L’avenir des communications, Réponse aux questions d’InfoPresse

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Je reçois un courriel de la rédactrice en chef d’InfoPresse, Marie-Claude Ducas, qui me demande de pondre un texte en vue d’un spécial qu’ils préparent sur les changements que vivront différents acteurs des communications. Voici donc la question que l’on me pose et la réponse que j’en fis.

Quel est le plus important changement que vous voyez en ce qui concerne les entreprises (côté gestion d’image, RPs, publicité, etc.)? En ce qui concerne les médias, l’information, la valeur du contenu, les modèles d’affaires et métiers autour de l’information ? En ce qui concerne toute autre chose que vous auriez envie de mentionner ?

C’est Boston Counsulting Group qui disait dans son document The CMO’s Dilemna(1) que les patrons marketing ne pouvaient plus rejoindre la masse avec le marketing de masse et ne pouvaient pas non plus le faire avec le marketing de niche, d’où le dilemme. IBM en rajoute une couche en prétendant que les 5 prochaines années verront plus de changement dans l’industrie de la publicité que les cinquante dernières (dans son document The End of advertising as we know it (2)). Nous pouvons donc assumer sans être trop prudents que nous vivons une époque de turbulence et de réajustement qui frappera durement les industries de la presse, des médias, du marketing et des relations publiques. D’ailleurs, les gens de relations publiques qui sont habitués à faire dans la relation média devront certainement réajuster leur modèle d’affaires pour faire plus de la relation avec les publics, qui deviennent désormais des interlocuteurs multiples, actifs et participants. Ce public est aussi celui que visent ultimement les secteurs industriels déjà mentionnés. Le hic est qu’il est maintenant participatif et qu’il tient à dire son mot. De plus, il est lui-même générateur de contenus et il les filtre pour ses amis. Les contenus, médiatiques, publicitaires, marketing et de communication ne sont donc plus unidirectionnels et/ou la panacée d’une gang de « créatifs ».

La démocratisation des contenus touche aussi plusieurs autres sphères de l’activité humaine. À titre d’exemple, avant d’aller voir le médecin, le patient s’informe désormais sur le Web et arrive avec des questions et de l’information qu’il veut faire valider par le professionnel. L’étudiant remet en question le professeur et cherche par lui-même et tente de valider « le cours et les informations » qui étaient jadis détenues par le professeur au « grand savoir ». Nous pourrions continuer avec bien d’autres exemples pour illustrer à quel point les changements que nous vivons sont profonds et remettrons bien des choses en perspectives. Il y a aussi la question de la gratuité des contenus et des modèles d’affaires qui les sous-tendent. L’argent n’est plus dans les contenus, mais plutôt dans les contextes (tel que l’explique si bien le blogue AFPmediaWatch (3)) et les produits dérivés qu’ils entraînent. Cependant, il y aura toujours de gens qui seront payés pour créer des contenus à haute valeur ajoutée et originaux. Mais qu’est-ce que cette valeur ajoutée? À mon avis elle se trouve désormais dans les aspects locaux (dans le sens géographique), dans l’analyse et dans la mise en perspective. En ce sens, les médias et les journalistes agiront comme filtres et agrégateurs de l’information, qu’ils bonifieront par la suite, d’expertises de pointes.

Pour revenir sur la question des modèles d’affaires, comme l’expliquait l’économiste Jacques Attali (4) :

La gratuité d’un service pour le consommateur n’entraîne pas nécessairement celle du travail de celui qui le fournit. Le projet de loi (Hadopi) ne vise qu’à freiner le développement d’Internet pour préserver le profit des majors. La licence globale peut fournir des recettes nouvelles significatives pour les auteurs, les interprètes, les cinéastes. La licence globale accélérera aussi une modification très profonde et très positive du mode d’organisation des métiers de l’art.

Il explique aussi que la culture a toujours été financée par la société, elle devra l’être aussi une fois qu’elle se retrouve sur le Web (ce qui n’est pas encore le cas). Les modèles d’affaires des créateurs auront donc cette manne réorientée Web, afin de financer leurs créations. D’autres entreprises devront aussi songer à comment développer des produits dérivés de la création d’un contenu, pour faire de l’argent. Personnellement, je ne fais que peu de profits de mes contenus médias sociaux, mais je vis vraiment très bien de leurs produits dérivés que sont mes services-conseils et mes conférences. Ainsi, d’autres entreprises devront se faire le même genre de réflexion…

1 http://www.bcg.ru/documents/file21387.pdf
2 http://www-935.ibm.com/services/us/gbs/bus/pdf/ibv-g510-7869-01-advertising.pdf
3 http://mediawatch.afp.com/?post/2009/11/18/Context-is-King
4 https://www.michelleblanc.com/2009/03/23/attali-argumentation-pour-telechargement-gratuit/

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Commentaires

  1. Tweets that mention L’avenir des communications, Réponse aux questions d’InfoPresse • Michelle Blanc, M.Sc. commerce électronique. Marketing Internet, consultante, conférencière et auteure -- Topsy.com

    […] This post was mentioned on Twitter by Michelle Blanc, Kleiber nicolas and intéro communication, Frédéric Therrien. Frédéric Therrien said: RT @MichelleBlanc: Mon billet: L’avenir des communications, Réponse aux questions d’InfoPresse http://bit.ly/8UZ3Wa […]

  2. Laurent Marcoux

    Pertinent comme toujours. Il me semble que la culture du Web est de plus en plus accée, selon mon humble avis, autour de la communication personne à personne. En ce sens, je vous suggère d’étudier :
    1) La sociologie
    2) L’ethnologie
    3) Le design
    4) Les sciences cognitives

    Ces trois disciplines permettent, à mon sens, de déterminer qu’il existe des facteurs communs appréciés par chaque individu. En notera par exemple, que la stimulation positive des 5 sens (vue, ouïe, toucher, odorat,goût) est au centre de la dynamique. Il devient alors compréhensible que les sujets comme la porno, la bouffe, les gadgets, les jeux-vidéos, le tourisme et les voyages soient des sujets chauds sur Internet. C’est là qu’on obtient, me semble-t-il, une réponse stimulante pour le maximum de sens.

    Plus sur ce sujet: http://www.leprojetinspire.wordpress.com

  3. Paul Arseneault

    Bonjour Michelle!

    Comme c’est devenu une habitude, quand je vois le mot “université” dans un de tes billets, je me sens interpellé! J’aimerais livrer mes réflexions spontanées lorsque tu dis que “l’étudiant remet en question le professeur et cherche par lui-même et tente de valider « le cours et les informations » qui étaient jadis détenues par le professeur au « grand savoir ».

    Dans un premier temps, j’aimerais dire que, dans mon expérience de chargé de cours depuis une dizaine d’années, je n’ai vu aucune différence (je devrais dire aucune “amélioration”) dans la qualité ou la pertinence des interventions de mes étudiants, ni en classe, ni dans les travaux, malgré l’omniprésence du web, de la prolifération des sites de contenus et des wikipédias de ce monde.

    En fait, je ferais ici l’hypothèse que pour être apte à découvrir des contenus pertinents sur le web, ça prend un minimum de connaissances de base sur le sujet, qui rend notre recherche performante. Donc, je crois qu’il est parfaitement impossible qu’un individu puisse se “former” lui-même par le seul intermédiaire du web! Pourquoi? Parce que le professeur n’est pas seulement dépositaires de savoirs (les contenus), mais également d’une expérience, à la fois fondée dans son apprentissage d’une discipline, mais également dans la pratique. Sans ces deux prémisses, l’accès brut à des contenus n’est d’aucune utilité à mon avis.

    Pour finir, je croyais aussi que le web allait rendre mes étudiants plus curieux et plus critiques, mais pour des raisons qui m’échappent totalement, ce n’est pas encore le cas…

    Là-dessus, bonne fin de semaine à toi!

  4. Paul Arseneault

    J’ajouterais même que depuis des décennies, les bibliothèques regorgent de livres de toutes sortes, regorgeant de nombreux contenus! Et pourtant, je ne crois pas, même si la chose était tout aussi possible par le passé, que les étudiants allaient lire deux ou trois bouquins avant le début d’un cours pour “valider” les contenus du professeur au grand savoir et le challenger!

  5. Michelle Blanc

    @Paul, ce n’est pas ce que moi j’ai vécue avec mes collègues lors de ma maîtrise il y a 7 ans et ce n’est pas non plus l’avis de Diane Nadeau chargée de cours à l’Université de Sherbrooke comme elle l’explique ici https://www.michelleblanc.com/2009/04/01/changements-que-vivront-agences-pub-et-marketing/ . Le problème est peut-être lié aux étudiants de l’UQAM ? (OK c’est une blague facile)

  6. Paul Arseneault

    Mais ton expérience et celle de Diane sont dans des programmes de commerce électronique! Ici, c,est à la fois le champ d’étude et le moyen pédagogique! Il n’est pas surprenant que des étudiants en commerce électronique soient familiers avec les technologies et la mécanique du web 2.0!!! C’est le contraire qui serait inquiétant! Par ailleurs, et contrairement à la grande majorité des disciplines, le web est une nouvelle “science”! Il n’y a pas de paradigmes, de dogmes, et le champ commence à peine à se constituer. Il n’est donc pas surprenant que les étudiants puisse avoir une opinion qui se rapproche de celle des professeurs. Mais, encore une fois, on s’éloigne par cette approche du point que je faisais: l’accès à des contenus, tout aussi facile et riche soit-il, n’est pas suffisant à lui seul à permettre un apprentissage! Ou, dit autrement, ce n’est pas parce que l’outil web est là et performant qu’on peut faire l’hypothèse que les étudiants l’utilisent tous à son plein potentiel!

    Même chose avec l’exemple de la médecine: j’aurai beau lire toute la littérature médicale, je ne deviendrai jamais un médecin! Et si dans certains cas cette lecture m’aide à orienter mon questionnement face à mon médecin traitant et m’aider à faire des choix éclairés dans le choix d’un traitement par exemple, il également fort possible que je sois dans le champ et qu’au contraire, je ne fasse que m’inquiéter davantage en me croyant atteint de maladies dont je ne souffre pas!

  7. Louise Desjardins

    Selon moi, le Web est une formidable source d’information ainsi qu’un lieu de discussion qui donne aussi accès à des outils collaboratifs pouvant dynamiser les communications de façon significative. Chacun en tire partie selon ses intérêts et ses acquis, qui peuvent être liés tant à sa formation qu’à son expérience. Je pense que le Web ouvre de nouvelles perspectives dans les relations professeur-étudiant ainsi que dans les types de service offerts par les experts en communication. Le besoin d’expertise demeurera mais cela n’enlève rien au fait que le Web puisse être une source de formation autodidacte. Simplement les rôles de chacun pourront être davantage définis en termes de processus (nous allons ensemble sur des chemins que j’ai déjà fréquentés, que je te fais découvrir,que tu me fais découvrir ou que nous découvrons ensemble)qu’en termes de contenus (je sais vs tu apprends et tu écoutes l’expert). Ce n’est pas parce que l’information est techniquement accessible à tous que tout le monde est expert en communication, mais cette expertise n’est pas non plus une chasse gardée, si tant est que la communication fait partie de la vie et qu’elle appartient à ceux et celles qui la font.

  8. Olivier

    C’est plutôt les profs qui devraient remettre en question le web que le contraire. Je me rappelle de ma prof d’histoire qui nous avait donné à analyser un texte, on avait tous naïvement fait les commentaires usuels. Lors de la correction, la prof nous a fait remarquer que ce texte était de la propagande et que personne n’avait dit que c’était de la merde, qu’on était tous brainwashés.
    Un prof fait passer le savoir pur, les média déforment les faits.

  9. Diane Nadeau

    @PaulArseneault
    Pour avoir eu une bonne discussion avec Mario Asselin l’été dernier concernant l’Université web2.0, je dois vous avouer que je vous crois lorsque vous dites n’avoir vu aucune différence jusqu’à présent…

    Toutefois, d’ici les 5 prochaines années, je crois que vous commencerez à voir une différence. Enseignez-vous au niveau baccalauréat? niveau maîtrise? Plusieurs écoles secondaires en Estrie (et j’imagine ailleurs aussi…je n’ai pas validé) ont intégré le portable et l’utilisation du web à l’école. Donc, ces étudiants maîtriseront, voire auront une méthodologie d’utilisation du web…pour faire la recherche d’informations. Ceci étant dit, je ne crois pas qu’ils arriveront «formés» ou qu’ils se formeront seuls et que c’est la fin du métier d’enseignant…

    Par contre, je crois que le métier d’enseignant devra s’adapter ou s’ajuster.

    Et OUI!!, les étudiants vous évalueront «live» lors des premiers cours pour valider vos connaissances.

    Je vous invite à lire ce billet de M. Asselin ou justement on se pose la question concernant l’adaptation de la formation universitaire aux natifs du numérique?

    http://carnets.opossum.ca/mario/archives/2009/04/mois_formation_universitaire_sherbrooke_barsalo_guedon_asselin.html

  10. Paul Arseneault

    @Louise et @Diane: Je trouve très pertinentes vos réflexions! Cela dit, étant adepte du web 2.0 (voire cyberdépendant!), je ne voulais pas dire que le métier de professeur (au premier et au deuxième cycle universitaire) ne doit pas s’adapter aux nouvelles technologies, bien au contraire, mais que je constate que son adoption par les natifs numériques (mes étudiants) est beaucoup plus longue que j’aurais pu le croire, et encore trop superficielle. Et je suis bien d’accord, comme le souligne Louise, que le contenu n’est plus une chasse gardée, et tant mieux, on pourra alors mettre plus d’efforts dans le processus!

  11. Sam Gex-Fabry

    Bonjour Michelle,

    En complément à la section sur la publicité, le consommateur filtre de plus en plus le contenu qu’il désire recevoir certes, mais la contrepartie est qu’il se fait souvent ‘vendre’ à son insu: placements de produits, commandite de leaders d’opinion (qui ne sont pas seulement des sportifs de haut niveau mais aussi des jeunes populaires dans leur école), placement média… le risque est de ne plus être capable de faire la différence entre un contenu classique et un contenu promotionnel.

    Enfin, la section sur les revenus générés par vos contenus médias est très pertinente. Il y a un article de Seth Godin qui complète ce que vous dites: il faut d’abord donner pour espérer gagner l’estime du consommateur (et ensuite qu’il nous paie pour cela). http://bit.ly/5gskvw “the first transaction”

  12. Rémi R

    @ Sam Gex-Fabry:

    Entièrement d’accord. Je crois que les gens ont tellement été bombardé de pubs, qu’il sont maintenant complètement saturé. En tout cas, moi je le suis!

    Je ne possède pas de téléviseur (pas besoin) mais si j’en avais un, je ne pourrais sans doute pas me passer d’un enregistreur numérique pour skipper la pub. Je ne vois pas pourquoi j’aurai à l’endurer, surtout que la majorité du temps, on nous prends pour des cons.

    À mon avis, la meilleur pub restera toujours le bouche à oreilles et les reviews de produits fait par des experts.