Comment critiquer les fausses nouvelles en faisant une fausse nouvelle?

Depuis un certain temps, la crédibilité des médias est malmenée. Ils ont inventé des « fact checkers » pour débusquer les faussetés et clouer au pilori les méchants citoyens qui exagèrent, qui mentent ou qui présentent des faits qui n’en sont pas. Mais qui surveille les médias? Qui « fact-check » les faits présentés par ceux-ci? Les médias sont-ils au-dessus de tous soupçons? Il en est de même pour les médias sociaux. Ils décident de la vérité pour nous et censurent ce qui n’entre pas dans la trame officielle. Qui finance les médias et qui finance les médias sociaux?

Pourquoi je vous parle de ça ce matin? C’est à cause d’un cas flagrant de « fausse nouvelle » dans l’un des plus réputé média du Québec (sic). Je parle du journal LaPresse. Dans l’éditorial Se guérir des remèdes de cheval, l’auteur PHILIPPE MERCURE reprend la fausse nouvelle déjà démentie à de nombreuses reprises. Dans la 1re version de l’éditorial (via la WaybackMachine ) avant que l’éditorialiste ne l’efface sans aucune explication) on peut lire :

L’Oklahoma nous fournit en un exemple assez manifeste ces jours-ci. Selon les propos d’un médecin du coin relayés par Newsweek, les hôpitaux peinent à y soigner les blessés par balles parce que les urgences sont trop encombrées.

Encombrées de patients COVID ? Pas directement, non. Elles débordent plutôt de gens qui ont tenté de se guérir de la COVID-19 en ingérant de l’ivermectine, un médicament contre les parasites.

Ça pourrait être drôle si ce n’était pas si tragique.

Puis, l’éditorialiste fait la morale :

(…)Ces gens qui profitent de leurs tribunes pour jouer avec la santé du public font preuve d’une irresponsabilité inouïe.

On a ici tous les ingrédients d’une histoire moderne comme on en voit trop : mauvaise compréhension de la science, perte de confiance dans les institutions, certitude qu’on nous « cache quelque chose ». Le tout, bien sûr, amplifié par les chambres à écho des réseaux sociaux. Encore.

(…)Que faire face à des discours aussi déconnectés du réel ? Nous ne voyons rien d’autre que d’en exposer les contradictions et de continuer à combattre la désinformation par l’information. Une lutte lassante, qui expose parfois à des attaques. Mais qui s’avère plus nécessaire que jamais.

Là où le bât blesse

Cette nouvelle émanant de l’Oklahoma a été démentie par l’hôpital après une couverture nationale et internationale de l’escroquerie. C’était déjà une vieille nouvelle avant que l’éditorialiste de LaPresse se réveille ce matin. Elle avait déjà été reprise par RollingStone, Independant, Newsweek, YahooNews, HuffingtonPost , DailyMailUK (le 4 septembre). Les patrons de Philippe Mercure, après avoir été informés de sa bévue, ont rapidement effacé les paragraphes incriminants. Mais ils se donnent 24 heures pour publier « une précision » selon l’éditorialiste sur Twitter. (Vous pouvez lire The Media Fell for a Viral Hoax About Ivermectin Overdoses Straining Rural Hospitals)

La morale de l’histoire

Tout le monde peut faire une erreur, incluant les médias. Tout le monde peut publier de fausses nouvelles, avec de « bonnes intentions », incluant les médias. Tout le monde peut donner un « spin » à une nouvelle pour réconforter son point de vue, incluant les médias. Il n’y a pas qu’une vérité et il y a toujours trois côtés à une médaille (le recto, le verso et l’épaisseur). Malheureusement, depuis le début de cette pandémie, nous n’en voyons la plupart du temps qu’un seul côté. La notion de reportage « équilibré » n’apparaît presque plus. en conclusion, je vous propose donc deux paragraphes de l’article Science et Covid-19 : pourquoi une telle crise de confiance ? de TheConversation.

Absence de consensus scientifique et panique épistémique
Depuis le début de l’épidémie, malgré de réelles avancées sur la compréhension du virus, les chiffres et les modèles s’affrontent et parfois se contredisent. Certaines études scientifiques établissent que le port du masque protège de l’aérosolisation du virus et d’autres montrent le contraire. D’autres montrent que la chloroquine semble un bon traitement et d’autres indiquent le contraire. Des études font apparaître qu’une vaccination n’est pas sans risque et d’autres expliquent que le vaccin sera la seule solution pour sortir de la pandémie.

Ces quelques exemples font apparaître que le consensus scientifique au sujet de ce virus n’est pas aussi solide que les politiques ne le présentent pour justifier leurs décisions de gouvernement. Il n’y a pas de consensus général, mais seulement des consensus fragiles et provisoires qui sont, de fait, le propre de la démarche scientifique. Mais, en raison de l’obligation politique d’agir, la situation actuelle s’apparente à une panique épistémique.

J’ai très hâte de voir quelle sera « la précision » du journal et de l’éditorialiste demain. Ils ont largement le temps d’y penser…

Analyse du conflit étudiants gouvernement sur Twitter, et le gagnant est ?

On parle plus en plus souvent de l’impact de twitter sur la couverture médiatique d’enjeux majeurs, de faits de sociétés, de scandales ou de bévue organisationnelle. C’est que Twitter est l’outil privilégié du web en temps réel, mais aussi que malgré sa faible pénétration auprès de la population en général, il est très utilisé parmi les recherchistes, journalistes, blogueurs, communicateurs et influenceurs. Les gens qui sont sur Twitter sont ceux aussi qui créent des contenus à la grandeur du Web et des médias traditionnels. Son impact est donc majeur.

Je me suis donc posé la question à savoir qui des étudiants ou du gouvernement avait gagné la bataille de twitter durant le conflit ? C’est avec l’inestimable aide de la technologie et des spécialistes de Nexalogy Environics, que je vous présente une analyse de ce conflit, sur Twitter

Nexalogy a analysé 127 336 twitts de 11971 profils qui ont partagé en moyenne 11 twitts.

Le top 5 des comptes les plus retwittés (sur 127 336 twitts)

2277 @ASSEsolidarite
1509 @duchp
1170 @danielthibault
1120 @JoseeLegault
1094 @GNadeauDubois

Le top 20 des URLs’ les plus partagées

 

Le top 11 des usagers les plus engagés (overall)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le top 10 des usagers les plus engagés (sur les derniers 10 000 twitts)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le top 11 des usagers les plus actifs (overall)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le top 8 des usagers les plus actifs (sur les derniers 10 000 twitts)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les hashtags les plus utilisés (overall)

 

 

Les hashtags les plus utilisés (sur les derniers 10 000 twitts)


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Top 25 des mots les plus utilisés (du plus utilisé au moins utilisé):

charest
classe
beauchamp
gouvernement
hausse
manif
soir
jean
ministre
offre
manifestants
violence
presse
bon
voir
policiers
police
entente
manifestation
jour
dire
conflit
gouv
plq
frais

Le tableau de la timeline des événements

 

 

 

 

 

 

Conclusion

Ce sont clairement les médias et les usagers qui ont fait passer leurs messages sur Twitter. Pas les étudiants ou le gouvernement. Comme ils sont les partis impliqués dans ce conflit, il est naturel que les figures de proue en soient mises en évidence. Ainsi, même s’il apparaît que @ASSEsolidarite et @GNadeauDubois sont parmi les comptes les plus retwittés, les URLs les plus partagées sont par contre celles de LaPresse et des autres médias. Pas celles des parties en présence. D’ailleurs le seul URL de l’un des belligérants (La classe) arrive en 20e place des URL’s partagées. Par ailleurs, ce conflit a atteint son apogée twitter lors des émeutes de Montréal le 25 avril, et le 26 avril, le lendemain des événements, on atteignait le plateau de fréquence des discussions. Cette grève est (selon moi) et a été un autre épisode de “discussion de fontaine d’eau virtuelle” passablement mouvementé plutôt qu’un réel affrontement virtuel entre les étudiants et le gouvernement.

Les grands gagnants Twitter de cette crise sont les médias traditionnels qui se sont fait du beau trafic…

MAJ

Vous pouvez maintenant vous-même observer et analyser les données du conflit étudiants gouvernement sur Twiter grâce à un microsite de Nexalogy. Voici l’URL (http://hausse-fr.nexalive.com/).

Difficile le débat frais de scolarité. Si on est pour la hausse on est des vendus libéraux, si on est contre, des anarchistes… #GGI

Le fait journalistique n’a plus de valeur

Le 17 mai prochain, je serai conférencière à la conférence MixMedia pour présenter ma conférence : Principe$ économique$ de: comment faire du ca$h avec le$ contenu$ en ligne (Merci SAS Canada de commanditer mon allocution). Cette présentation sera bientôt en ligne, mais entretemps, j’aimerais vous partager certaines des « affirmations » que j’y ferai.

Le fait journalistique n’a plus de valeur

Il y a quelques jours, plusieurs journalistes faisaient les gorges chaudes du fait que contrairement à LaPresse, Le Devoir et The Gazette, Le Journal de Montréal n’avait pas en première page le fameux Jour de la terre. Ils utilisèrent cet exemple pour démontrer le manque de professionnalisme journalistique des gens du JdeM. Pour moi, ce n’est qu’un exemple de plus de l’inutilité du fait journalistique (ou plutôt de sa perte de valeur). Durant tout le week-end, j’étais déjà abreuvée des informations des chaînes d’informations continues, la vidéo accélérée de l’arbre vivant avait déjà fait plusieurs fois le tour du Web et depuis plusieurs semaines déjà la campagne de sensibilisation au Jour de la terre avait préparé la population à cette fameuse journée. Pourquoi donc aurai-je payé l’un de ces journaux qui me ressassaient ce que je savais déjà ?

À contrario, si le fait journalistique ne vaut plus rien, l’analyse, la réflexion, la valeur ajoutée et le journalisme d’enquête ont maintenant une grande valeur. Le lectorat de The Economist est en progression constante tandis que celui de The New York Times est en déclin constant. Les médias traditionnels vivent avec 10 ans d’écart, ce qu’ont vécu les agences de voyages avec l’arrivée du Web. Ceux qui vendaient des vols Montréal – Toronto ne sont plus en affaires aujourd’hui. Pourtant, il existe toujours des agences de voyages. Ce sont celles qui ont compris qu’ils devaient se trouver une niche, vendre des voyages plus complexes qui sont difficiles à se faire soi-même avec le Web (comme faire le tour des châteaux en Espagne, des vignobles en France ou une excursion en tout terrain au pied de l’Himalaya). Ainsi, les journaux qui nous répètent ce qu’on sait déjà, qui sont uniforme entre eux et qui ne peuvent se réinventer, risquent comme les agences qui nous vendaient des vols Montréal – Toronto, de devenir rapidement désuet…

En amuse gueule, voici trois de mes diapos de cette présentation


Vous aimerez sans doute aussi

PEW Internet, The state of news media 2010

Et

La présentation de The Economist : Lean back media: the shock of the old