La votation internet, le DGEQ et l’ironie du temps qui passe….

Ces jours-ci, le DGEQ (Directeur Général des Élections du Québec) a la bonne idée de faire un sondage et de demander le dépôt de mémoires dans un objectif de comprendre ce qu’est la votation internet. C’est une bonne idée. C’est même une excellente idée, 15 ans plus tard.

Il y a 15 ans, j’avais été mandaté pour faire une revue mondiale des technologies, des raisons de succès et d’échec de ce qu’on appelait alors « la votation électronique ». Ce mandat m’avait été donné par BCE. Or, il s’agissait d’une étude hautement confidentielle. Pourtant, à l’encontre de son propre contrat de confidentialité, Bell, filière de BCE, remettait au ministre d’alors , Henri-François Gautrin, deux des chapitres de ma volumineuse analyse, sans m’en informer. Je reçois donc un téléphone du ministre qui voulait me rencontrer pour que je lui en dise davantage. Ce que j’ai fait avec grand plaisir (quoi que j’aurais aimé être payé pour en faire le « white paper spin-off » qu’on m’avait fait miroiter). Ces deux chapitres sont en lignes depuis 14 ans. Il s’agit de mon billet Expérimentations mondiales en votation électronique (World governmental electronic voting experiments).

Or, depuis, nous avons eu des élections municipales dans lesquelles, le DGEQ à des fins d’expérimentation, laissa les municipalités expérimenter avec la votation électronique. C’était en 2005. Ce fut un désastre. J’en parle entre autres dans mon billet Quel dommage pour la votation électronique . Ce fut catastrophique parce qu’il n’y avait pas de paramètres précis pour dire aux municipalités quoi et comment faire et que les fournisseurs de l’époque poussaient pour la technologie « Diebold » qui est la pire technologie de votation qui soit et que la résultante était exactement ce qui était prédit dans mon étude comme étant « les premières causes d’échecs ».

Maintenant, 15 ans plus tard, le DGEQ se réveille et « demande à la population » de l’éclairer via un sondage et la demande de dépôt de mémoire. Ça me fait rire parce que si je vous fais une image, c’est comme si on avait un cancer et qu’on demandait aux gens « par sondage et par dépôt de mémoires » comment on devrait se soigner. C’est peut-être très démocratique comme démarche, mais ça risque aussi de nous faire encore attendre un autre 15 ans avant de jouir des avancées de ces technologies. Humblement, le DGEQ pourrait peut-être à la place lire les deux chapitres qui sont déjà publiés et qui font le tour de la question et engager des spécialistes pour les aiguiller sur la problématique. Mais bon, c’est ça aussi l’un des problèmes d’être visionnaire. On est trop en avance sur son temps et lorsque le temps est venu, on oublie qu’on avait déjà documenté et même publié gratuitement les réponses à la même question…

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Pourquoi le mandat de la ministre Anglade de développer la stratégie numérique est si important pour tous les Québécois

En fin de semaine, le professeur de droit Pierre Trudel dans sa chronique du Journal de Montréal disait.

Une stratégie numérique, c’est urgent!
Des pans entiers de l’activité économique sont en train de se métamorphoser.

Si on continue à laisser les mutations numériques s’installer sans se donner des politiques efficaces pour adapter la société québécoise, le numérique sera synonyme d’appauvrissement.

(…)

Le numérique, c’est plus que des ordinateurs, des fils et des trucs techniques. Le numérique induit des transformations plus profondes: ce sont les façons de faire qui changent.

Ces mutations induisent de profonds changements dans nos façons de produire, de travailler, d’interagir; elles contribuent à changer le fonctionnement de notre quotidien.

Pour réaliser ces changements profonds, il faut des politiques ambitieuses pour accompagner les transformations. Sinon, ces changements vont nous appauvrir.

C’est aussi le président de la communauté Européenne, Martin Schulz qui répétait sensiblement la même chose la semaine dernière (repris dans le Guardian) :

Digitisation brings undoubted benefits, but if we want to prevent becoming “remote-controlled ‘data cows’ who live in a world ruled over by a handful of multinational companies,” he said, “we cannot leave debating ‘internet issues’ to the nerds. It is a debate in which all must have their say.

Schulz’s challenge is profound. What is at stake is pluralism, autonomy and choice. It’s about democracy in the face of “intelligence and businesses’ insatiable appetite for information about every single aspect of our lives”. It’s about ensuring that “not just the happy few benefit from the digital revolution”, and that “those who want to stay off-grid are also protected”.

La semaine dernière aussi, le Forum Économique mondial disait dans son document The future of jobs, que les entreprises et les gouvernements devaient s’adapter rapidement aux bouleversements majeurs qu’induit le numérique.

Overall, there is a modestly positive outlook for employment across most industries, with jobs growth expected in several sectors. However, it is also clear that this need for more talent in certain job categories is accompanied by high skills instability across all job categories. Combined together, net job growth and skills instability result in most businesses currently facing major recruitment challenges and talent shortages, a pattern already evident in the results and set to get worse over the next five years.

The question, then, is how business, government and individuals will react to these developments. To prevent a worst-case scenario—technological change accompanied by talent shortages, mass unemployment and growing inequality—reskilling and upskilling of today’s workers will be critical. While much has been said about the need for reform in basic education, it is simply not possible to weather the current technological revolution by waiting for the next generation’s workforce to become better prepared. Instead it is critical that businesses take an active role in supporting their current workforces through re-training, that individuals take a proactive approach to their own lifelong learning and that governments create the enabling environment, rapidly and creatively, to assist these efforts.

Toujours la semaine dernière, question de renfoncer le clou encore une fois, la Banque Mondiale, dans son rapport sur les dividendes du numérique, nous apprenait qu’au moment d’écrire ces lignes,

Les technologies numériques connaissent une expansion rapide, mais leurs dividendes — avantages plus larges d’une croissance économique plus rapide, d’une multiplication des emplois et d’une amélioration des services — ne suivent pas le même rythme. Si plus de 40 % des adultes en Afrique de l’Est payent leurs factures de services d’utilité publique à partir d’un téléphone mobile, pourquoi d’autres personnes ailleurs dans le monde ne pourraient-elles pas faire de même ? Si 8 millions d’entrepreneurs chinois — dont un tiers de femmes — peuvent utiliser une plateforme de commerce électronique pour exporter leurs produits dans 120 pays, pourquoi d’autres entrepreneurs ne parviennent-ils pas à donner à leurs activités la même portée mondiale ? Si l’Inde est parvenue en cinq ans à étendre un système d’identification numérique à une population d’un milliard d’habitants, et à épargner ainsi des milliards de dollars en réduisant la corruption, pourquoi d’autres pays ne pourraient-ils pas à l’imiter ? Qu’est-ce qui empêche les pays de bénéficier des transformations profondes que les technologies numériques sont censées leur apporter ?

Deux raisons principales expliquent cette situation. D’abord, près de 60 % de la population mondiale n’a toujours pas accès au web et ne dispose d’aucun moyen pratique de participer à l’économie numérique. Ensuite et surtout, si les technologies numériques présentent des avantages, elles entraînent en contrepartie un accroissement des risques. Les nouvelles entreprises ont la possibilité de bouleverser les habitudes des entreprises traditionnelles, mais elles sont impuissantes lorsque les intérêts en place et l’incertitude réglementaire freinent la concurrence et bloquent leur entrée sur le marché. Les perspectives d’emploi peuvent être plus importantes, mais pas dans un marché du travail polarisé. L’internet peut être une plateforme propice à l’autonomisation universelle, mais pas lorsqu’il devient un outil de contrôle par l’État et de mainmise par les élites.

Que doivent faire les pays pour atténuer ces risques ?
La connectivité est essentielle, mais pas suffisante, pour récolter tous les fruits des technologies numériques. Les investissements dans le numérique doivent être appuyés par des « compléments analogiques » : des réglementations qui permettent aux entreprises d’exploiter l’internet pour affronter la concurrence et innover; de meilleures compétences pour que les individus puissent saisir toutes les possibilités offertes par le numérique ; et des institutions responsables, afin que les pouvoirs publics répondent aux besoins et aux exigences des citoyens. Les technologies numériques pourront, à leur tour, renforcer ces compléments, et accélérer le rythme du développement.

Comment connecter ceux qui ne le sont pas encore ?
La concurrence sur le marché, les partenariats public-privé et une régulation efficace des opérateurs internet et mobiles encouragent l’investissement privé qui peut rendre l’accès universel et abordable. Il faudra parfois réaliser des investissements publics, qui se justifieront par leur forte rentabilité sociale. Il sera cependant plus difficile de faire en sorte que l’internet reste ouvert et sans danger alors que les internautes sont confrontés à la cybercriminalité, aux atteintes à la vie privée et à la censure en ligne.

Quelle est la principale conclusion ?
Les stratégies de développement numérique doivent être plus ambitieuses que les stratégies en matière de TIC. La connectivité pour tous reste un objectif important et un énorme défi, mais les pays doivent aussi créer les conditions requises pour tirer profit de la technologie. Faute de compléments analogiques, l’effet de ces stratégies sur le développement sera décevant. En revanche, si les pays établissent un socle analogique solide, ils profiteront grandement de la révolution numérique – croissance plus rapide, emplois plus nombreux et services de meilleure qualité.

Un réveil brutal : Pourquoi devrions-nous planifier le numérique ?

J’en ai plein le cul de l’inertie numérique de nos gouvernements!

 

Pourtant, depuis plusieurs années déjà, tant au fédéral qu’au provincial, j’ai rencontré différents fonctionnaires et ministres pour tenter de faire avancer l’idée d’un plan numérique pour le Québec et le Canada. J’ai toujours fait ça gratuitement de surcroit.

 

J’ai fait partie des 50 experts invités par Industrie Canada (dans le temps qu’ils étaient encore pris au sérieux par le gouvernement) pour discuter des politiques pour le commerce intérieur de l’économie numérique et pour la position canadienne aux tables de l’OCDE.

 

J’ai rencontré le ministre Gautrin et lui ai donné de nombreuses idées pour son premier livre vert (tabletté) et pour le rapport Gautrin (aussi tabletté).

 

Plus récemment, j’ai participé avec 12 autres passionnés à la rédaction du Rapport d’étonnement. J’ai aussi écrit de très nombreux billets touchants sur l’économie numérique afin de réveiller mes concitoyens. J’ai aussi parlé à de nombreuses reprises de l’impact du numérique sur diverses sphères de la société comme la santé, l’éducation, le tourisme, le gouvernement (dont une étude exhaustive sur la votation électronique, ce qui n’a pas empêché le DGE de faire n’importe quoi lors des élections municipales et de se planter royalement) et bien d’autres sujets encore.

 

Je suis tannée et inquiète de notre inertie collective et gouvernementale. J’ai fait une présentation Slideshare, délibérément en anglais, dans l’espoir qu’elle soit lue et fasse réagir ailleurs au Canada et dans le monde. Comme on dit « nul n’est prophète en son pays ». Ainsi, peut-être que mon wake-up call aura plus d’impact ailleurs qu’il n’en a jamais eu ici…

 

Avec tristesse… voici mon slideshare

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La pétition en ligne pour la démission de Jean Charest, observations

Cette semaine, une pétition en ligne pour la démission du premier ministre du Québec, Jean Charest fait un tabac. Vous pouvez même suivre l’évolution du nombre de signataires (jusqu’au 15 février 2011) en temps réel. Cette pétition ne fera sans doute pas tomber le gouvernement (pas plus qu’une pétition papier d’ailleurs) mais elle illustre parfaitement le raz le bol de la population et est certainement un signal fort militant pour la démocratie électronique. Nous avons eu de malheureux exemples de votations électroniques au Québec à cause de l’utilisation de technologies dont j’avais prédis l’échec, à priori, dans un billet World e-voting experiment benchmark. Mais l’engouement pour cette pétition en ligne, signale aussi la facilité avec laquelle les citoyens peuvent maintenant s’exprimer. On comprendra que dans un cadre de votation, le système sécuritaire se devra tout de même d’être plus rigoureux (lire mon billet précédent), mais ça démontre que lorsque les gens ont accès à un canal d’expression populaire accessible, ils l’utiliseront massivement. Ça prouve aussi la puissance, dans un contexte politique, des médias sociaux. On notera que cette pétition a été propulsée sur le Web par Amir Khadir, de Québec Solidaire. Que j’ai déjà fait observer ici l’efficacité de son parti sur Twitter et que cette offensive « médias sociaux » venant d’un député et d’un parti somme toute marginal, donnera peut-être le signal que les médias sociaux et les initiatives Web politiques peuvent faire des remous importants dans les médias dits, traditionnels. Ce sera un cas de politique web, fascinant à observer dans les prochaines semaines…
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Les conneries du DGE, le Web et les technologies

À chaque fois que je parle du DGE (Directeur Général des Élections) dans ce blogue, c’est pour m’attrister de l’incompétence apparente et du manque de compréhension et de vision de l’organisme. Mais qui travaillent donc là et qui sont les pantins qui leur servent de consultants?

Comme plusieurs amis et lecteurs de ce blogue connaissent mon intérêt pour l’utilisation du Web à des fins électorales et gouvernementales, plusieurs m’ont signalé l’article de LaPresse Le DGE veut contrôler l'internet aux élections. Quelle connerie!

Pour ceux qui ne le savent pas encore, j’ai déjà mis en ligne un chapitre d’une étude confidentielle beaucoup plus volumineuse portant sur la votation électronique World governmental electronic voting experiments et dans l’une des catégories de ce blogue, Gouvernement électronique, je discute depuis longtemps des sujets impliquant les instances gouvernementales (incluant les partis politiques) et le Web.

Pour revenir au DGE, dans l’article de LaPresse on peut lire :

Mais le problème soulevé ne vient pas tant des partis politiques comme tels, qui ont appris à se policer et à respecter les règles du jeu, mais plutôt d'internautes soucieux d'influencer l'opinion publique.

«Le problème, c'est les tiers, les gens qui, de leur sous-sol, ou des groupes qui ne sont pas autorisés par un agent officiel, qui décident d'utiliser Internet pour diffuser un message», explique le porte-parole du DGE, Denis Dion.

«S'il y avait des gens créatifs comme les Têtes à claques qui intervenaient en période électorale et qui attiraient l'attention beaucoup avec un document vidéo diffusé par Internet, cela soulèverait des questions», ajoute-t-il, pour citer un exemple de dérapage.

Quelle connerie! C’est certain que les partis politiques ont appris à se policer. Ils se policent tellement d’ailleurs qu’ils ne font rien de bon en ligne. Par rapport à ce qui se fait en France ou aux É.-U., nos partis politiques ont un retard colossal à rattraper. C’est donc vrai que pour l’instant, le DGE n’a pas encore à s’inquiéter de ce que feront les partis, en ligne. Ils ne font pratiquement rien et le font de travers de toute manière. Mais les gens dans leur sous-sol! Ho les gens dans leur sous-sol eux sont dangereux. Eux ils comprennent Facebook, YouTube, les blogues, maintenant Twitter et la puissance des réseaux sociaux. Ce sont eux qu’il faut surveiller. Mais comment faire cela? Humm, pour l’instant il appert que ce n’est que par dénonciation. Allô les belles valeurs démocratiques? D’ailleurs, déjà en mars 2007, je rigolais que d’un côté de la bouche, le même porte parole du DGE, Denis Dion, disait que le DGE ne ferait pas la police du Web et mettait en demeure des internautes de retirer des vidéos sur YouTube.

Il y a aussi eu cette histoire de laisser-aller complet des municipalités quant au choix des technologies à utiliser pour la votation électronique, puis le constat d’échec, que j’avais appréhendé plusieurs années auparavant, des technologies utilisées. Le DGE laissait faire n’importe quoi, se retirait de ses propres responsabilités puis s’indignait de l’inefficacité apparente. Quelle lâcheté et quel manque de vision? Disons que si je me fie à l’histoire récente impliquant le DGE, le Web et les technologies, ça promet d’être d’un ridicule à peine consommé…

Quel dommage pour la votation électronique

Les dernières semaines ont été fertiles en nouvelles reliées au vote électronique. Malheureusement, ces nouvelles ne sont pas reluisantes pour ces systèmes de votations qui, à mon humble avis, permettent pourtant plusieurs bénéfices tangibles pour nos démocraties.

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Diebold, se fait voler son code source … de Votation électronique

Il y a quelques années de cela, j’écrivais une recherche sur la votation électronique, pour un client important. J’ai d’ailleurs eu la permission de mettre un chapitre de cette volumineuse étude en ligne. Il s’agit de World governmental electronic voting experiments. Je ne peux évidemment entrer dans le détail du détail, mais je crois fermement que l’une des pistes de solutions à l’enjeu de la votation électronique, est l’accès au code source du logiciel de votation. À ce propos, comment pourrions-nous avoir confiance dans le processus démocratique, si l’une des étapes les plus importantes de ce processus, l’enregistrement du vote, est empreinte de mystères et possiblement contrôlée par des intérêts privés, à l’abri du regard des spécialistes? C’est la situation qui prévaut aux États-Unis. L’entreprise la plus importante chez eux est Diebold. Or, il appert, selon le Washington Post, qu’ils se sont fait voler des portions importantes de leur code source. Il me semble donc que ce soit un autre argument de poids pour qu’enfin ils révèlent au grand jour ce code afin que les spécialistes le sécurisent et en certifient la probité.

The FBI is investigating the possible theft of software developed by the nation’s leading maker of electronic voting equipment, said a former Maryland legislator who this week received three computer disks that apparently contain key portions of programs created by Diebold Election Systems.

Expérimentations mondiales en votation électronique (World governmental electronic voting experiments)

En cette période d’élection municipale au Québec, j’ai pensé qu’il serait opportun de publier une portion d’une recherche personnelle sur le sujet de la votation électronique que j’ai effectué il y a plusieurs mois. Je crois qu’elle est toujours d’à-propos. Elle est cependant en anglais. Lire la suite…

La votation électronique, approches et risques

Article publié précédemment sur le site de mon ancienne firme Adviso.

Le vote électronique et, plus globalement, la démocratie en ligne sont des enjeux primordiaux pour l’évolution de notre démocratie, des affaires électroniques et de l’amélioration de la participation citoyenne à la gouverne de l’état. De plus, ces mécanismes permettront certainement, à terme, de diminuer sensiblement les coûts reliés à l’exercice de la démocratie.

L’expression votation électronique regroupe une panoplie de technologies opérant sur plusieurs canaux de distribution possibles. Vous pourriez voter de différents lieux (maison, bureau, bureau de vote, lieux publics) avec des méthodes d’authentification variées, des interfaces diverses (PC, machine de votation et lecteurs optiques, WAP/3G, téléphone, terminaux de loteries, guichets automatiques, télévision interactive) et via des réseaux diversifiés. En fait, Lawrence Pratchet(1) de l’Université De Montfort a dénombré 136 combinaisons possibles de chacun de ces éléments participants à la votation électronique.

L’approche

Pour une deuxième fois, l’agglomération de Montréal s’apprête à utiliser des urnes électroniques (machines à voter et/ou lecteur optique) pour permettre aux électeurs d’exprimer le suffrage lors des prochaines élections municipales(2). Dans un contexte plus général, les gouvernements du Québec et du Canada ont des intérêts majeurs à investiguer, expérimenter et adopter les pratiques et les technologies liées à la démocratie en ligne.

C’est d’ailleurs le gouvernement du Québec, via le Directeur général des élections ainsi que le ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir qui supervisent et autorisent les expérimentations de votation électronique. Ce sera donc eux qui, ultimement, dicteront les paramètres à respecter et à valoriser dans l’implantation de telles solutions pour les municipalités, les commissions scolaires et le gouvernement provincial. Ils doivent donc s’assurer que les expérimentations favoriseront l’adoption des possibles technologies si nous voulons qu’un jour nous puissions bénéficier des nombreux bienfaits de la votation électronique, expérimentée dans plusieurs autres pays.

Le risque

Jean-François Lisée(3) et Michel Dumais(4) ont déjà exprimé avec un certain aplomb les diverses réticences qu’ils avaient face à la votation électronique. Nous avons tous en mémoire les nombreuses péripéties désastreuses de nos voisins américains en matière de votation électronique et en termes de votation non-électronique (vous vous rappellerez sans doute l’épisode des « chads » de la première élection de George Bush). Pourquoi est-ce que je vous parle des Américains ? Parce qu’ils sont l’exemple le plus cité par les médias et parce qu’ils sont l’exemple le plus négatif de ce qu’est ou peut être la votation électronique.

Ce qui est malheureux avec l’adoption par l’agglomération de Montréal de ce type de votation électronique (les machines à voter), c’est que nos élus municipaux optent pour l’une des technologies de votation électronique qui inquiète le plus les experts de la planète(5), qu’ils le font dans une optique de canal unique en retirant unilatéralement la possibilité de continuer de voter sur papier et de choisir cette forme de vote électronique si cela nous convient et qu’ils risquent d’aliéner la population à toute autres initiatives de votation électronique pour leur juridiction mais aussi pour les autres paliers gouvernementaux.

Pourtant, de nombreux pays tels que le Danemark, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou la Suisse ont expérimenté avec succès le vote électronique. Qu’avaient-ils de particulier pour réussir ? Ils ont fait des expérimentations progressives et multicanaux, permettant aux électeurs de se familiariser avec diverses technologies de votation tout en conservant la possibilité de voter de manière traditionnelle (avec un papier et un crayon).

Épilogue

Pour reprendre une illustration de KPMG dans un rapport sur la votation électronique de 1998(6), si les banques avaient introduit le commerce électronique (guichet, services bancaires téléphoniques, cartes de débit) de façon brusque et équivoque en retirant toutes possibilités aux consommateurs de pouvoir continuer de transiger aux comptoirs avec des caissières, ils auraient protesté avec véhémence et avec raison. Les banques ont plutôt choisi d’introduire progressivement différentes technologies de transactions qui ont été acceptées, adoptées et sont maintenant appréciées des consommateurs. Les banques peuvent maintenant bénéficier d’un ratio de 10/1 relatifs aux coûts d’une transaction au comptoir versus celui sur Internet(7).

Nos élus devraient s’inspirer de ce qui s’est fait par les banques, par d’autres pays que les États-Unis et instaurer progressivement des technologies diverses avec une approche multicanal, tout en conservant la possibilité de voter selon le goût de chacun. Ils pourraient ainsi réaliser des économies à long terme, identifier les canaux les plus appréciés des consommateurs et surtout ne pas s’aliéner la population et les commentateurs envers une réalité que nous n’avons pas encore commencé à explorer.

1 – Pratchett, Lawrence, et.al, The implementation of electronic voting in the UK, (Complete), De Montfort University, University of Essex, BMRB International, publ. Local Government Association (UK), May 2002, p.50

2 – Voir le communique de presse :
http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Janvier2005/28/c8097.html

3 – http://www.vigile.net/ds-lisee/docs/04-5-15-votehightech.html

4 – http://www.ledevoir.com/2003/09/29/37206.html?247

5 – Vous pouvez consulter à ce propos Riley, Thomas V., Report on e-democracy seminar, eGovernment Unit, Information Society Directorate General, European Commission, April 2004 p.8.
«The seminar raised many concerns about the reliability of voting machines, the technical problems that skew the results, the difficulties of authentication of the voters and often the lack of verifiable paper trails. »

6 – KPMG /Sussex Circle, Technology and the Voting Process, Final Report, June 1998, pp. 58-59

7 – Voir à ce sujet la publication Les services bancaires en ligne au Canada, Pratte, Nantel, Renaud et Michel Leblanc. Adviso Conseil et Chaire de commerce électroniques RBC Groupe Financier, Février 2004, pp. 27-28