Hier, le blogueur que je respecte beaucoup Fred Cavazza y va d’une sortie contre Second Life. L’autre copain Éric Baillargeon me contacte illico pour me dire « Hey Michel, ça va pas bien pour Second Life »? Puis ce matin il en fait un billet. Déjà la semaine dernière, à l’émission CitoyenNumérique Michel Dumais, Jean-François Renaud (mon ancien associé) et Marc Snyder trépignaient sur leur chaise à l’idée de démolir SL. D’ailleurs, Michel Dumais, il y a déjà plusieurs mois de ça, s’inquiétait de ne pas voir de billets dans mon blogue qui mettrait les pendules à l’heure et soulèverait les doutes à propos de Second Life. C’est que ce sacré Michel est un empêcheur de tourner en rond et un esprit des plus rapide à questionner et critiquer les choses. Il est journaliste après tout. Alors, voici donc le billet sur les problèmes de Second Life.
MAJ
Michel Dumais ne trépignait pas, c’est J-F Renaud et Marc Snyder qui le faisaient. De plus, le mot critique à son égard doit être lu dans le sens d’esprit critique plutôt que critiqueur. Voilà! Après relecture, ça sonnait drôle…
Le nom Second Life
À mon point de vue, le plus gros problème de Second Life est son nom lui-même. Ce nom très imaginatif de prime abord, induit l’idée d’une première vie. C’est d’ailleurs ce sur quoi Darren Barefoot capitalisa avec sa parodie GetaFirstLife. Mon ex-associé Jean-François Renaud, sans grande imagination, ressortit la même analogie à CitoyenNumérique en disant qu’après avoir joué quelques minutes dans SL il préféra aller jouer dehors dans la vraie vie. Si SL s’était appelé Web 3D à la place, ce genre de commentaire n’aurait pas de prise. De surcroît, c’est exactement le genre de commentaire que l’on faisait à propos d’Internet à ses débuts. Pourquoi aller sur le Web quand on peut jouer dehors? À ce titre, pourquoi lit-on un livre plutôt que d’aller jouer dehors? Pourquoi faisons-nous des avions à coller plutôt que d’aller jouer dehors? Pourquoi dessinons-nous sur une feuille de papier plutôt que d’aller jouer dehors? Peut-être est-ce parce qu’en plus de joueur dehors nous avons besoin d’autres activités qui soient instructives, éducatives, permettant la minutie ou simplement créatrice? Si Second Life s’appelait autrement, ce genre de commentaires très premier degré, n’aurait pas de prises.
Est-ce un jeu?
Un autre commentaire qui est assez courant est celui de je suis allé dans Second Life je me suis promené un peu et je ne savais pas ou aller et finalement ce n’était pas très « le fun ». À mon point de vue, second Life n’est pas un jeu. C’est une plate-forme 3D. Il y a certainement moyen d’avoir du plaisir dans second Life. Il y a tellement de choses à visiter et à découvrir. Mais contrairement à World of Warcraft, il n’y a pas de conquête, il n’y a pas de points à amasser, vous ne pouvez pas prétendre être le magicien avec le plus de pouvoir ou le chevalier avec le plus de victoires. Ce n’est pas un jeu. Vous pourriez par contre vous vanter être le premier vrai millionnaire du jeu (comme Anshe Chung), vous amuser à foutre le bordel comme le font les terroristes du SLLA, danser virtuellement toute la nuit au son des meilleurs DJ de New York au Studio 54, suivre un cours d’architecture, de droit ou de sociologie dans l’une des grandes universités américaines ou encore vous créer un univers ludique à votre image. Il y a donc certes des éléments ludiques à investiguer, mais SL n’est pas en soi ce que l’on peut appeler un jeu avec parcours, objectifs, points et classement des meilleurs joueurs.
L’aspect économique
Fred Cavazza cite capitalism 2.0 comme l’élément ayant déclenché un doute dans son esprit.
Linden Lab (la société mère) fait des efforts conséquents pour stabiliser artificiellement l’économie de son univers (notamment en injectant régulièrement de l’argent).
En gros, ils créent de la liquidité en faisant tourner la planche à billets. Quand c’est une grande nation qui a recours à cette solution, pas de problème puisque des organismes comme le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale veillent à ce qu’aucun dérapage ne se produise. Mais quand c’est une société privée aveuglée par ses taux de croissance et les feux des projecteurs, c’est nettement plus inquiétant. D’autant plus que le L$ n’est pas une véritable monnaie, c’est un moyen de micro-paiement alternatif (un peu comme les colliers de boules blanches du Club Med).
En fait, la situation va réellement devenir inquiétante quand Second Life sera sorti de cette surexposition médiatique et que les millions de curieux souhaiteront récupérer les quelques dollars ou euros changés en L$ (lors du creux de la désillusion), Linden Lab sera obligé de racheter sa propre monnaie en grande quantité sinon le cours va s’effondrer.
Pourquoi Second Life serait-elle comme une économie de marché ? Pourquoi devaient-ils laisser libre cours à la valeur du Linden Dollar ? Pourquoi s’offusquer des millions que fait Linden Lab avec SL alors que World of Warcraft génère lui un milliard de revenus par an et 1.5 milliard dans un marché parallèle ? J’ai de la difficulté à comprendre ces arguments ? On ne veut pas que SL soit rentable et protège artificiellement son marché ? Pourquoi donc ?
Le réel danger économique
L’un des points qui n’ont pas réellement été discutés à propos de SL et qui semblent intriguer le Congrès américain, est la possibilité de blanchir de l’argent et de fonctionner hors des contraintes de taxations des gouvernements. Déjà, dans ma recherche de collaborateurs pour développer des projets dans SL je me suis frappé à des développeurs qui voulaient être payé en Linden Dollar afin de ne pas éveiller les soupçons du bien-être social, du ministère du Revenu et des autres entités gouvernementales.
Right now we’re at the preliminary stages of looking at the issue and what kind of public policy questions virtual economies raise — taxes, barter exchanges, property and wealth,” said Dan Miller, senior economist for the Joint Economic Committee. “You could argue that to a certain degree the law has fallen (behind) because you can have a virtual asset and virtual capital gains, but there’s no mechanism by which you’re taxed on this stuff,” he said.
The increasing size and public profile of virtual economies, the largest of which have millions of users and gross domestic products that rival those of small countries, have made them increasingly difficult for lawmakers and regulators to ignore.
La question de l’affluence
Une autre attaque commune que font les critiques de Second Life, est son manque d’affluence. À ce jour, on compte 4 millions d’inscriptions à SL mais seulement une portion de ce nombre sont en fait des joueurs invétérés. Selon Wikipedia, les taux d’affluences maximales seraient de 35 000 avatars simultanément et le minimum de 17 000. Le copain Michel Dumais disait lors de son émission radiophonique que lorsqu’il est allé voir les lieux des partis politiques français pour les présidentielles, il n’y avait presque personne dans ces lieux. Pourtant, sur le blogue de Le Meur, qui montre des captures d’écrans du nombre d’avatars ayant visité ces lieux (au jour de la capture) il y avait déjà eu 28 834 avatars (visiteurs uniques) par jour, sur l’île de Sarkozy qui n’existe que depuis 1.5 semaines et 15 564 pour le lieu de rassemblement de madame Royal. J’y ai été moi-même vendredi dernier et vous verrez que sans y avoir foule, les endroits sont plutôt animés. Peut-être que le copain Michel y est allé durant des périodes mortes? De plus, tout comme les locaux des partis durant une élection, ils sont parfois bondée et parfois complètement vide. il ne faut pas non plus oublié les aléas du décalage horaire qui fait qu’un endroit désigné Français, sera à 6 heures de décalage par rapport à Paris. Si bien que si je visite l’endroit à 18 :00 de Montréal, il est déjà minuit à Paris!
Sur un autre ordre d’idées, pourquoi Second Life se devrait-il d’être constamment peuplé d’Avatars? Certains d’entre eux aiment aussi aller jouer dehors! Plus sérieusement, Second Life est tout de même une plate-forme quoique très médiatisé, encore assez récente. Laissez-lui un peu le temps de prendre son envol. World of Warcraft que l’on prend souvent comme comparatif à SL, existe lui depuis 1994!
En conclusion
Second Life n’est pas un jeu, son nom porte à confusion et son économie peut soulever des questions. C’est tout de même le terreau d’expérimentation de ce que pourrait être le Web de demain. Il y a encore beaucoup de places pour amélioration et non je ne crois pas que Second Life restera seul longtemps. Il pointe déjà de nombreux compétiteurs et plusieurs autres suivront (ce sera sans doute le sujet d’un prochain billet). À mon point de vue, c’est tout de même une avancée spectaculaire du Web 3D et nous ne faisons que commencer à comprendre comment le v-commerce, v-learning, v-health et v-collaboration pourront servir l’humanité dans bien d’autres sphères de l’activité humaine, que le simple plaisir de jouer.