Rapport sur la cyberagression sexuelle au Canada

L’automne dernier, après avoir fait une conférence à propos de la Cyberviolence à caractère sexuel pour les CALACS francophones d’Ottawa, ils m’ont demandé de faire une recherche de données secondaires (pour les néophytes il s’agit d’une revue de la littérature déjà disponible) pour le sujet de La cyberagression à caractère sexuel. Cette analyse est financée par Condition Féminine Canada et se poursuivra par une recherche de données primaire (il s’agit de sondage ou d’entrevues individuelles) auprès des jeunes de quatre écoles secondaires d’Ottawa.

Ça fait déjà longtemps que je fais des recherches et des écrits à propos d’une foule de phénomènes web. Mais ce mandat revêt un caractère très particulier pour moi. C’est que je sais qu’il permettra de comprendre un phénomène extrêmement dévastateur pour les victimes, qu’il offrira quelques pistes de solutions, qu’il identifiera les lacunes et les enjeux et qu’il me permet de passer outre mes propres blessures de victime de nombreuses menaces de mort et de harcèlement ne ligne. C’est une manière pour moi de créer du positif à partir d’évènements malheureux.

Ça me touche donc particulièrement de vous présenter ici, en primeur, le labeur de mon travail, mais aussi des très nombreuses personnes qui ont aussi planché sur ce document et qui sont nommées dans l’introduction rédigée par les CALACS francophones d’Ottawa. Je remercie aussi chaudement mesdames Josée Guindon et Josée Laramée qui mont confié ce mandat et monsieur Nam Hai Hoang (mon stagiaire) qui a passé de nombreuses heures à sélectionner et colliger l’imposante littérature que nous avons utilisée pour cette recherche.

Bonne lecture
La cyberagression à caractère sexuel
Recherche-action communautaire
Première partie : recension des écrits

Rapport: La cyberagression à caractère sexuel: aider la collectivité à intervenir by CALACS francophone d Ottawa

MAJ

Mon entrevue (audio) à l’émission Le midi-trente de la première chaîne de Radio-Canada Gatineau-Ottawa

Cette recherche et l’initiative de Calacs d’Ottawa fait aussi les manchettes télévisées de Radio-Canada
Les « cyberagressions sexuelles » sous la loupe du CALACS d’Ottawa

Ma conférence : La cyber violence à caractère sexuel

La semaine prochaine je serai conférencière sur le sujet de La cyber violence à caractère sexuel pour le CALACS francophone d’Ottawa (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel). Les médias sociaux et le web facilitent grandement la cyber violence à caractère sexuel. Quelles sont les tendances, impacts et solutions possibles pour endiguer ce fléau?

Comme c’est mon habitude lorsque je prononce une conférence sur les médias sociaux, je vous partage ma présentation.

La culture du mépris sur le web

C’est en lisant les billets de Marine Le Breton (Une étude fait un lien entre jeux vidéo et culture du viol) ou de Jocelyne Robert (Oui, nous vivons dans une culture du viol) que je songe de plus en plus à ce « nouveau cool » qui est en fait la culture du mépris.

Oui il y a bien nos faiseurs de troubles locaux qui s’amusent à mépriser bien des gens, sous le couvert de « ce sont des matantes, gaies, ne connaissent pas le web, vous n’êtes pas une femme, tu es fourables, tu a/es whatever » ridiculisent, diffament ou méprisent. Mais le phénomène de la méchanceté sur le Web (ou de la connerie qui alimente la culture du mépris) est réellement mondial. Pour vous en convaincre, regardez ce petit clip de l’américain Bill Maher qui fait une sortie contre la méchanceté gratuite sur Twitter et qui n’en revient pas qu’on puisse dire à une usine de gâteau carotte, d’aller se faire foutre.

Dans un article de Esquire There Are No Saints Online …but the Internet will be cleaned up yet, on peut lire :

The Internet has reached peak hate. It had to. At every other moment in history when there has been an explosion of text — whether through social change, like the birth of a religious movement, or technological change, like the advent of print — a period of nasty struggle ensued before the forces of civility reined it in. In the past few months alone, we’ve seen the catfishing of Manti Te’o, a professional tennis player quit because of trolling, and a rash of teenage suicides from cyberbullying alongside the by-now-standard Twitter hatestorms of various strengths and durations. The sheer bulk of the rage at the moment can seem overwhelming. But the fact that we recognize it and have acknowledged its unacceptability is a sign of the ancient process reasserting itself yet again. The Internet is in the process of being civilized.

Et

The change in tone is coming because the cost of hate is becoming clearer. The research on the psychological effects of bullying has become much starker in its analysis recently. In February, a long-term study published in the Journal of the American Medical Association Psychiatry established that bullies and their victims both have a higher rate of mental illness for decades afterward.

Ce tableau d’Esquire est aussi très révélateur.

Effets du cyberharcèlement Being an hasshole hurts everyone

Au Canada, selon mediasmarts.ca, nos lois ne sont pas encore adaptées à la réalité de la culture du mépris sur le web.

When hatred is determined to have been an inciting factor in a crime, penalties are increased. But the appropriateness of applying legislation meant for offline hatred to online hatred is debatable. The number of different laws which might be applied to online hate can lead to conflicting conclusions about the definition of hateful behaviour and freedom of expression; further, considerable debate exists over which types of speech should be subject to these laws at all.

Sur ce site j’y note aussi (ce que je savais déjà pour le vivre intensément depuis plusieurs années déjà) que

Transgender and transsexual individuals are also disproportionately targeted by hate groups. Bisexuals are targeted by hate groups less frequently, although this is partially due to a higher unwillingness by bisexual populations to report crimes due to fear of reprisal. Not surprisingly, there is a close connection between hate and cyberbullying: for example, lesbian, gay, bi-sexual and transgender (LGBT) youth are almost twice as likely to report having been bullied online.

Je ne suis donc pas sortie du bois.

De l’autre côté de l’Atlantique, même le polémique Beigbeder lance un truculent « Internet, c’est l’empire de la méchanceté, de la bêtise ».

Mais pour vous faire rire un peu (et pour un peu dédramatiser la chose, même si c’est un problème endémique) lisez sur le nouvelobs “Haters gonna hate” : 5 manières de réagir aux commentaires acerbes sur Internet.

Pour aider à combattre la culture du mépris
De The Anti-Defamation League : RESPONDING TO CYBERHATE Toolkit for Action (PDF)

Le web-trash et la prostitution

Cette semaine je donnais une entrevue à Mike Tremblay à propos du far-web, web trash ou appelez ça comme vous voudrez. L’entrevue est en ligne sur son site. Il me demandait comment on pourrait faire cesser ça. Question difficile. Je suis en effet aux prises avec une colonie de calomnieux depuis des années. Ça fesse fort. Ça déstabilise. Ça affecte le couple. Ça coûte cher de psy, d’avocat et de temps de travail perdu et improductif. C’est une plaie.

Je suis toujours la victime de ces énergumènes et je connais personnellement plusieurs de leurs victimes. D’ailleurs, il y a quelques semaines, le père de l’une des victimes m’a téléphoné ne sachant que faire. Nous avons longuement discuté pour que je lui offre des pistes de solutions. Malheureusement, chaque piste de solution coûte un bras et une jambe, sans parler de l’impact émotif sur la victime, son entourage immédiat et élargie de même que sur le travail et la vie de tous les jours de chacun d’eux. Le premier réflexe de la victime est de développer de l’agressivité et de la diriger contre tout et n’importe quoi. Cette agressivité est le couvert qu’on met inconsciemment sur la tristesse qui est plus profonde et de laquelle on se protège. Après beaucoup de psychothérapie et de dialogue, on se rend compte de ça. Ça aide. Mais ça fait mal en tabarnak. J’ai eu de nombreux appels en pleurs de personnalités très connues qui sont victimes de ces attaques vicieuses et répétitives. Lorsque je leur demande s’ils sont capables d’en témoigner, elles disent que c’est trop douloureux et préfèrent penser leurs plaies en privé. On appelle ça la rançon de la gloire et elle est très chèrement payée.

Mais comment enrayer le web trash?

C’est alors que j’ai songé à la prostitution. Tout comme la méchanceté gratuite, la calomnie et l’injure, c’est vieux comme le monde. Et tout comme la prostitution, ça paye et ça fonctionne avec un système. Il y a le pimp, la pute et le client. Pour le web trash, des fois la pute aux contenus douteux est elle-même son pimp. D’autres fois comme récemment avec la plate-forme Trouble du Journal Voir, les putes à calomnie se trouvent un pimp. Il faut donc légaliser la calomnie, l’insulte, le mépris, ou légiférer et se dire collectivement que ça n’a pas de criss de bon sens. Mais vous me direz le droit civil gère déjà ça? Je vous répondrai que pour avoir passé par là, ça coûte la peau des fesses et que lorsque la pute a un pimp corporatif, c’est le pimp et/ou son assurance responsabilité qui ramasse le bill, tandis que la victime elle est laissée pour contre et doit payer plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de dollars. Je vous dirai aussi que nous sommes tous égaux devant la loi, sauf en droit de la diffamation. La personne connue a moins de protection que le quidam. Elle est réputée avoir l’épiderme plus épaisse. Pour le doit criminel, hormis le fait que la police n’est vraiment pas formée et équipée pour traiter ce genre de dossier, la différence entre un contenu extrêmement outrancier et de mauvais goûts et du harcèlement criminel ou de la littérature haineuse, est empreint d’une très grande subjectivité. Ton dossier a besoin d’être vraiment béton et la victime, très forte de caractère, pour que peut-être la police daigne prendre le dossier. À moins que la prostituée à contenu trash ait fait l’erreur de menacer physiquement directement, les allusions ne seront pas prises en compte. Les « on se met toute la gang pour aller faire chier un tel sur son mur Facebook, sur Twitter ou sur son site » ne seront malheureusement pas pris en compte. Les incitations à fesser du fif, si elles sont enrobées d’un pseudohumour, même si des gais sont sauvagement battus par des clients de ces putes de merdes, le relation de cause à effet peut être difficilement démontrable.

En outre, de varger sur la personne connut, ça attire les foules de clients demeurés. Ils aiment ça qu’on fesse sur des idoles. Ils n’avaient qu’à rester des inconnus s’ils ne pouvaient prendre la pression, peut-on lire.

Les solutions potentielles restent donc de s’attaquer aux putes autoéditées, aux pimps, ou encore aux clients. De surcroit, il n’est pas non plus inutile de rappeler que des campagnes sociétales (comme pour la prostitution), peuvent certainement aider. Je souligne aussi que plusieurs efforts ont été et sont fait pour la cyberintimidation qui touche les jeunes (notamment par la fondation Jasmin Roy), mais pour le cyberharcèlement, qui lui touche les adultes, c’est le néant total.

C’est pourquoi je jongle avec l’idée de faire une fondation qui aurait justement pour but d’attaquer ce problème et de fournir des ressources aux très nombreuses victimes de cyberharcèlement, dont on ne parle pratiquement jamais…