube.com/watch?v=jA3hNz5KQ34

    Allez lire un PowerPoint intéressant que j’ai présenté à l’Université du Québec à Chicoutimi à l’occasion de la semaine de la diversité :

    http://www.maitremontreuil.ca/conferences/2021-05-17-LGBT-UQAC.pdf

    Chaque personne n’a qu’une vie à vivre et c’est à elle de choisir comment elle veut vivre sa vie.

    Merci pour votre commentaire.

    Hélène