Le projet d’identité numérique du gouvernement du Québec ou comment faire n’importe quoi

Heureusement que je suis assise. Sinon je tomberais à la renverse à lire les dépêches à propos du projet des « milliards de dollars » que le gouvernement du Québec commence à dépenser pour (selon TVA Nouvelles)

« L’ambitieux projet coûtera des milliards de dollars et n’a jamais été réalisé ailleurs dans le monde. ». (…)

« L’identité numérique sera basée sur les chaînes de blocs, une technologie « réputée inviolable », selon le ministre délégué à la Transformation numérique, Éric Caire. »(…)

« Pour les deux premières phases, ce sont essentiellement des cerveaux qui sont payés. Mais pour les deux suivantes, ça inclura de nouvelles infrastructures. Des structures hyper énergivores comme des serveurs et de nouveaux réseaux informatiques. Un chantier de plusieurs milliards de dollars, selon nos sources. »

Ou bien TVA Nouvelles écrit n’importe quoi, ou bien c’est Éric Caire qui dit n’importe quoi et qui a réussi à endormir le conseil des ministres et le premier ministre. Déjà à lire les trois paragraphes cités plus haut, on peut déjà réaliser le ridicule des informations présentées. Allons-y par étape.

« L’ambitieux projet n’a jamais été réalisé ailleurs dans le monde »

Il faut croire qu’Éric Caire n’a jamais lu le Plan numérique du Parti Québécois qui citait la technologie X-Road de l’Estonie (qui e débuté en 1998), qui fait exactement ce que prétend développer notre gouvernement, mais sans le boulet de la Chaîne de bloc. D’ailleurs le code source de X-Road est disponible sous licence MIT. L’Estonie et la Finlande utilisent depuis des années avec succès cette technologie et les Pays-Bas utilisent eu une adaptation nationale de X-Road. D’ailleurs, la carte X-Road world map nous permet de visualiser les pays tels que le Japon, l’inde, le Cambodge, Israël, l’Allemagne, l’Écosse et plusieurs autres qui sont en train de l’implanter chez eux. Donc, pour la première mondiale, on repassera.

« L’identité numérique sera basée sur les chaînes de blocs, une technologie « réputée inviolable »

Pour la réputation d’inviolabilité des chaînes de bloc, il suffit de lire l’article Top 5 Blockchain Security Issues in 2019, pour comprendre la fumisterie de cet énoncé.

Mais pour les deux suivantes, ça inclura de nouvelles infrastructures. Des structures hyper énergivores comme des serveurs et de nouveaux réseaux informatiques.

En effet, la technologie Blockchain est réputée très énergivore. Il est vrai que le Québec jouit de l’accès à l’électricité peu dispendieuse d’Hydro-Québec, mais cette énergie pourrait aussi servir à alimenter les petites serres afin d’atteindre la sécurité alimentaire quatre saisons. Les data-center qui seront nécessaires pour héberger les données seront très certainement utiles. Mais il semble que ce même gouvernement avait décidé de plutôt aller dans le cloud d’Amazon ou d’un autre joueur américain? Est-ce un revirement de vision? Si c’est le cas, c’est tant mieux.

Par ailleurs, les milliards qui seront injectés dans ce projet pourraient certainement l’être plutôt dans l’installation de fibre optique à la grandeur du Québec habité. Cela créerait immédiatement un cinquantaine de milliers d’emplois, augmenterait significativement notre PIB et serait très rentable pour le gouvernement et la société si au lieu de financer les TELCO avec cet argent, le gouvernement mandatait Hydro-Québec à installer la fibre et à recevoir des redevances des Telcos qui elles, s’occuperaient du transport sur le réseau national ainsi créé. Mais bon, il semble qui l’improvisation et les courbettes aux lobbys TI et des TELCOs soient plutôt la voie stratégique qui est préconisée. C’est profondément triste et à la fois particulièrement inquiétant…

Comment tuer l’offre infonuagique québécoise en donnant nos données en pâture au gouvernement américain?

Le gouvernement pourrait privilégier les fournisseurs d’infonuagique à propriété québécoise, ce qui en garantirait la protection de la souveraineté numérique de nos données. Mais malheureusement, il semble préférer prendre le risque d’offrir nos données au gouvernement américain. Il s’agit de l’Appel d’intérêt numéro : AI-7784 : Mise en place d’offres infonuagiques – Solutions d’infrastructure-service, de plateforme-service et solutions de logiciel-service reliées et de ces annexes et addendas. Comme vous le verrez, le diable est dans les détails et ces détails quelquefois, concourent à favoriser celui-ci…

Explication

Vous le savez peut-être, le gouvernement du Québec a décidé de migrer les données du gouvernement vers l’infonuagique, communément appelé le nuage (ou le cloud). Le but de l’opération est d’économiser l’argent des contribuables et de centraliser les données afin d’augmenter l’efficacité des ministères. Ce qui est tout à fait louable et maintenant rendu nécessaire étant donné la multiplication des centres serveurs, et des technologies différentes et désuètes, qui requièrent des expertises de plus en plus diversifiées et difficiles à maintenir. Dans un reportage de TVA, nous apprenons que les données des Québécois sont à risque :

Les données de Québécois stockées dans les multiples centres de traitement sont vulnérables aux attaques informatiques, affirme le ministre délégué à la Transformation numérique, Éric Caire.

«La situation actuelle du Québec est à risque», a admis le ministre, lundi matin, en ouverture de la Semaine NumériQc, qui a lieu au Terminal de croisière, à Québec. «Il y a des brèches de sécurité».

Le Conseil du trésor a annoncé récemment son désir de placer au moins 80% des données des Québécois dans un système infonuagique appartenant à des entreprises privées comme IBM, Amazon et Microsoft. Les autres données, celles considérées comme les plus sensibles, seront protégées dans un nuage gouvernemental.

Ainsi, le gouvernement va éliminer les 457 centres de traitement informatique où sont hébergées nos données et n’en garder que deux principaux.

Pour enrayer ce problème de multiplicité des technologies et des centres de données, le gouvernement pourrait décider de développer son propre nuage, s’associer au Nuage Fédéral du Canada (comme certaines provinces le font) ou sous-contracter à l’entreprise privée l’hébergement dans le nuage de nos données. C’est cette dernière solution que le gouvernement a adoptée en faisant une demande d’appel d’intérêt en ce sens.

Le gouvernement pourrait privilégier l’offre des entreprises d’infonuagique québécoises, ou ouvrir son offre de service aux revendeurs d’infonuagique d’entreprises américaines ou à ces entreprises américaines elles-mêmes. Il semble qu’encore une fois, ce soit les entreprises américaines qui soient privilégiées.

Comment le gouvernement écarte-t-il les entreprises québécoises?

La rédaction d’appel d’intérêt est un outil permettant d’acquérir des services ou des technologies désirées par une organisation gouvernementale. Or, la rédaction d’un avis et les spécificités qui y sont exigées (à tort ou à raison) peuvent de facto, exclure des fournisseurs potentiels qui pourraient vendre ces produits et services. C’est exactement ce qui se passe avec l’appel d’intérêt d’infonuagique du gouvernement. On exige des spécifications techniques et de sécurité qui dépassent les capacités des entreprises québécoises à remplir et qui ne peuvent l’être dans les faits, que par des multinationales américaines à la Amazon, IBM ou Microsoft. On ne parle pas ici d’exigences minimales de sécurité, mais bien d’exigences maximales. Les fonctionnaires semblent s’être passé le mot pour tout faire en leur possible pour disqualifier notre offre locale avant même qu’elle puisse soumissionner… En voici quelques exemples tirés de l’addenda No6.

1. 1. Question L’exigence de 5000 serveurs virtuels et un minimum de 7 Péta octets (Po) de stockage nous apparaît comme une exigence ne pouvant être rencontrée que par 2 ou 3 fournisseurs. Afin de permettre à un plus grand nombre de fournisseurs de se qualifier et ainsi favoriser la compétition, est-ce que ces quantités de serveurs et de stockage peuvent être moindre ?

Réponse L’exigence est maintenue. Le Courtier veut qualifier des infrastructures dont l’envergure est au moins équivalente à celles de grands organismes publics. Comme mentionné à l’article AI-1.11.1 du document d’appel d’intérêt, à défaut de pouvoir qualifier des offres dans le présent appel d’intérêt, le fournisseur pourra fournir une nouvelle proposition lors de prochains appels d’intérêt.

4. Question À l’annexe 15, Exigences de sécurité, vous demandez ceci : Rapport d’audit de conformité basé sur le standard SSAE 16/SOC 2 Type II : Le fournisseur doit fournir au Courtier une copie du rapport d’audit SSAE 16/SOC 2 Type II datant d’au plus deux ans précédant la date de dépôt des réponses et attestant de la conformité à l’exigence. Nous possédons actuellement le standard SOC 2 Type I. Pour obtenir le standard Type II, nous devons avoir un historique de 12 mois à fournir en Type I. Nous sommes actuellement en cours de processus afin de l’obtenir. Accepteriez-vous que nous fournissions notre rapport actuel sous promesse de vous fournir le rapport Soc 2 Type II avant le 1er février 2020?

Réponse L’exigence est maintenue telle quelle. La présente démarche de qualification ne peut permettre aucun compromis en matière de sécurité. Un rapport d’audit de conformité basé sur le standard SSAE 16/SOC 2 Type I n’est pas conforme, que ce soit temporaire ou permanent, puisque ce rapport n’est pas jugé équivalent à la norme ISO 27001:2013. Comme mentionné à l’article AI-1.11.1 du document d’appel d’intérêt, à défaut de pouvoir qualifier des offres dans le présent appel d’intérêt, le fournisseur pourra fournir une nouvelle proposition lors de prochains appels d’intérêt.

Le marché de l’infonuagique québécois est assez récent. Il n’a pas la longévité du marché des multinationales américaines. Par contre, il se développe à une vitesse étonnante et pourra, si le gouvernement lui en donne la chance, rivaliser avec les plus grandes entreprises mondiales. Déjà, des institutions financières et des multinationales lui font confiance. Mais il semble que notre gouvernement préfère jouer les « clients difficiles » pour les disqualifier avant même que la course ne soit ouverte.

Pourquoi est-ce inquiétant?

Dans la question 1, les exigences sont telles qui si certains hébergeurs infonuagiques québécois décidaient de faire alliance et se partager le contrat, ils ne le pourraient pas. Déjà, de passer de 457 centres de traitement à cinq ou six afin de permettre à nos entreprises à soumissionner, ce serait un très grand avancement. Mais le gouvernement est intransigeant. Il n’en veut qu’un. Dans la question quatre, on comprend que certaines entreprises ont l’exigence de sécurité SSAE 16/SOC 2 Type II qui est très difficile et dispendieuse à obtenir, mais qu’ils doivent encore attendre quelques mois avant d’avoir la confirmation externe de l’accréditation. Encore une fois, le gouvernement ne veut rien savoir.

Le gouvernement aura de toute évidence le choix entre plusieurs fournisseurs ou revendeurs américains et aucune offre d’hébergeurs d’infonuagique québécois. À cause du Cloud Act, comme je l’expliquais dans mon billet Le USA Cloud act et les problèmes d’intégrité et de confidentialité des données des Québécois.

Il a été largement documenté que nos lois de protection des données personnelles ne nous protègent pas de l’intrusion possible et effective du gouvernement américain.

 

Par ailleurs, Cloud.ca prétend que :

The goal of the CLOUD act was designed to help American agencies solve the legal challenges of cross-border data collection and the application of US law in those foreign territories. The result is that this law now enables the US government to legally access data outside the US that is being managed by US companies. In effect, the data is considered under US custody & control. In addition, the same US agencies can enforce a communication ban for US companies to not disclose that the data has been collected.

Servercloudcanada.com est encore plus incisif et inquiétant quant à la prétention des pouvoirs qu’accorderait le Cloud Act

It has long been requested that the SCA become modernized. Under the CLOUD Act, American authorities can now issue a warrant or subpoena to compel U.S. based service providers to present requested data. This applies to service providers located in both the U.S. and in foreign countries such as Canada. The U.S. government has given itself the power to request data even when it breaches foreign law.

(…)
The CLOUD Act extends the reach of law enforcement, but no update has been made to the law requiring a warrant for content. Typically, officials are obliged to show a reason for investigating a suspected criminal or possible crime. But current law does not impose a standard of probable cause for electronic communications. This discrepancy has been recognized by America’s most high-ranking law enforcement officers and has been fixed in similar bills. However, the CLOUD Act remains untouched.

(…)
Some larger cloud companies can appear to be trustworthy providers if they have data centres located in Canada. But location means nothing if these companies are American-owned.

Et pour finir, la CBC disait quant à elle, ceci:

The U.S. has served notice it wants an end to measures that restrict cross-border data flows, or require the use or installation of local computing facilities. It is among the American goals for ongoing NAFTA renegotiation, posing a possible headache for Canada’s cloud-computing plans.

Conclusion

Le gouvernement pourra avoir toutes les exigences et garanties de sécurité imaginables. Si le gouvernement américain décide de venir fouiller dans ses données, ce sera à son fournisseur de le défendre, selon son bon vouloir. Il n’aura même pas la possibilité de le faire lui-même. Par contre, il pourrait aussi décider de donner une chance sérieuse à notre industrie d’infonuagique locale, la surveiller de très près et l’aider à grandir et par le fait même à consolider une expertise et des emplois ici…

PL-14 sur la transformation numérique et les données personnelles, un pas en avant pour des km de retards

C’est la semaine dernière que Monsieur Éric Caire, ministre délégué à la transformation numérique gouvernementale, a déposé le projet de loi 14 (PL-14) Loi favorisant la transformation numérique de l’administration publique. Selon le communiqué de presse du gouvernement, ce projet de loi vise à :

(…) à faciliter la mise en place de services numériques plus conviviaux et mieux adaptés aux besoins des citoyens. Il rend possible le partage d’information entre les ministères et organismes, lorsque la situation le requiert, pour améliorer la fluidité des services et simplifier l’accès aux solutions numériques gouvernementales.
Le projet de loi garantit la protection des renseignements personnels à toutes les étapes de la réalisation des projets numériques. Seuls les organismes publics spécialement désignés par le gouvernement seront autorisés à partager des renseignements personnels entre eux. L’utilisation de ces données est strictement limitée à la réalisation d’un projet d’intérêt gouvernemental, et ce, pour une durée fixe que la loi vient préciser.

C’est une étape importante et essentielle pour le développement éventuel de services gouvernementaux numériques dignes de ce nom et pour une saine prestation de service interministérielle. J’applaudis le gouvernement d’avoir fait ce premier pas. Par contre, à la lecture des prochains paragraphes, vous conviendrez comme moi qu’il s’agit en fait du strict minimum. J’imagine et je souhaite sincèrement que ce ne soit QUE le premier pas et que d’autres projets de loi viendront combler ce qui m’apparaît comme des lacunes importantes.

Les manquements évidents du PL-14

Depuis quelques années déjà, les entreprises sont soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) qui touchent les organisations et entreprises fédérales. En gros, ils doivent colliger les informations personnelles des consommateurs dans des banques de données spécifiques, nommer une personne responsable à la face du public, maintenir l’intégrité de ces mêmes données, offrir la possibilité aux consommateurs de vérifier l’exactitude de ces données et de les faire modifier si besoin et même de les effacer si tel est son choix. De plus, les entreprises seront scrutées à l’externe et s’exposeront à des amendes pouvant être très salées, s’ils ne se conforment pas correctement à cette loi fédérale. Voici d’ailleurs les 10 principes de cette loi.

    1. Responsabilité
    2. Détermination des fins de la collecte des renseignements
    3. Consentement
    4. Limitation de la collecte
    5. Limitation de l’utilisation, de la communication et de la conservation
    6. Exactitude
    7. Mesures de sécurité
    8. Transparence
    9. Accès aux renseignements personnels
    10. Possibilité de porter plainte à l’égard du non-respect des principes

Disons qu’à la lecture du PL-14, nous constatons que le gouvernement du Québec sera vraiment très loin de ces principes qui doivent assurer une certaine pérennité du consentement du citoyen, de la vérification de l’exactitude, de la limitation de la collecte, de la sécurité, de la transparence, de l’accès, de la permission et des mécanismes de plaintes et des conséquences éventuelles de ces plaintes.

Sur mon LinkedIn dans lequel je partageais cette loi, un abonné écrivit à propos de celle-ci

Suis allé lire le projet de loi. Que dire? Épeurant de vacuité par rapport à ce qui se fait ailleurs dans les pays occidentaux en matière de collecte et partage de renseignements personnels au sein des organismes publics. Rien sur le consentement éclairé des citoyens, rien sur les nouveaux renseignements personnels (biométrie et génétique). Où est le pendant pour protéger les citoyens des dérives de l’industrie privée. Seul point positif, le CT est responsable de l’application.

Par ailleurs, je comprends un peu le bourbier dans lequel se retrouve notre gouvernement. Afin d’être capable de satisfaire aux principes que notre gouvernement fédéral demande pourtant aux entreprises canadiennes, le gouvernement devrait à tout le moins avoir une gestion centralisée de ces données, ce qu’il n’a pas, et de gérer convenablement ces mêmes données, ce qu’il ne semble pas faire non plus. Dans le plan numérique du PQ que j’avais proposé, on parlait entre autre de l’architecture X-Road pour permettre de régler certains des problèmes de partage des données gouvernementales, tout en respectant la vie privée et le choix des citoyens de partager ce qu’ils veulent bien.

On parle ici de l’architecture X-Road. Créée en Estonie, l’architecture X-Road permet aux services publics du pays de s’interconnecter afin d’échanger leurs données pour faciliter la vie des citoyens. Ce modèle a permis une coopération plus poussée entre les organisations publiques et a réduit l’utilisation du papier de façon importante. En prime, les employés de l’État peuvent désormais se concentrer sur les tâches qui nécessitent des interactions humaines. Il s’agira, pour nous, d’observer ce qui se fait partout sur la planète et de retenir les solutions qui s’appliquent le mieux chez nous.

D’ailleurs, récemment le gouvernement suggérait de migrer ces données dans le « cloud » d’une des multinationales américaines avec un appel d’offres. En plus d’être un aveu d’échec cuisant de l’infrastructure des données actuelles, ça permettrait de « pimper nos données ». Lorsque j’écris ça, je ne me réfère pas à l’expression qui a le sens d’amélioration, mais plutôt à celui qu’on prostituerait nos données sensibles à un pimp qui par la suite nous ferait chèrement payer pour l’accès granulaire et intelligent de ces mêmes données. Ce qui est tout à fait scandaleux.

Données ouvertes

Dans ce document on ne dit strictement rien sur les données ouvertes ni sur la protection des données personnelles dans les contextes municipaux. On n’y parle pas non plus de l’intelligence artificielle, de la biométrie et de toutes les avancées aussi spectaculaires qu’inquiétantes que ces mêmes données permettent désormais.

Prédation des données sur le domaine public

Saviez-vous que présentement, certaines entreprises canadiennes et québécoises offrent aux municipalités canadiennes des mobiliers urbains intelligents? Ces mobiliers permettent entre autres d’enregistrer vidéo-voix-données, des usagers qui s’en servent et des passants qui circulent autour. Moi j’ai pogné un méchant buzz en apprenant ça. D’ailleurs, je sais que certains dirigeants TI de municipalités ont été outrés de tels avancés et de réaliser que ces informations étaient retransmises, sans filtres, aux fournisseurs qui proposaient ces mobiliers. Il en est de même pour les feux de circulation intelligents qui scannent les adresses MAC qui se trouvent dans un rayon de 200 mètres de ces feux, puis revendent ses informations au plus offrant, sans que personne ne s’en inquiète. Il me semble qu’il y a là une méchante matière à légiférer. L’un des exemples éloquents des dérives possibles de ce laisser-aller législatif au profit de « bienfaiteurs intelligents et de fournisseurs de gugus de données » est l’exemple récent de Sidewalk Toronto. Un projet de ville intelligente parrainée par la bienfaitrice Alphabet, maison mère de Google. Ce projet est une « expérience » de l’établissement d’un quartier intelligent en bordure du Lac Ontario à Toronto. Il permettra à Google de recueillir et de gérer les données faciales, télémétriques, de circulation et de toutes autres données qu’il jugera importantes, sans l’autorisation des citoyens qui seront ainsi fichés, de la ville de Toronto ou du gouvernement. Vous pouvez d’ailleurs lire Bianca Wilie sauter une coche très documentée dans ses articles de Medium

Sidewalk Toronto: A Hubristic, Insulting, Incoherent Civic Tragedy Part I, Part II,
Sidewalk Toronto: It’s Time for Waterfront Toronto 3.0 — Onward and Upward
Sidewalk Toronto: Amnesia, Willful Ignorance, and the Beautiful Anti-Democratic Neighbourhood of the Future

L’innovation, la prévoyance et l’ignorance

Depuis des années, nos gouvernements se gargarisent du mot « innovation ». Depuis peu, à celui-ci s’ajoutent ceux de « intelligence artificielle », « villes intelligentes » et « données ». Je suis tout à fait enthousiaste à l’avancement de la science, à l’innovation, à l’invention et à l’adaptation aux réalités technologiques qui arrivent à grands pas. J’ai même donné de mon temps, depuis des années, à l’idée d’un plan numérique pour le Québec. J’y militais entre autres pour le principe de « prévoyance », d’adaptation de la force de travail, de réseaux adéquats, de centres de données, de bases de données ouvertes et de plusieurs autres concepts fondamentaux qui nous permettront d’entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. J’aimerais « qu’on voit venir » avant de se mettre collectivement dans la marde. Il me semble que la légifération des données est l’une des étapes cruciales à la protection du citoyen face à des enjeux de plus en plus présents et potentiellement inquiétants. Malheureusement, j’observe qu’outre un cercle très restreint d’initiées, c’est l’ignorance de ces avantages, périls et enjeux qui nous guettent…

Presque tous les hommes, frappés par l’attrait d’un faux bien ou d’une vaine gloire, se laissent séduire, volontairement ou par ignorance, à l’éclat trompeur de ceux qui méritent le mépris plutôt que la louange.
Machiavel

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