Musk, Twitter, les changements qui viendront et la panique de certains médias

Le soi-disant « méchant » Elon Musk devrait transformer Twitter en égout à ciel ouvert. C’est du moins ce que laissent entendre plusieurs médias. Il aurait même l’outrecuidance de pardonner à Donald Trump et le laisser réintégrer la plate-forme. Même que les employés actuels de Twitter seraient sur le bord de la crise de nerfs et pourraient démissionner en bloc. C’est dire à quel point la prise de possession hostile de Twitter par Musk serait « la fin » de cet emblème du web en temps réel, de cette agora des communications, de la politique et de l’intelligentsia internationale qu’est Twitter.

Je suis très loin de cet avis. Je n’aime pas particulièrement Trump, mais j’ai déjà discuté avec le Professeur Vincent Gautrais du changement de paradigme, de la censure et des implications majeures que cette décision de bannir à perpétuité Trump apportait dans le paysage légal des médias sociaux. Par contre, je dois avouer aimer Musk, apprécier plusieurs de ses positions et critiques de l’outil Twitter et être enthousiasmée des changements qu’il compte faire. Il semble même que Jack Dorsey, le fondateur de Twitter et celui-là même qui avait banni Trump, soit aussi de cet avis. Comme quoi, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Via le NewYorkPost :

D’ailleurs, la célèbre et très critique ACLU (American Civil Liberty Union) est aussi d’avis que le bannissement à perpétuité de Trump est vraiment allé trop loin. Dans leur récent communiqué de presse, on peut lire :

“You’d be hard-pressed to find a more steadfast opponent of Trump and his policies than the ACLU, but Elon Musk’s decision to re-platform President Trump is the right call. When a handful of individuals possess so much power over the most important forums for political speech, they should exercise that power with restraint. If Trump violates the platform rules again, Twitter should first employ lesser penalties like removing the offending post — rather than banning a political figure.

“Like it or not, President Trump is one of the most important political figures in this country, and the public has a strong interest in hearing his speech. Indeed, some of Trump’s most offensive tweets ended up being critical evidence in lawsuits filed against him and his administration. And we should know — we filed over 400 legal actions against him.”

Pour revenir aux employés, certains seraient sur le bord de la crise de nerfs selon certains médias :

Twitter employees go ‘absolutely insane’ after Elon Musk buys company

Babylon Bee skit mocks Twitter employees as sensitive, gets flagged by Twitter for ‘sensitive content’

‘Super Stressed’ Twitter Employees are Complaining About the ‘Sh-t Show’ of Elon Musk Becoming the Major Shareholder

Et paradoxalement, les demandes pour travailler chez Twitter auraient augmenté de 250%.
Job interest in Twitter skyrocketed more than 250% since Elon Musk moved to take over. But current employees are nervous.

Comme quoi le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Il faut cependant noter que Musk sera très exigeant quant à l’éthique et aux capacités élevées de programmation de ces prochains employés. (sur Fortune)

“If Twitter acquisition completes, company will be super focused on hardcore software engineering, design, infosec & server hardware,” he tweeted on Friday morning. “I strongly believe that all managers in a technical area must be technically excellent. Managers in software must write great software or it’s like being a cavalry captain who can’t ride a horse!”

Encore une fois Dorsey, l’ancien fondateur de Twitter, lui semble tout à fait en accord avec certains des changements technologiques proposés par musk.

Certains critiques de Musk prédisent qu’il va se planter avec la monétisation de Twitter et qu’il n’aura d’autre choix que de rendre l’outil payant pour les usagers. Ils oublient sans doute que Google n’a jamais été payant pour les usagers et que c’est l’une des entreprises les plus prospères de la planète. Le modèle d’affaires de Twitter a aussi encore beaucoup de possibilités d’innovations et son modèle d’affaires peut certainement encore évoluer magistralement. Cela semble être l’avis de Musk et c’est ce qu’il a présenté à plusieurs investisseurs dans un PowerPoint dont le New York Times a obtenu copie et qui est ici repris par blogdumoderateur :

Voici les objectifs ambitieux d’Elon Musk pour Twitter :
1. Chiffres d’affaires : 26,4 milliards de dollars d’ici 2028. Pour comparaison, le chiffre d’affaires de Twitter en 2021 était de 5 milliards de dollars. L’ambition du milliardaire est donc de multiplier par 5 les revenus de Twitter.
2. Revenu moyen par utilisateur : Le rapport annonce aussi une hausse du revenu moyen par utilisateur, 30,22 dollars en 2028 contre 24,83 dollars en 2021.
3. Nombre d’utilisateurs : 931 millions d’utilisateurs actifs d’ici 2028 (600 millions d’utilisateurs d’ici 2025). Pour comparaison, le nombre d’utilisateurs actifs sur Twitter est seulement de 229 millions d’utilisateurs en 2022.
4. Abonnements Twitter Blue : 159 millions de dollars de revenus d’ici 2028 (69 millions de dollars d’ici 2025) pour son abonnement premium Twitter Blue, lancé en juin 2021.
5. Nouvel abonnement « X » : selon le rapport, Elon Musk aurait prévu de lancer un abonnement appelé « X », pour le moment, en 2023 qui pourrait compter 104 millions d’utilisateurs en 2028.
6. Abonnements (dans sa globalité) : les revenus liés aux abonnements devraient atteindre 10 milliards de dollars en 2028.
7. Revenus publicitaires : la publicité devrait représenter à termes 45 % des revenus de Twitter, contre 90 % actuellement (chiffres de 2020). Ainsi, les revenus publicitaires représenteraient en 2028 : 12 milliards de dollars de revenus.
8. Activité de paiement : une activité de paiement pourrait être développée en 2023 sur Twitter (peu d’informations à ce sujet), ce qui permettrait de générer des revenus à la hauteur de 1,3 milliard de dollars en 2028.
9. Nombre d’employés : 2 700 nouveaux employés d’ici 2025. Actuellement, ils sont environ 7 500 collaborateurs.

Quoi qu’il en soit, Musk continuera à faire couler beaucoup d’encre et d’affoler ses détracteurs qui le voient comme le gros méchant milliardaire égocentrique d’extrême droite qui veut ouvrir les vannes de la méchanceté sans limites au monde entier. Pour ceux-ci, il en a déjà rajouté une couche

MAJ

Elon Musk suspend le rachat de Twitter, l’action s’effondre

MAJ2

@elonmuskStill committed to acquisition

La censure des big tech, changement de paradigme et implications. Une discussion avec Me Vincent Gautrais

Il y a maintenant deux semaines, Twitter a décidé de bannir unilatéralement Trump de sa plate-forme. Facebook et plusieurs autres outils sociaux ont suivi. Les jours suivants, 70 000 comptes de sympathisants de Trumps ont aussi été bannis de Twitter. Ils se sont alors réfugiés sur la plate-forme Parler. Cette plate-forme était hébergée chez AWS, Amazon Web Services. Les applications étaient disponibles sur Androïd de Google et le AppStore d’Apple. Elle a rapidement aussi été déplatformée de toutes les plateformes.

Quelques jours après son coup d’éclat, Jack Dorsey, le CEO de Twitter reconnaissait que sa décision créait un dangereux précédent. Selon la CBC :

Dorsey acknowledged that shows of strength like the Trump ban could set dangerous precedents, even calling them a sign of “failure.” Although not in so many words, Dorsey suggested that Twitter needs to find ways to avoid having to make such decisions in the first place. Exactly how that would work isn’t clear, although it could range from earlier and more effective moderation to a fundamental restructuring of social networks.

Durant le même moment, le copain Mitch Joël sur son Facebook, y allait de sa propre perspective.

What is “free speech”?
I saw a tweet that stated:
“Don’t be fooled. Big Tech isn’t shutting down accounts due to ‘risk.’ They’re trying to control what you READ. What you THINK. What you BELIEVE. They’re after one thing: control. Because control means power. Don’t let them win.”
I’m not a politician.
I’m not a scholar of the law.
I’m not even American.
I’m someone that pays a lot of attention to technology, consumer behavior, and media.
I’m someone that used to publish print magazines, and was a music/culture journalist in the pre-historic ages (before the web).
A time and place where ALL content was controlled through a tight and small media filter (because creating and distributing content was hard and expensive).
The web brought forward one simple (but massive) change:
The ability for anyone to publish their thoughts in text, images, audio and video… instantly and for free for the world to see.
Content was no longer hard and expensive to create and distribute.
A scarcity to abundance model.
That doesn’t mean that all content gets the same distribution.
That doesn’t mean that all content gets the same attention.
It, simply, means that whether it’s a tweet, blog post, article, podcast, video on YouTube or even a newsletter – it has the capacity to reach a massive audience without any friction.
I’m going to re-write that tweet from above from my own perspective:
Don’t be fooled.
Big Tech doesn’t really care about your tweets.
They’re not trying to control what you READ.
The more people that you follow, and the more people that create content is how their business model and platform expands.
They want you to see much more content, but – unfortunately, most people will only follow those who create content that is aligned with their values and aspirations.
They don’t really care much about what you THINK, but they do care a lot about showing you more content that you tend to follow, like, share and comment on.
They are after control… but not control of what you read, think, or believe.
They’re after control of a marketplace.
To build, as
Scott Galloway
calls it: an “unregulated monopoly” (with a large and deep moat around it).
The power that they seek is not over what content flows through their platforms, but rather that ALL content flows through their platforms, and that you spend as much time as possible within their walls.
Big Tech doesn’t win by suspending, deleting or censoring any content.
Big Tech wins by having as many people as possible on the platform, creating, sharing, connecting and spending their time on it.
Your attention and content becomes the data that makes them powerful.
Follow the money.
In fact, blocking and moderation is the way that they lose.
It costs money, time, human capital, and energy to moderate and deal with content that offends, break laws, etc…
The more that people don’t connect, or when those connections get broken (users leave, people unfollow people), the worse the platform performs.
If people question the quality of the platform, they may leave the platform for other spaces.
And, ultimately, the most important thing to understand is this: they are the platform and not the content creators.
They don’t care about your content, they just want your data.
The content creators are us.
You and I.
No content creators… no platform.
No growth for “Big Tech.”
Should they regulate what content we create and put on their platform?
Clearly, they have to because we can’t do it for ourselves.
Should the government be a part of this regulation?
Absolutely.
I do not want a public or private business deciding what is/isn’t free speech (that’s the role of government and the law).
We know the rules.
We know what is right.
We know what is wrong.
Yet, here we are.
We’re slamming the platform that allows the content to flow, and not the content creators for publishing these thoughts in the first place.
Don’t be mistaken.
Don’t be confused.
The problem isn’t the platform.
The platform and their use of your personal data is their big issue.
The problem is you and I.
It’s our inability to accept a difference of belief.
It’s our inability to not be able to distinguish between what is right and wrong.
It’s our inability to see and hear those who feel like they have not been seen or heard.
It’s our inability to accept responsibility for what these platforms have become.
It’s our inability to know the difference between fake and true.
It’s our inability to see how locked into the cult or personality we’ve become.
That saddens me to no end.
I always thought that the Internet would enable a thousand flowers to blossom over the handful of old trees that truly controlled what media our society was offered and afforded.
That gift came true… and we seem to be blowing it.
Not all of us.
Just some of us.
Just enough of us.
But those “some of us” are awfully loud.
Don’t let them drown out what is truly there.
The platforms enable many voices, in many unique niches to have a voice, build a business and tell better/more interesting stories.
I’ve met some of the most fascinating people in the world because of these platform.
Some of my best friends and best business successes have happened because of these platforms.
Justice isn’t blaming Big Tech.
Justice is using these platforms to bring people together.
Justice is using these platforms to bring more voices out into the open.
Justice is using these platforms to make connections with people that you would never have had a chance to connect with.
Justice is using these platforms to learn, grow, share and improve.
Control may be power.
If it is, control who you follow.
Control what you read.
Control what you post.
Control what you comment on.
Control what you like.
Control what you share.
Control the messages from those seeking to do harm.
Control your knowledge of how media works.
Control your filters.
Control your experience.
Control your future

Je lui fis cette réponse :

Free speech always had it’s limits. Those limits were regulated by the laws. The web is transnational and the laws difficultly applies to a no-border environment. We solved the problem for the sea, Antartica and celestial bodies by developing transnational treaties to managed them. Big tech have become transnational states and have their own political agendas. One of them is to choose the best “friendly environment” to keep making money without having to regulate too much. Trump is not considered as a positive actor in their scheme of things. Furthermore, even tho they are transnational, they are set in the US. This is were they could more effectively be regulated or not. they also have political opinions. So I do not agree with you that they don’t care about the content. In general they don’t. But if some contents or users are perceived has a potential menace to them as a money making machines, they will surely become avid actors in the taking down of those threats and they did. My humble opinion

Je me posais alors la question, comment la décision unilatérale des entreprises de médias sociaux de censurer des dizaines de milliers d’usagers, risque d’avoir un impact sur leurs responsabilités civiles et criminelles?

Voici donc le passionnant échange que j’ai eu avec Me Vincent Gautrais. L’utopie juridique dont je discutais avec lui est ici : Une utopie qui permettrait un cadre juridique international du cyberespace

Les avocats et les blogues

Lundi, lors de l’événement LegalIT,  j’étais conférencière avec Vincent Gautrais sur la question des blogues pour la communauté légale. Ma présentation est ici (PDF). D’entrée de jeu, je dis aux avocats que je doute fortement qu’ils fassent un jour des blogues. Pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, mais plutôt parce qu’ils sont déjà en retard sur la moyenne des industries en terme d’adoption d’un site Web traditionnel efficace (ma première diapo). Alors de là à ce qu’ils fassent des blogues, il y a un pas de géants qu’ils ne pourront jamais franchir. D’ailleurs, l’organisateur du congrès et lui-même blogueur Dominic Jaar, me confiât que s’il fait un billet de trois lignes, il peut recevoir via courriel, des commentaires d’avocats et de juges de trois pages. C’est qu’ils sont trop peureux de dire leur opinion en ligne. Ça me fait penser un peu à cet adage qui dit que jamais les gestionnaires ne deviendront entrepreneur puisqu’ils sont tellement habitués à calculer le risque, qu’ils n’en prennent plus. Il en va ainsi des avocats. À force de se mettre des bretelles et de nombreuses ceintures, il devient difficile d’oser se dévoiler. Même dans un intranet sécurisé. M’enfin, j’espère que des avocats oseront prouver que j’aie tort