Pourquoi le mandat de la ministre Anglade de développer la stratégie numérique est si important pour tous les Québécois

En fin de semaine, le professeur de droit Pierre Trudel dans sa chronique du Journal de Montréal disait.

Une stratégie numérique, c’est urgent!
Des pans entiers de l’activité économique sont en train de se métamorphoser.

Si on continue à laisser les mutations numériques s’installer sans se donner des politiques efficaces pour adapter la société québécoise, le numérique sera synonyme d’appauvrissement.

(…)

Le numérique, c’est plus que des ordinateurs, des fils et des trucs techniques. Le numérique induit des transformations plus profondes: ce sont les façons de faire qui changent.

Ces mutations induisent de profonds changements dans nos façons de produire, de travailler, d’interagir; elles contribuent à changer le fonctionnement de notre quotidien.

Pour réaliser ces changements profonds, il faut des politiques ambitieuses pour accompagner les transformations. Sinon, ces changements vont nous appauvrir.

C’est aussi le président de la communauté Européenne, Martin Schulz qui répétait sensiblement la même chose la semaine dernière (repris dans le Guardian) :

Digitisation brings undoubted benefits, but if we want to prevent becoming “remote-controlled ‘data cows’ who live in a world ruled over by a handful of multinational companies,” he said, “we cannot leave debating ‘internet issues’ to the nerds. It is a debate in which all must have their say.

Schulz’s challenge is profound. What is at stake is pluralism, autonomy and choice. It’s about democracy in the face of “intelligence and businesses’ insatiable appetite for information about every single aspect of our lives”. It’s about ensuring that “not just the happy few benefit from the digital revolution”, and that “those who want to stay off-grid are also protected”.

La semaine dernière aussi, le Forum Économique mondial disait dans son document The future of jobs, que les entreprises et les gouvernements devaient s’adapter rapidement aux bouleversements majeurs qu’induit le numérique.

Overall, there is a modestly positive outlook for employment across most industries, with jobs growth expected in several sectors. However, it is also clear that this need for more talent in certain job categories is accompanied by high skills instability across all job categories. Combined together, net job growth and skills instability result in most businesses currently facing major recruitment challenges and talent shortages, a pattern already evident in the results and set to get worse over the next five years.

The question, then, is how business, government and individuals will react to these developments. To prevent a worst-case scenario—technological change accompanied by talent shortages, mass unemployment and growing inequality—reskilling and upskilling of today’s workers will be critical. While much has been said about the need for reform in basic education, it is simply not possible to weather the current technological revolution by waiting for the next generation’s workforce to become better prepared. Instead it is critical that businesses take an active role in supporting their current workforces through re-training, that individuals take a proactive approach to their own lifelong learning and that governments create the enabling environment, rapidly and creatively, to assist these efforts.

Toujours la semaine dernière, question de renfoncer le clou encore une fois, la Banque Mondiale, dans son rapport sur les dividendes du numérique, nous apprenait qu’au moment d’écrire ces lignes,

Les technologies numériques connaissent une expansion rapide, mais leurs dividendes — avantages plus larges d’une croissance économique plus rapide, d’une multiplication des emplois et d’une amélioration des services — ne suivent pas le même rythme. Si plus de 40 % des adultes en Afrique de l’Est payent leurs factures de services d’utilité publique à partir d’un téléphone mobile, pourquoi d’autres personnes ailleurs dans le monde ne pourraient-elles pas faire de même ? Si 8 millions d’entrepreneurs chinois — dont un tiers de femmes — peuvent utiliser une plateforme de commerce électronique pour exporter leurs produits dans 120 pays, pourquoi d’autres entrepreneurs ne parviennent-ils pas à donner à leurs activités la même portée mondiale ? Si l’Inde est parvenue en cinq ans à étendre un système d’identification numérique à une population d’un milliard d’habitants, et à épargner ainsi des milliards de dollars en réduisant la corruption, pourquoi d’autres pays ne pourraient-ils pas à l’imiter ? Qu’est-ce qui empêche les pays de bénéficier des transformations profondes que les technologies numériques sont censées leur apporter ?

Deux raisons principales expliquent cette situation. D’abord, près de 60 % de la population mondiale n’a toujours pas accès au web et ne dispose d’aucun moyen pratique de participer à l’économie numérique. Ensuite et surtout, si les technologies numériques présentent des avantages, elles entraînent en contrepartie un accroissement des risques. Les nouvelles entreprises ont la possibilité de bouleverser les habitudes des entreprises traditionnelles, mais elles sont impuissantes lorsque les intérêts en place et l’incertitude réglementaire freinent la concurrence et bloquent leur entrée sur le marché. Les perspectives d’emploi peuvent être plus importantes, mais pas dans un marché du travail polarisé. L’internet peut être une plateforme propice à l’autonomisation universelle, mais pas lorsqu’il devient un outil de contrôle par l’État et de mainmise par les élites.

Que doivent faire les pays pour atténuer ces risques ?
La connectivité est essentielle, mais pas suffisante, pour récolter tous les fruits des technologies numériques. Les investissements dans le numérique doivent être appuyés par des « compléments analogiques » : des réglementations qui permettent aux entreprises d’exploiter l’internet pour affronter la concurrence et innover; de meilleures compétences pour que les individus puissent saisir toutes les possibilités offertes par le numérique ; et des institutions responsables, afin que les pouvoirs publics répondent aux besoins et aux exigences des citoyens. Les technologies numériques pourront, à leur tour, renforcer ces compléments, et accélérer le rythme du développement.

Comment connecter ceux qui ne le sont pas encore ?
La concurrence sur le marché, les partenariats public-privé et une régulation efficace des opérateurs internet et mobiles encouragent l’investissement privé qui peut rendre l’accès universel et abordable. Il faudra parfois réaliser des investissements publics, qui se justifieront par leur forte rentabilité sociale. Il sera cependant plus difficile de faire en sorte que l’internet reste ouvert et sans danger alors que les internautes sont confrontés à la cybercriminalité, aux atteintes à la vie privée et à la censure en ligne.

Quelle est la principale conclusion ?
Les stratégies de développement numérique doivent être plus ambitieuses que les stratégies en matière de TIC. La connectivité pour tous reste un objectif important et un énorme défi, mais les pays doivent aussi créer les conditions requises pour tirer profit de la technologie. Faute de compléments analogiques, l’effet de ces stratégies sur le développement sera décevant. En revanche, si les pays établissent un socle analogique solide, ils profiteront grandement de la révolution numérique – croissance plus rapide, emplois plus nombreux et services de meilleure qualité.

Innover grâce à la douleur

Il y a de très nombreuses sources d’inspiration pour l’innovation. Ça peut être quelque chose de tout à fait spontané, ça peut venir d’un besoin particulier qui ne trouve pas de solution, mais étonnamment, ça peut aussi venir d’une expérience négative, voire douloureuse.

Vous connaissez sans doute l’histoire du Walkman? C’est cette idée de l’un des fondateurs de Sony, Masaru Ibuka, qui trouvait trop lourds et encombrants les lecteurs de cassettes de l’époque, lors de ses déplacements.

Je vous ai aussi déjà parlé de comment j’avais créé la Guignolée du Web et le Webothon Haïti à cause de ma culpabilité.

Mais aujourd’hui, je prends conscience que la douleur peut aussi être une source extrêmement positive de l’innovation. C’est l’histoire de Gavin Munro et de son entreprise FullGrown, qui fait littéralement pousser des meubles. Monsieur Munro avait une colonne vertébrale croche et il eut de très nombreuses greffes et opération pour corriger sa colonne. Or, il était dans prisonnier d’un carcan qui devait permettre à son cou de guérir. Ce fut donc l’un des ingrédients essentiel à son innovation.

The second seed had time to germinate when he had lots of time to think about that chair a few years later. Gavin went through several operations to straighten his spine.

“It’s where I learnt patience. There were long periods of staying still, plenty of time to observe what was going on and reflect. It was only after doing this project for a few years a friend pointed out that I must know exactly what it’s like to be shaped and grafted on a similar time scale.”

Dans mon histoire personnelle, à cause de ma médiatisation et de ma différence, j’ai vécu de très nombreuses menaces de mort sur internet. Pour me protéger de ces attaques, j’ai donc développé une expertise en cybercriminalité. Cette expertise sert maintenant d’autres personnes puisque j’ai récemment publié une étude sur la Cyberagression sexuelle au Canada, que demain je participerai au tournage de deux autres entrevues spécifiques sur le sujet (ce sera ma 5e entrevue sur le sujet et je reçois un cachet pour ça), que j’ai fait de nombreuses conférences sur le sujet (Ma conférence : La cyber violence à caractère sexuel, Conférencière médias sociaux et forces de l’ordre et Ma conférence Les médias sociaux et le numérique, c’est plus que du bonbon pour l’Association de la sécurité de l’information qu Québec) et que j’aide plusieurs victimes en faisant de la consultation pour eux. J’ai donc réussi à tourner une expérience particulièrement douloureuse en source de revenus pour moi et en un service hautement spécialisé pour différents types de clientèles. Comme quoi, même le très négatif, peut finalement servir à engendrer du très positif…

C-30, la Loi sur l’accès légal et pourquoi je suis contre

Je reçois un courriel de Charmaine Borg, Députée NPD de Terrebonne-Blainville à propos de la loi C-30, Loi sur l’accès légal, que se propose de faire passer le gouvernement conservateur. Je vous met en copie une portion du courriel de madame Borg mais juste avant, je vous exprime pourquoi je suis contre cette loi et que je suis tout à fait d’accord avec madame Borg.

Pourquoi je suis contre C-30, Loi sur l’accès légal

Les policiers n’ont pas besoin de plus de loi pour espionner dans nos courriels et sur le Web. Ce dont ils ont besoin est plus de moyens et de la formation pour utiliser adéquatement les outils et techniques de monitorage dans l’encadrement législatif actuel. Les plupart des corps policiers, des enquêteurs et des policiers n’ont même pas accès aux médias sociaux de leurs postes de travail. Pire encore, les procureurs de la couronne n’ont pas non plus accès à ces outils de base. Je sais de quoi je parle puisque juste cette année, je suis témoin à charge et victime de deux suspects de harcèlement et de menaces de mort Internet (dont un a déjà plaidé coupable et a été condamné et un autre toujours en attente de son procès criminel). J’ai donc eu à gérer ces situations avec les forces de l’ordre et la couronne et à monter les preuves pour qu’ils puissent faire leur travail, preuves qu’ils devaient consulter, de cafés internet ou de leur poste de travail personnel à la maison. Le SCANDALE IL EST LÀ, point à la ligne.

Le courriel de madame Borg :

Madame Blanc,

Il me fait plaisir de vous envoyer aujourd’hui ce courriel afin de faire le suivi concernant le dépôt du projet de loi C-30, soit la Loi sur l’accès légal.

Suite au dépôt du projet de loi par le gouvernement conservateur, trois députés du NPD – Jasbir Sandhu, porte-parole en matière de sécurité publique, Charlie Angus, porte-parole sur les enjeux numériques, et moi-même, en tant que députée québécoise qui siège sur le Comité de la justice et des droits de la personne – ont tenu une conférence de presse pour dénoncer ce projet de loi intrusif et coûteux.

Vous trouverez ci-joint le lien de la conférence de presse (malheureusement, la version anglaise de CBC est la seule disponible pour l’instant) : http://www.youtube.com/watch?v=UwXSGSLNBis

À cet effet, ma position est la suivante :

· Je suis en accord avec un renforcement des outils légaux permettant aux policiers de mieux combattre la cybercriminalité, Mais cela ne doit pas se faire au dépend des droits de la personne et doit respecter la vie privée des Canadiens;

· L’enquête des données personnelles doit être faite à l’appui de preuves incriminantes et sous mandat légal, comme c’est le cas présentement;

· Je propose en ce sens l’instauration d’une entité de supervision judiciaire indépendante et obligatoire, qui n’est pas inclue dans le projet de loi actuel;

· Le NPD se positionne également contre les mesures qui entraîneraient l’augmentation des frais de service internet aux citoyens.

Devant l’importance de cet enjeu, je vous encourage à suivre l’évolution de ce projet de loi et de mettre en branle votre propre campagne de sensibilisation afin de sensibiliser les Québécoises et les Québécois. Malgré les efforts très importants de plusieurs acteurs, il y a actuellement un manque crucial d’information publique à ce sujet au Québec. Dans la poursuite de nos intérêts communs, nous devons tous s’unir pour diffuser l’information sur ce projet de loi afin de sensibiliser les Québécoises et Québécois à cet enjeu.

C’est dans cette optique que je vous propose entre autres actions de signer la pétition suivante :
http://openmedia.ca/fr/ArretezLEspionnage

Et de rédiger une lettre au Ministre suivant :
http://sendvictoewsavalentine.ca/sites/sendvictoewsavalentine.ca/files/NON-valentine.pdf

(…)
Je vous remercie de votre collaboration, et n’hésitez pas à communiquer avec mon bureau parlementaire pour plus d’informations ou pour toute question. J’espère sincèrement que nous travaillerons ensemble pour la protection et le respect des droits des Canadiennes et Canadiens contre l’intrusion dans leurs vies privées.

Au plaisir,

Charmaine

Charmaine Borg

JeffSabres , la saga, les enjeux et les limites

(Comme une enquête policière est toujours en cour et qu’un procès au criminel aura lieu, les noms, détails de l’opération, indices et techniques spécifiques ne seront pas mentionnés dans ce billet et s’ils apparaissent en commentaire, ils seront caviardés).


Depuis plusieurs semaines, un jeune (sans doute très perturbé psychologiquement) qui se faisait appelé JeffSabres sur Twitter, sévissait sur et hors du web, pour insulter et menacer des gens très connus de même que des inconnus. J’ai eu la malchance (comme ça m’arrive parfois à cause de mon statut de personnalité et de nouvelle femme) d’être l’une de ses trop nombreuses victimes. Sur twitter j’ai souvent vu le commentaire :

Mais vous n’avez qu’à le bloquer et à le rapporter comme spam.

C’est tout à fait vrai et c’est même ce qui est fortement recommandé comme action face à un emmerdeur, un troll ou un rager (comme l’illustre le fameux tableau développé par la US Air Force, de mon billet US Air Force, Vos enjeux de relations publiques 2.0 peuvent difficilement être pires que les leurs ou encore dans le fascicule du SPVM à propos de la cyberintimidation). Le problème est que le suspect en question (appelons-le de même), se créait des clones de son compte twitter à la vitesse de l’éclair et surtout, qu’il sévissait aussi dans la vraie vie (songez par exemple, au téléphone ou aux envois postaux). Vous avez sans doute aussi remarqué qu’outre la semaine de vacance que j’ai prise, mes contenus web avaient sensiblement diminué. C’est qu’en plus d’une lourde charge de travail, je devais aussi de gérer cet emmerdeur insistant et envahissant. Après avoir fait le tour des options possibles qui s’offraient à moi, j’ai dû me résigner à prendre le taureau par les cornes et à hacker moi-même cet individu, via des techniques de social engineering, afin d’amasser suffisamment de preuves factuelles, pour monter un dossier solide devant servir d’outil pour la poursuite criminelle. C’est donc avec soulagement que je sais aujourd’hui que l’individu a été appréhendé. Je sais cependant aussi que nous ne sommes qu’au début des procédures et qu’elles risquent d’être longues et ardues.
Quelques constats
Lorsqu’on parle de cyberintimidation, on parle souvent, à juste titre, de celle qui sévit dans nos établissements scolaires. On ne parle cependant pas assez de celle qui sévit au grand jour, pour la population adulte, pour les femmes, pour les minorités visibles et pour les personnalités. Il y a malheureusement encore trop de crackpot dans nos rues et sur le Web. D’ailleurs, ces zigotos croient pouvoir se cacher derrière un clavier et un pseudonyme, pour faire royalement chier la planète. SUR TWITTER, FACEBOOK, LES FORUMS, LES BLOGUES OU AILLEURS, VOUS N’ÊTES ET NE SEREZ JAMAIS TOTALEMENT ANONYME.


Par ailleurs, j’avais accepté de comparaître à titre de témoin expert le 31 mars, à la chambre des communes à Ottawa, devant le Comité permanent de la condition féminine pour une Étude sur les impacts des médias sociaux et des nouvelles technologies de communication sur la violence faite aux femmes et aux filles. Étant donné le déclenchement des élections, cette excellente initiative est donc remise aux calendes grecques. Par contre, j’y aurais certainement mentionné que :

  • La cyberintimidation n’est pas qu’une affaire d’intimidation à l’école. Elle est répandue à la grandeur de la société.
  • Les corps de polices n’ont pas suffisamment de ressources pour s’attaquer au problème grandissant de la cyberintimidation. Leur accent principal de s’attaquer à la cyberpédophilie est louable, mais ils devraient maintenant avoir les ressources pour s’attaquer efficacement aux autres types de cybercriminalité.
  • Il est inadmissible que les policiers et les enquêteurs qui ne font pas partie des escouades spécialisées des crimes technologiques ou des départements de relations publiques n’aient pas accès aux médias sociaux pour faciliter et boucler leurs enquêtes.
  • Des formations spécifiques devraient être montées pour armer les corps de police (à tous les échelons) à réagir promptement et efficacement aux menaces cybercriminelles, émanant du Web.
  • Le gouvernement devrait obliger les propriétaires de plate-formes médias sociaux qui oeuvrent en territoire canadien (songeons à Facebook et Twitter), de collaborer avec les services de police et d’accélérer le traitement des mandats judiciaire en vue d’obtenir les adresses IP, les courriels et autres informations pertinentes, permettant de résoudre des crimes technologiques visant des citoyens canadiens.